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01/10/2019 | FRANCE | N°18LY03027

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 01 octobre 2019, 18LY03027


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune de Moras-en-Valloire a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 16 juin 2016 par laquelle le conseil municipal de Saint-Sorlin-en-Valloire a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, ainsi que la décision du 7 septembre 2016 rejetant son recours gracieux contre cette délibération.

Par un jugement n° 1606254 du 14 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour


Par une requête enregistrée le 2 août 2018 et un mémoire en réplique, enregistré le 1er...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune de Moras-en-Valloire a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 16 juin 2016 par laquelle le conseil municipal de Saint-Sorlin-en-Valloire a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, ainsi que la décision du 7 septembre 2016 rejetant son recours gracieux contre cette délibération.

Par un jugement n° 1606254 du 14 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2 août 2018 et un mémoire en réplique, enregistré le 1er avril 2019, lequel n'a pas été communiqué, la commune de Moras-en-Valloire, représentée par la SELARL Retex Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 juin 2018 ;

2°) d'annuler la délibération du 16 juin 2016 approuvant le PLU de Saint-Sorlin-en-Valloire et la décision du 7 septembre 2016 rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre une somme de 3 500 euros à la charge de la commune de Saint-Sorlin-en-Valloire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la méconnaissance des dispositions de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme a eu une influence sur le sens de la délibération et a nécessairement privé ses administrés d'une information substantielle quant à l'avenir financier de leur commune ;

- le rapport de présentation du PLU est insuffisant, notamment en ce qui concerne les conséquences financières résultant pour elle du zonage N retenu pour les parcelles jouxtant le périmètre de l'Installation de Stockage des Déchets Non Dangereux (ISDND) qu'exploite le Syndicat de traitement des déchets Ardèche-Drôme (SYTRAD) sur le territoire de la commune de Saint-Sorlin-en-Valloire ;

- le classement en zone N de ces parcelles est incohérent au regard de l'orientation n° 4 retenue par le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) du PLU ;

- ce classement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et est incompatible avec les orientations du schéma de cohérence territoriale (SCOT) des Rives du Rhône, lequel prend en compte en tant que document de cadrage, le plan interdépartemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés (PIED) ;

- ce classement, qui est seulement destiné à faire échec au projet d'extension de l'ISDND, procède d'un détournement de pouvoir ;

- le PADD du PLU approuvé a été substantiellement modifié par rapport à celui du PLU arrêté le 8 octobre 2015.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2019, la commune de Saint-Sorlin-en-Valloire, représentée par la SELARL Cabinet d'avocats Philippe Petit, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune de Moras-en-Valloire en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés sont infondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 9 avril 2019 par une ordonnance du 8 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... C..., première conseillère ;

- les conclusions de M. Jean Simon Laval, rapporteur public ;

- les observations de Me B... pour la commune de Moras-en-Valloire ainsi que celles de Me A... pour la commune de Saint-Sorlin-en-Valloire ;

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Moras-en-Valloire relève appel du jugement du 14 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 16 juin 2016 par laquelle le conseil municipal de Saint-Sorlin-en-Valloire a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, ainsi que de la décision du 7 septembre 2016 rejetant son recours gracieux contre cette délibération.

Sur la légalité de la délibération du 16 juin 2016 :

En ce qui concerne la composition du dossier d'enquête publique :

2. En vertu de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme, le projet de PLU est soumis à une enquête publique dont le dossier comprend en annexe les avis des personnes publiques consultées.

3. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant le dossier soumis à enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette enquête que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur cette décision.

4. Il ressort des pièces du dossier que le public disposait, dès le premier jour de l'enquête publique, de l'avis défavorable relatif au projet de PLU que la commune de Moras-en-Valloire avait d'ores et déjà rendu le 10 octobre 2015 et des avis d'autres personnes publique associées qui émettaient également des réserves quant au classement en zone N des terrains contigus à l'Installation de Stockage des Déchets Non Dangereux (ISDND) gérée par le Syndicat de traitement des déchets Ardèche-Drôme (SYTRAD). Dans ces conditions, la circonstance dont la commune requérante fait état, tirée de l'absence au dossier d'enquête durant les deux premiers jours de celle-ci, de son avis du 29 janvier 2016, qui y a été joint dès sa réception, n'a, dans les circonstances de l'espèce, pas nui à l'information complète de la population ou été de nature à exercer une influence sur la délibération attaquée.

