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03/10/2019 | FRANCE | N°19LY00053

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 03 octobre 2019, 19LY00053


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2018, par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français durant deux ans.

Par un jugement n° 1807234 du 17 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enreg

istrée le 7 janvier 2019, M. C..., représenté par Me F... demande à la cour :

1°) d'annuler ce ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2018, par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français durant deux ans.

Par un jugement n° 1807234 du 17 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 janvier 2019, M. C..., représenté par Me F... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 décembre 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa demande dans le même délai, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.

Il soutient que :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- le préfet a méconnu le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a déposé une demande de réexamen auprès de la plate-forme d'asile désignée par la préfecture ;

- il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- il a commis un détournement de procédure ;

S'agissant du refus d'octroyer un délai de départ volontaire :

- des circonstances particulières au sens du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faisaient obstacle à cette décision ;

- elle est entachée de contradiction de motifs.

S'agissant de la décision d'interdiction de retour sur le territoire :

- cette décision méconnait de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

- elle est entachée de contradiction de motifs.

- sa situation relève de circonstances humanitaires faisant obstacle à l'interdiction de retour.

La requête a été notifiée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 février 2019

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Savouré, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant macédonien, né le 7 mai 1983, a présenté une demande d'asile rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 28 septembre 2012. Par arrêté du 18 décembre 2012, il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Par un arrêt du 17 mars 2015, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté le recours formé contre le rejet de sa demande d'asile. Etant de nouveau entré en France le 8 avril 2015, il a sollicité le réexamen de sa demande d'asile, demande qui a été rejetée en dernier lieu le 26 septembre 2016. Il a alors fait l'objet d'une nouvelle mesure d'éloignement, par arrêté du 30 juin 2017. Cette décision n'ayant pas été exécutée, un troisième arrêté portant obligation de quitter le territoire a été pris à son encontre, en date du 20 septembre 2018. Ce dernier arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 25 septembre 2018, avec injonction de réexamen. Le préfet de l'Isère a alors pris un nouvel arrêté, en date du 13 novembre 2018, portant obligation de quitter le territoire, fixant le pays de destination et l'interdisant de retour sur le territoire pendant une durée de deux ans. M. C... interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

2. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (...) "

3. Il ressort de ce qui a été dit au point 1 ci-dessus qu'une demande d'asile présentée par M. C... a été définitivement rejetée par la cour nationale du droit d'asile le 17 mars 2015 et qu'une demande de réexamen a été rejetée en dernier lieu le 26 septembre 2016. Si M. C... soutient avoir déposé une nouvelle demande de réexamen, il ne l'établit pas alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a fait l'objet d'une décision de réadmission vers l'Allemagne, le 12 août 2015. Quand bien même le rejet de sa demande d'asile a eu lieu plus de deux ans avant la date de l'arrêté litigieux, le préfet a pu, sans méconnaître les dispositions précitées ni commettre d'erreur de droit, obliger ce dernier à quitter le territoire français en appliquant le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. En deuxième lieu, si le requérant fait valoir qu'il vit en France avec sa femme et ses trois enfants, il ressort toutefois des pièces du dossier que son épouse est en situation irrégulière et a déjà a fait l'objet d'une mesure d'éloignement. En outre, s'il fait valoir être entré en France en 2012, il n'est pas en mesure d'établir le caractère continu de cette durée de présence. Il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans. Dès lors, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour litigieux porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait, par suite, les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

5. En troisième lieu, le détournement de procédure allégué n'est pas établi.

Sur les décisions de refus d'octroyer un délai de départ volontaire et portant interdiction de retour sur le territoire français :

6. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. / L'autorité administrative peut faire application du troisième alinéa du présent II lorsque le motif apparaît au cours du délai accordé en application du premier alinéa. " Aux termes du III du même article : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) "

7. En premier lieu, pour refuser d'octroyer un délai de départ volontaire et assortir sa décision d'une interdiction de retour, le préfet de l'Isère a indiqué dans son arrêté " que M. C... déclare dans son audition être revenu en France le 25 août 2018 sans être en mesure d'en rapporter la preuve ni les conditions exactes ". Cette phrase se borne à relater les déclarations de l'intéressé et ne peut être regardée comme impliquant la reconnaissance que cette date d'arrivée serait exacte. Par suite, le préfet ne peut être regardé comme ayant entaché son arrêté de " contradiction " en relevant par ailleurs que l'intéressé n'établissait pas avoir exécuté la précédente mesure d'éloignement du 30 juin 2017. Au demeurant, l'intéressé ne conteste pas être dans l'incapacité de présenter des garanties de représentation suffisantes, ce qui est un motif suffisant pour justifier les décisions litigieuses.

8. En deuxième lieu, dès lors que la femme et les enfants de M. C... partagent la même nationalité, l'interdiction de retour dont M. C... fait l'objet n'implique pas la séparation de la famille, celle-ci pouvant se reconstituer dans leur pays d'origine. Ainsi, cette décision ne méconnait pas non plus les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation.

9. En troisième lieu, si M. C... invoque les difficultés inhérentes à un voyage avec trois enfants, celles-ci ne constituent pas une circonstance particulière faisant obstacle au refus d'octroyer un délai de départ volontaire. Par ailleurs, s'il allègue que son épouse souffre de problèmes de santé, il ne l'établit pas.

10. En quatrième lieu, la situation de M. C..., telle qu'elle a été relatée ci-dessus, ne caractérise pas une circonstance humanitaire faisant obstacle à ce qu'une interdiction de retour soit prononcée à son encontre.

11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme B..., présidente assesseure,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.

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N° 19LY00053


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00053
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-10-03;19ly00053 ?
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