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27/08/2019 | FRANCE | N°19LY00951

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 27 août 2019, 19LY00951


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 10 décembre 2018 portant remise aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1900583 du 7 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 11 mars 2019, Mme F..., représentée par Me B..., demande à la c

our :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 10 décembre 2018 portant remise aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1900583 du 7 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 11 mars 2019, Mme F..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 7 février 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 10 décembre 2018 portant remise aux autorités italiennes ;

3°) d'ordonner au préfet de lui délivrer un récépissé et de l'autoriser à déposer sa demande d'asile dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- dès lors que l'arrêté transférant M. E... aux autorités italiennes n'a pas été exécuté, la France est devenue responsable de l'examen de la demande d'asile de l'intéressé et les dispositions de l'article 11 paragraphe 1 b) du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 auraient dû conduire le préfet de la Haute-Savoie à considérer que la France était aussi responsable de l'examen de sa demande d'asile ;

- l'information prévue par l'article 4 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 lui a été délivrée tardivement, de sorte que ces dispositions ont été méconnues ;

- l'arrêté méconnaît l'article 3 paragraphe 2 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- les dispositions des articles 31 et 32 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

- eu égard à l'échec des procédures instituées par le règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013, la possibilité offerte par l'article 17 de ce règlement doit être mise en oeuvre de façon systématique.

La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie, qui n'a pas produit de mémoire.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la décision de transfert étant devenue caduque avant même l'introduction de la requête enregistrée au greffe du tribunal le 28 janvier 2019, les conclusions tendant à son annulation étaient dépourvues d'objet, et, de ce fait irrecevables.

Par ordonnance du 14 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 3 juin 2019.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... G..., présidente assesseure,

- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., ressortissante guinéenne née le 28 novembre 1996 et concubine de M. E..., ressortissant guinéen né le 27 septembre 1994, a demandé l'asile aux autorités françaises. Au cours de l'entretien qui s'est déroulé le 16 avril 2018 en vue de la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, Mme F... a indiqué être la concubine de M. E..., lequel a, en même temps qu'elle, présenté une demande d'asile aux autorités françaises. La confrontation du relevé des empreintes de M. E..., avec la base de données Eurodac a fait apparaître qu'il avait précédemment déposé une demande d'asile en Italie. Les autorités italiennes ont alors été saisies, le 4 juin 2018, par les autorités françaises, d'une demande de reprise en charge de M. E..., demande qui a donné naissance à un accord implicite. Les autorités françaises ont également saisi les autorités italiennes d'une demande de prise en charge de Mme F..., demande fondée sur le b) de l'article 11 du règlement (UE) n° 604/2013 et ces autorités ont implicitement donné leur accord. Par deux arrêtés du 10 décembre 2018, notifiés aux intéressés le 14 janvier 2019, le préfet de la Haute-Savoie a ordonné le transfert, respectivement, de Mme F... et de M. E... aux autorités italiennes, responsables, selon lui, de l'examen de leurs demandes d'asile. Mme F... relève appel du jugement du 7 février 2019, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté la concernant.

2. Aux termes de l'article 11 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsque plusieurs membres d'une famille (...) introduisent une demande de protection internationale dans un même État membre simultanément, (...), et que l'application des critères énoncés dans le présent règlement conduirait à les séparer, la détermination de l'État membre responsable se fonde sur les dispositions suivantes : a) est responsable de l'examen des demandes de protection internationale de l'ensemble des membres de la famille (...) l'État membre que les critères désignent comme responsable de la prise en charge du plus grand nombre d'entre eux ; b) à défaut, est responsable l'État membre que les critères désignent comme responsable de l'examen de la demande du plus âgé d'entre eux. ". Selon l'article 25 de ce règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. ". Selon l'article 29 de ce règlement : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. ". Il résulte de ces dispositions que l'expiration du délai imparti par l'article 29 du règlement a pour conséquence que l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

3. Au cas d'espèce, la décision de transfert de M. E... n'a pas été contestée. Elle devait être exécutée dans le délai de six mois à compter de l'acceptation par l'Italie de la demande de reprise en charge dont elle était saisie. Cette acceptation tacite est intervenue le 19 juin 2018, la réquisition de l'Italie, fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, étant intervenue deux semaines plus tôt, le 4 juin 2018. Le délai imparti à la France pour exécuter la mesure de transfert est donc arrivé à expiration six mois plus tard, le 19 décembre 2018, soit neuf jours après l'adoption de la décision le concernant et avant que celle-ci ne soit rendue opposable par sa notification à l'intéressé le 14 janvier 2019. L'expiration de ce délai, intervenue le 19 décembre 2018 a eu pour conséquence, par application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, que l'Italie a, dès cette date, été libérée de son obligation de prendre en charge M. E.... A la date à laquelle la décision a été notifiée à M. E..., elle n'était plus susceptible de recevoir exécution.

4. Il résulte de ce qui précède que si, à la date du 10 décembre 2018, l'Italie était l'Etat responsable de la demande d'asile de M. E... et, par application du b) de l'article 11 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de la demande d'asile de Mme F..., la France est devenue responsable de l'examen de la demande d'asile de M. E... dès le 19 décembre suivant et, simultanément, par application du même b) de l'article 11 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de celle de Mme F.... La décision prononçant le transfert de Mme F... vers l'Italie est donc devenue caduque sans avoir été mise à exécution, avant même d'avoir été notifiée à l'intéressée. Cette décision n'ayant pas produit d'effets avant de devenir caduque, les conclusions tendant à son annulation étaient, avant même l'introduction de la requête devant le tribunal, le 28 janvier 2019, dépourvues d'objet. Etant de ce fait irrecevables, elles ne pouvaient qu'être rejetées, alors même que la mesure de transfert ne pouvait être mise à exécution.

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (...) ". Si la caducité de la décision de transfert du 10 décembre 2018 fait obstacle à l'exécution de cette décision et impose au préfet de la Haute-Savoie d'enregistrer, selon la procédure normale, les demandes d'asile de M. E..., ainsi qu'il l'a d'ailleurs fait le 10 mai 2019, et de Mme F..., de leur délivrer les attestations y afférentes et de leur remettre les dossiers destinés à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le présent arrêt n'implique aucune des mesures d'exécution prévues aux articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à Mme F... la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... F..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 9 juillet 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme G..., présidente assesseure,

Mme C..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 27 août 2019.

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N° 19LY00951

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00951
Date de la décision : 27/08/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-08-27;19ly00951 ?
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