La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/10/2019 | FRANCE | N°18LY00765

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 01 octobre 2019, 18LY00765


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Concept Motors Autos Motos a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2009 au 31 mars 2012, ainsi que des pénalités et amendes correspondantes.

Par un jugement n° 1501102 du 10 janvier 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 février

et 2 novembre 2018, la SARL Concept Motors Autos Motos, représentée par Me D..., demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Concept Motors Autos Motos a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2009 au 31 mars 2012, ainsi que des pénalités et amendes correspondantes.

Par un jugement n° 1501102 du 10 janvier 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 février et 2 novembre 2018, la SARL Concept Motors Autos Motos, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 10 janvier 2018 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions, pénalités et amendes correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL Concept Motors Autos Motos soutient que :

- elle n'effectue pas elle-même la recherche de véhicules sur des sites spécialisés, ce sont ses centrales d'achat espagnoles ou roumaines qui effectuent la recherche de véhicules ; la consultation des sites internet des vendeurs nord-européens reposait sur des considérations techniques et n'était pas faite à des fins fiscales ; ce que le tribunal administratif a appelé " fiches descriptives " constituent des bons de commande matérialisant son accord pour l'achat d'un véhicule déterminé ; en cas d'accord sur la chose et sur le prix, le véhicule lui est ensuite transféré par un transporteur et elle le remet au client final ; ce n'est que quelques jours plus tard que le fournisseur espagnol lui adresse le certificat de conformité et l'original de la carte grise ;

- elle ignorait la fraude à laquelle se livrait ses intermédiaires, laquelle a été d'ailleurs révélée à l'administration fiscale à l'issue d'une demande d'assistance administrative internationale ; si elle connaissait le lieu de prise en charge du véhicule, elle ne connaissait pas le régime de taxe sur la valeur ajoutée auquel il était soumis et ne pouvait le déduire de ce seul élément ; les véhicules étaient livrés sans les documents d'immatriculation, lesquels lui étaient adressés postérieurement ; elle n'avait pas à vérifier l'exactitude des mentions portées sur les factures de ses intermédiaires ;

- l'administration a implicitement mais nécessairement invoqué l'abus de droit en remettant en cause le régime qu'elle a appliqué et en qualifiant d'abusif et de frauduleux cette application.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

- il résulte des constatations des services, confirmées par le gérant en cours de contrôle, que la recherche du véhicule était effectuée par la société requérante elle-même, qui adressait ensuite une fiche descriptive du véhicule à ses " fournisseurs " ; aucune trace d'échanges avec ces fournisseurs en vue de la recherche de véhicules n'a d'ailleurs pu être retrouvée dans les documents de la société, ni aucun listing que les fournisseurs en question auraient adressés à la société ; ayant consulté les sites internet des vendeurs initiaux, elle connaissait le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable ;

- la société était le donneur d'ordre de transport et savait qu'ils ne transitaient pas par l'Espagne ou la Roumanie ; les lettres de voitures et demandes de transport obtenues dans le cadre de l'exercice du droit de communication auprès de la société qui assurait le transport des véhicules à la demande de la SARL Concept Motors Autos Motos ont montré que cette société connaissait l'adresse et l'identité des fournisseurs nord-européens ;

- assurant la gestion administrative des formalités d'immatriculation en France, la société requérante était nécessairement en possession des certificats d'immatriculation des véhicules, dont son transporteur devait nécessairement posséder une copie pour procéder au transport ; la société n'a toutefois pas été en mesure de les fournir au cours du contrôle et l'administration en a obtenu une copie par l'exercice de son droit de communication ; ils mentionnaient bien l'identité des vendeurs initiaux ; la société avait également déposé des attestations de cession auprès de la préfecture, qui comportaient eux-aussi l'identité des vendeurs initiaux ;

- la législation en Allemagne ne prévoit pas d'exclusion au droit à déduction de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne les véhicules de tourisme ; les précédents propriétaires allemands ou belges étaient pour la plupart des négociants automobiles et leurs factures indiquaient une taxe sur la valeur ajoutée sur le prix global ;

- la société connaissait le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable dès lors qu'en plus du certificat d'immatriculation, elle détenait l'attestation d'origine du véhicule ;

- l'administration ne s'est pas placée sur le terrain de l'abus de droit.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Concept Motors Autos Motos, qui exerce une activité d'achat et de revente de véhicules d'occasion, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 mars 2012. L'administration, estimant qu'elle ne pouvait appliquer, comme elle l'a fait, le régime d'imposition de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, a substitué à ce régime celui des acquisitions intracommunautaires. Il en est résulté des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont la SARL Concept Motors Autos Motos a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand la décharge. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.

2. A l'appui de ses conclusions, la SARL Concept Motors Autos Motos soulève le même moyen que celui présenté devant les premiers juges, tiré de ce que l'administration s'est placée sur le terrain de l'abus de droit, sans la faire bénéficier des garanties prévues à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. Ce moyen doit être écarté par les mêmes motifs que ceux retenus par le tribunal administratif et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.

3. Aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) / 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ". Aux termes de l'article 297 A du même code : " I. 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. ". Aux termes de l'article 297 E de ce code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures. "

4. Il résulte des dispositions précitées qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions de l'article 297 E dudit code, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. L'administration ne peut refuser à un assujetti qui a reçu une facture sur laquelle figurent des mentions relatives au régime de la marge bénéficiaire, le droit d'appliquer le régime de la marge bénéficiaire, même s'il résulte d'un contrôle postérieur effectué par elle que l'assujetti-revendeur ayant fourni les biens d'occasion n'avait pas effectivement appliqué ce régime à la livraison de ces biens, à moins d'établir que l'assujetti n'a pas agi de bonne foi ou qu'il n'a pas pris toutes les mesures raisonnables en son pouvoir pour s'assurer que l'opération qu'il effectue ne le conduit pas à participer à une fraude fiscale.

5. Lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs.

6. En premier lieu, la SARL Concept Motors Autos Motos ne conteste pas le caractère erroné des mentions figurant sur les factures de ses fournisseurs, lequel est par ailleurs suffisamment démontré par les demandes d'assistance administrative internationale effectuées par l'administration.

7. En second lieu, pour démontrer que la SARL Concept Motors Autos Motos avait nécessairement connaissance du caractère erroné des mentions figurant sur les factures de ses fournisseurs, le vérificateur s'est fondé sur ce " qu'il est bien établi que l'ensemble des mandataires français officiant dans le négoce intracommunautaire de véhicules neufs et d'occasion effectuent eux-mêmes la recherche du véhicule en accédant directement à différents sites internet spécialisés d'annonces commerciales ", dont il considère qu'ils fonctionnent tous selon le même modèle, permettent de faire une recherche avancée du véhicule, qui renvoie au professionnel européen à l'origine de l'annonce et indiquent pour " la plupart " clairement le régime de TVA applicable. Ainsi que le soutient la requérante, de telles suppositions ne peuvent pas constituer des éléments de preuve. Toutefois, le vérificateur a également relevé que, selon les déclarations du dirigeant de la société lui-même, la recherche du véhicule s'effectuait par l'envoi d'une fiche descriptive du véhicule aux fournisseurs espagnols, afin que ceux-ci effectuent eux-mêmes la recherche. A l'examen de ces fiches, il a pu constater que leur précision était telle qu'elles n'avaient pu être rédigées qu'après que le véhicule ait déjà été identifié par la société contribuable suite à une recherche sur les sites internet déjà mentionnés. Si la société requérante soutient que ces fiches descriptives étaient en réalité des bons de commandes, elle n'a produit aucun document permettant de comprendre comment ses fournisseurs espagnols ou roumains ont été conduits à lui proposer des véhicules satisfaisant aussi précisément aux souhaits de ses clients. Par exemple, elle n'a pas été en mesure de fournir les listings qu'elle a prétendu avoir reçu de ses fournisseurs espagnols, ni aucun échange avec ces sociétés. Il résulte ainsi de l'instruction que la SARL Concept Motors Autos Motos effectuait elle-même des recherches sur des sites de vendeurs professionnels. Ces sites permettaient par ailleurs à la société appelante de connaître l'identité du vendeur, celle-ci figurant en outre sur les documents tels que les certificats d'immatriculation et attestations de cession, ultérieurement en sa possession, notamment du fait de l'organisation par elle du transport des véhicules et de la réalisation des formalités d'immatriculation en France. Si la seule circonstance que la société appelante aurait eu connaissance des documents d'immatriculation établis dans l'autre Etat membre et indiquant que les propriétaires des véhicules étaient des professionnels de l'automobile ne suffit pas à rendre manifeste que le fournisseur n'aurait pas été autorisé à appliquer le régime de taxation sur la marge, dès lors qu'elle ne permet pas de déterminer avec certitude si l'opération en cause lui a ou non ouvert droit à déduction, cet élément constitue toutefois un indice qui peut valablement être pris en compte. Par ailleurs, l'implication de la SARL Concept Motors Autos Motos dans le transport des véhicules, qui ne transitaient pas par l'Espagne ou la Roumanie mais lui étaient directement livrés, et la circonstance qu'elle payait le prix des véhicules avant même que ses fournisseurs n'en fassent l'acquisition auprès des vendeurs allemands et belges, constituent des circonstances qui, ajoutées à celles décrites ci-avant, permettent de considérer qu'elle n'a pas agi de bonne foi ou pris toutes les mesures raisonnables en son pouvoir pour s'assurer que l'opération qu'elle effectuait ne la conduisait pas à participer à une fraude fiscale. Dès lors l'administration était fondée à remettre en cause l'application par la SARL Concept Motors Autos Motos du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge.

8. Il résulte de ce qui précède que la SARL Concept Motors Autos Motos n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Concept Motors Autos Motos est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Concept Motors Autos Motos et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme B..., présidente-assesseure,

Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique le 1er octobre 2019.

2

N° 18LY00765

ld


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY00765
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-08-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SELARL CABINET CESIS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-10-01;18ly00765 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award