En ce qui concerne le caractère insuffisant du rapport de présentation :

5. Selon l'article R. 123-2 alors en vigueur du code de l'urbanisme, applicable aux PLU dont l'élaboration a été engagée avant le 1er janvier 2016, le rapport de présentation : " (...) 3° Explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durable et, le cas échéant, les orientations d'aménagement et de programmation ; il expose les motifs de la délimitation des zones (...) (...) ".

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le rapport de présentation consacre en ses pages 85 et 86 des développements spécifiques à l'ISDND exploitée par le SYTRAD sur le territoire de la commune de Saint-Sorlin-en-Valloire. Il indique notamment la volonté des auteurs du PLU de stopper l'extension du site. Alors que l'inconstructibilité qui résultait de l'ancien plan d'occupation des sols est conservée, les auteurs du PLU n'étaient pas tenus de justifier plus précisément, dans le rapport de présentation, le choix de conserver un zonage naturel en bordure de cette installation, ni davantage d'exposer les conséquences financières qui résulteraient de ce choix, notamment pour la commune de Moras-en-Valloire, contrairement à ce qu'elle soutient. Dans ces conditions, le rapport de présentation satisfait sur ce point aux exigences du 3° de l'article R. 123-2 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne les modifications apportées au PADD :

7. La commune de Moras-en-Valloire soutient que le PADD tel qu'il avait été débattu en conseil municipal les 9 juillet 2015 et 8 octobre 2015 a été substantiellement modifié dans la version du PLU approuvé.

8. Le PADD arrêté prévoyait dans ses orientations n° 1 et n° 2 le désenclavement routier de la partie sud du bourg, le développement de cheminements piétons et des modes de déplacement doux et l'aménagement des espaces publics. L'ajout d'une nouvelle orientation dans le PADD approuvé, consistant à " redéfinir les déplacements " et reprenant des mesures similaires, conserve les orientations générales du PADD débattues le 23 mai 2012.

9. La commune de Moras-en-Valloire relève également qu'a été ajoutée dans l'orientation n° 4 du PADD approuvé, intitulée " promouvoir une économie diversifiée ", dans la rubrique consacrée aux activités isolées et qui vise notamment le centre d'enfouissement des déchets, une mention selon laquelle " il s'agit cependant de maîtriser ces activités voir de stopper leur développement pour prendre en compte les nuisances générées ". Toutefois, le PADD, s'il prévoyait initialement comme le soutiennent les requérants, " le maintien et le développement " de ces activités, les moyens pour parvenir à un tel objectif, selon ce même document, consistent en la " définition d'un zonage et d'un règlement propre à ces activités maîtrisant les types d'implantation ", dans le " respect de leur environnement naturel ou agricole ". La préservation des espaces naturels et boisés figure également au titre des objectifs que les auteurs du document ont définis dans le PADD. L'ajout de cette mention, dont l'objet et la portée sont d'ailleurs limités, ne saurait dès lors être regardée comme remettant en cause substantiellement les orientations générales du PADD arrêté le 8 octobre 2015.

En ce qui concerne le classement en zone N des parcelles contestées :

10. En premier lieu, la commune de Moras-en-Valloire soutient que le classement en zone N des parcelles contigües de l'ISDND n'est pas cohérent avec l'orientation n° 4 du PADD, de promouvoir une économie diversifiée.

11. Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein d'un PLU entre le règlement, notamment en ce qu'il délimite les différentes zones et en définit l'affectation, et le PADD, il y a lieu de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale effectuée à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le PADD, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du PLU à une orientation ou un objectif du PADD ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

12. Ainsi qu'il a été dit au point 9, les auteurs du PLU ont eu pour objectif le maintien des activités isolées en maîtrisant leur développement pour prendre en compte les nuisances générées. Dans ces conditions, la seule circonstance que les terrains contigus à l'ISDND soient classés en zone N, n'autorisant aucune extension du site arrivé à saturation, n'est pas de nature à rendre le zonage incohérent avec les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le PADD, et au nombre desquels figure également ainsi qu'il a été dit la préservation des espaces naturels et boisés. Le moyen tiré d'une telle incohérence, qui ne saurait en tout état de cause résulter dans le cadre de l'analyse globale évoquée au point précédent et effectuée à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, du seul classement de ce secteur, doit ainsi être écarté.

