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24/09/2019 | FRANCE | N°19LY00455

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 24 septembre 2019, 19LY00455


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 3 mai 2018 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et désignant le pays de destination.

Par un jugement n°1804896 du 20 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 4 février 2019, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :
r>1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 novembre 2018 ;

2°) d'annuler les d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 3 mai 2018 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et désignant le pays de destination.

Par un jugement n°1804896 du 20 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 4 février 2019, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 novembre 2018 ;

2°) d'annuler les décisions du 3 mai 2018 du préfet du Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à titre subsidiaire une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail ou, en cas d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ou de celle fixant le pays de destination, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail jusqu'à nouvel examen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour Me B... de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de séjour est entachée d'erreur de fait ;

- elle méconnait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, celles de l'article 7 quater de l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2019, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il déclare s'en rapporter à ses écritures de première instance.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme D..., présidente-assesseure ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., de nationalité tunisienne, née le janvier 1979, relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 novembre 2018 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 3 mai 2018 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et désignant le pays de destination.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a vécu en France de 1983 à 1987 dans le cadre de la procédure de regroupement familial engagée par son père qui y résidait et y travaillait depuis 1965. Elle a regagné la Tunisie en 1987 avec sa mère et ses frères qui sont revenus en 1999 par une nouvelle procédure de regroupement familial, dont elle n'a pas pu bénéficier ayant alors atteint la majorité. Elle a poursuivi des études en Tunisie et s'est occupé de sa grand-mère. Il est constant que Mme C... est entrée en France le 25 décembre 2011 sous couvert d'un visa de court séjour pour rejoindre sa famille lorsque son père, décédé en décembre 2012, est tombé gravement malade. Sa première demande de titre de séjour a été rejetée par décision préfectorale du 14 mars 2014 assortie d'une obligation de quitter le territoire français. Le tribunal administratif de Lyon a rejeté le recours dont il était saisi contre ces décisions par un jugement du 17 juillet 2014 et le recours contre celui-ci a lui-même été rejeté par une ordonnance de la cour administrative d'appel le Lyon du 9 janvier 2015. Il n'est pas contesté que Mme C... n'a plus d'attaches familiales dans son pays d'origine, que sa mère, ses deux frères, leurs épouses, titulaires de cartes de résident et enfants, résident régulièrement en France et qu'elle assiste quotidiennement sa mère en raison de ses problèmes de santé. Elle justifie, par sa participation à des activités associatives bénévoles et à des activités culturelles d'une volonté d'insertion. Dans ces circonstances particulières, notamment eu égard à la durée de son séjour et aux attaches familiales de Mme C... en France, la décision de refus de titre de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise.

4. L'annulation du refus de titre de séjour emporte, par voie de conséquence, l'annulation des décisions prises sur son fondement. Dès lors, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination doivent également être annulées.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 3 mai 2018.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser à Me B..., avocat de Mme C..., en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à la part contributive de l'État.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1804896 du 20 novembre 2018 du tribunal administratif de Lyon et l'arrêté du préfet du Rhône du 3 mai 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mme C... un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me B..., avocat de Mme C..., une somme de 1 200 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., au ministre de l'intérieur et à Me B....

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

Mme D..., présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme Sophie Corvellec, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2019.

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N° 19LY00455

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00455
Date de la décision : 24/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : PETIT

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-09-24;19ly00455 ?
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