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24/09/2019 | FRANCE | N°18LY04548

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 24 septembre 2019, 18LY04548


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la décision du 17 janvier 2018 par laquelle le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au profit de son épouse ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de faire droit à sa demande ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800550 du 25 oc

tobre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la décision du 17 janvier 2018 par laquelle le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au profit de son épouse ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de faire droit à sa demande ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800550 du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 décembre 2018, M. A... C..., représenté par Me Coutaz, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 25 octobre 2018 ;

2°) d'annuler la décision précitée du préfet de l'Isère ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de faire droit à sa demande dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le rejet de sa demande de regroupement familial porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi signé à Rabat le 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Sophie Corvellec, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant marocain né le 21 novembre 1968 et titulaire d'une carte de résident d'une durée de dix ans valable jusqu'au 20 novembre 2024, a sollicité, le 18 novembre 2016, le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse, de nationalité algérienne, née le 25 juin 1988 et présente sur le territoire français. Par une décision du 17 janvier 1988, le préfet de l'Isère a refusé de faire droit à sa demande au motif que son épouse réside irrégulièrement en France. M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ". Aux termes de l'article L. 411-6 du même code : " Peut être exclu du regroupement familial : (...) 3° Un membre de la famille résidant en France. ".

3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet est en droit de rejeter la demande dans le cas où l'intéressé ne justifierait pas remplir l'une ou l'autre des conditions légalement requises notamment, comme en l'espèce, en cas de présence anticipée sur le territoire français du membre de la famille bénéficiaire de la demande. Il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu par les dispositions précitées, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou lorsqu'il est porté atteinte à l'intérêt supérieur d'un enfant tel que protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... réside depuis plus de quarante ans en France, où il dispose d'un logement et exerce une activité professionnelle stable, sous couvert d'une carte de résident. A la date de la décision contestée, il était marié depuis deux ans avec Mme B..., de nationalité algérienne, avec laquelle il venait d'avoir deux enfants, nés le 25 décembre 2015 et le 13 mars 2017, et en attendait un troisième. Eu égard à sa situation familiale et son ancrage sur le territoire français, M. C... est fondé à soutenir, alors même que son épouse était présente irrégulièrement sur le territoire français et que la décision contestée ne constitue pas une mesure d'éloignement, qu'en rejetant sa demande de regroupement familial, le préfet de l'Isère a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. L'exécution du présent arrêt, qui annule la décision du 17 janvier 2018 par laquelle le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de regroupement familial présentée par M. C..., implique nécessairement qu'il soit fait droit à cette demande, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans la situation de droit et de fait de l'intéressé y ferait obstacle. Il y a, par suite, lieu d'enjoindre au préfet de l'Isère de délivrer un titre de séjour temporaire à Mme B... dans un délai fixé, dans les circonstances de l'espèce, à deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à M. C..., d'une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800550 du 25 octobre 2018 du tribunal administratif de Grenoble et la décision du 17 janvier 2018 par laquelle le préfet de l'Isère a rejeté la demande de regroupement familial présentée par M. C... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à l'épouse de M. C... un titre de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme D..., présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Pierre Thierry, premier conseiller,

- Mme Sophie Corvellec, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2019.

2

N° 18LY04548

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04548
Date de la décision : 24/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-09-24;18ly04548 ?
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