13. En deuxième lieu, en application l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme, reprenant la teneur des anciennes dispositions du IV de l'article L. 111-1-1, les PLU sont soumis à une simple obligation de comptabilité avec les orientations et objectifs d'un schéma de cohérence territoriale (SCOT). Le SCOT, qui doit lui-même prendre en compte le plan de prévention et de gestion des déchets non dangereux Drôme-Ardèche, ne doit pas, en principe, s'écarter des orientations fondamentales de ce document.

14. Toutefois, ce document dont la commune de Moras-en-Valloire se prévaut, se borne, dans le cadre de l'état des lieux de la gestion des déchets qu'il dresse, à recenser les projets en cours, sans comporter aucune orientation que le SCOT devrait prendre en compte et ne saurait ainsi être regardé comme encourageant le maintien ou l'extension du centre d'enfouissement des déchets de Saint-Sorlin-en-Valloire. La requérante ne saurait ainsi se borner à se référer à ce document au soutien d'une prétendue incompatibilité du PLU avec les objectifs du SCOT des Rives du Rhône, approuvé en mars 2012. En tout état de cause, une telle incompatibilité ne saurait là encore résulter, au regard du caractère global de l'analyse à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert par le PLU à laquelle il doit être procédé pour apprécier sa compatibilité avec le SCOT, du seul classement en zone N des parcelles concernées.

15. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 123-8 alors en vigueur du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites "zones N". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / c) Soit de leur caractère d'espaces naturels. (...) ".

16. Il appartient aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation, sur ces différents points, ne peut être censurée par le juge administratif que dans le cas où elle se révélerait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

17. Il ressort des pièces du dossier que les auteurs du PLU ont tenu compte de l'existence de l'ISDND en classant l'intégralité de son site actuel en zone Uld, tout en conservant l'inconstructibilité des parcelles contigües, en considération notamment des nuisances que génère par nature une telle installation classée. Ces parcelles, entièrement boisées, et grevées comme dans l'ancien plan d'occupation des sols d'un espace boisé classé, présentent le caractère d'un espace naturel et leur classement en zone N se justifie en outre par leur situation au sein de la zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 2 de Chambarans. Compte tenu de leurs caractéristiques et du parti d'urbanisme retenu, en admettant même qu'un tel zonage ait fait obstacle à la poursuite de l'exploitation dans des conditions satisfaisantes ce qui a finalement conduit à la résiliation du bail emphytéotique administratif qu'elle avait conclu avec le SYTRAD, les circonstances dont la commune requérante fait état ne permettent pas de faire regarder le classement en zone N des terrains en litige, comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

18. En dernier lieu, pour les motifs exposés au point qui précède, il ne ressort pas des pièces du dossier que le zonage contesté, qui est justifié par des considérations d'urbanisme, n'aurait été adopté qu'en vue de faire échec au projet du SYTRAD d'étendre l'ISDND qu'il exploite sur le territoire de la commune de Saint-Sorlin-en-Valloire et serait de ce fait entaché de détournement de pouvoir.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Moras-en-Valloire n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Saint-Sorlin-en-Valloire verse à la commune de Moras-en-Valloire, qui est partie perdante, la somme que celle-ci demande au titre des frais qu'elle a exposés. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des mêmes dispositions et mettre à la charge de la commune de Moras-en-Valloire le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Saint-Sorlin-en-Valloire.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Moras-en-Valloire est rejetée.

Article 2 : La commune de Moras-en-Valloire versera la somme de 1 500 euros à la commune de Saint-Sorlin-en-Valloire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux communes de Moras-en-Valloire et de Saint-Sorlin-en-Valloire.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme E... F..., présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme D... C..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 1er octobre 2019.

2

N° 18LY03027

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03027
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU).


Composition du Tribunal
Président : Mme MARGINEAN-FAURE
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SELARL RETEX AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-10-01;18ly03027 ?
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