Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :
1°) d'annuler les décisions du 12 octobre 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de son éloignement ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.
Par un jugement n° 1800321 du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2018, M. A... B..., représenté par Me C..., avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 avril 2018 ;
2°) d'annuler les décisions du 12 octobre 2015 du préfet du Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi relative à l'aide juridique, sous réserve qu'il renonce au bénéficie de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement ;
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé révélant un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il ne peut bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement adapté à son état de santé ; le préfet, qui ne pouvait légalement s'abriter derrière le secret médical, ne produit pas d'éléments de nature à démontrer qu'une telle prise en charge serait possible ;
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de ce que sa pathologie ne lui permettait pas de voyager sans risque ;
- il justifie de circonstances humanitaires exceptionnelles ;
- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- ce refus méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté comme inopérant le moyen tiré, à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours, de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- ces décisions sont illégales pour les mêmes motifs que ceux qui ont été développés à l'encontre du refus de titre de séjour et que ceux qu'il a développés en première instance ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procède d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- cette décision est illégale pour les mêmes motifs que ceux développés précédemment s'agissant de son état de santé et de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2019, le préfet du Rhône conclut au rejet de cette demande.
Il expose que le requérant ne produisant pas d'éléments nouveaux susceptibles d'avoir une incidence sur la légalité des décisions contestées, il s'en rapporte à ses écritures de première instance.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- l'arrêté ministériel du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Sophie Corvellec, premier conseiller.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant congolais né le 6 août 1981, a déclaré être entré sur le territoire français le 9 septembre 2006. Par jugement du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Lyon, statuant sur renvoi de la cour administrative d'appel de Lyon à la suite de l'annulation pour irrégularité de son jugement n° 1600028 du 12 juillet 2016, a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 12 octobre 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de son éloignement. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.
4. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé conforme à ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Par un avis du 18 août 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que son état de santé ne pouvait faire l'objet d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que les soins nécessités par son état de santé devaient être poursuivis pendant vingt-quatre mois. En outre, il ressort des certificats médicaux produits par M. B... qu'il est suivi depuis 2007 en hématologie pour un purpura thrombopénique idiopathique. Il est ainsi pris en charge depuis 2007 par un praticien du service d'hématologie du centre hospitalier Lyon sud, qui a attesté que l'affection hématologique dont il est atteint justifie des consultations en médecine générale et/ou en médecine spécialisée pour une durée imprévisible. Par ailleurs, le médecin généraliste qui le suit a précisé que cette affection, qui peut se stabiliser sans pouvoir être guérie, peut entraîner une hémorragie brutale en cas de baisse sévère des plaquettes non repérée, qui nécessiterait alors une corticothérapie massive voire une splénectomie en cas d'échec.
6. Pour remettre en cause l'appréciation du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet du Rhône se borne à produire des documents généraux dont il résulte que les pathologies psychiatriques peuvent être prises en charge en République démocratique du Congo et que le centre hospitalier de Monkole, situé à Kinshasa, dispose d'un service d'hématologie. Ces éléments ne permettent pas, à eux-seuls, de contredire l'avis du médecin de l'agence régionale de santé et les certificats médicaux versés aux débats par M. B..., qui a bénéficié d'un titre de séjour pendant deux ans pour motif médical, sans qu'il ne soit, au demeurant, établi que sa situation médicale aurait évolué. Dès lors, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. B..., le préfet du Rhône a méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de renouveler le titre de séjour dont il bénéficiait.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes dirigées contre les décisions du préfet du Rhône du 12 octobre 2015.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
8. Eu égard aux motifs qui fondent l'annulation prononcée par le présent arrêt et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans la situation de droit et de fait de M. B... y ferait obstacle, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer à celui-ci une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me C..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon n° 1800321 du 3 avril 2018 et les décisions du 12 octobre 2015 du préfet du Rhône sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. B..., dans un délai de deux mois, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. B... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me C....
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
Mme D..., présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
M. Pierre Thierry, premier conseiller,
Mme Sophie Corvellec, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2019.
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N° 18LY02779
mg