Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 5 avril 2018 par lequel la préfète de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, a désigné son pays de renvoi en cas d'éloignement forcé et lui a fait obligation de se présenter chaque semaine au commissariat de police de Dijon et de remettre son passeport.
Par un jugement n° 1801769 du 12 septembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de la demande de M. C... dirigées contre les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant son pays de renvoi et lui faisant obligation de se présenter aux services de police et de leur remettre son passeport, renvoyant le surplus de conclusions de cette demande devant une formation collégiale du tribunal administratif.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 15 novembre 2018 et le 5 juillet 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon du 12 septembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Côte-d'Or du 5 avril 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour et, sous 48 heures, un récépissé l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la préfète n'a pas répondu à sa demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant, ni à sa demande de communication des motifs de ce refus implicite ;
- l'obligation de quitter le territoire français est sans fondement légal, alors qu'il devait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié ou d'étudiant sur le fondement des articles L. 313-10 1° et L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et le préfet aurait dû tenir compte de la lettre adressée par son employeur aux services de la DIRECCTE ;
- en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet a méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire violent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français, et cette décision viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision lui faisant obligation de se présenter chaque semaine au commissariat de police de Dijon et de remettre son passeport n'est pas motivée et fixe des obligations disproportionnées au regard du but poursuivi.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 juillet 219, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 10 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant malien né en 1986, est entré en 2013 en France, où il a bénéficié d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant régulièrement renouvelée jusqu'au 15 octobre 2017. Par un arrêté du 5 avril 2018, la préfète de la Côte-d'Or a rejeté la demande présentée par M. C... en vue d'obtenir une carte de séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné son pays de renvoi en cas d'éloignement forcé et lui a fait obligation de se présenter chaque semaine au commissariat de police de Dijon après avoir remis son passeport. Interpellé en situation irrégulière, M. C... a été assigné à résidence par un arrêté du 10 juillet 2018. Il relève appel du jugement du 12 septembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon, après avoir renvoyé l'examen des conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour à une formation collégiale du tribunal, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 5 avril 2018.
Sur la légalité de l'arrêté du 5 avril 2018 :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
S'agissant de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, si M. C... soutient qu'il poursuit ses études parallèlement à son activité professionnelle et que sa situation aurait dû amener le préfet à examiner également sa demande en ce sens, il ressort des pièces du dossier, nonobstant la mention d'un renouvellement de titre de séjour portée sur le récépissé qui lui a été délivré le 15 février 2018, que M. C... n'a pas sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant mais a sollicité un changement de statut et la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Dans ces conditions, en ne se prononçant pas sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète n'a pas entaché sa décision du défaut d'examen de la situation du requérant ni de l'insuffisance de motivation ou de l'erreur de droit qui sont invoqués.
3. En deuxième lieu, dès lors que la demande de M. C... n'a pas été présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le requérant ne peut utilement en invoquer la méconnaissance.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié " ".
5. Pour rejeter la demande de titre de séjour de M. C... en qualité de salarié, la préfète de la Côte-d'Or a relevé que, par un avis du 5 mars 2018, la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) avait rejeté la demande d'autorisation de travail présentée par l'intéressé. A supposer même que le motif de ce rejet tiré de l'inadéquation entre la formation de M. C... et l'emploi proposé soit erroné, le requérant ne conteste pas les autres motifs de refus opposés par la DIRECCTE, tirés de la situation de l'emploi et de ce que son employeur potentiel n'avait pas recherché des candidats disponibles sur le marché du travail. Dans ces conditions, la préfète de la Côte-d'Or a pu légalement refuser à M. C..., qui ne peut se prévaloir d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, le titre de séjour sollicité sur le fondement des dispositions citées au point précédent.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
7. M. C... n'est présent que depuis 2013 en France, où il a été autorisé à séjourner temporairement en qualité d'étudiant, sans vocation particulière à s'établir durablement sur le territoire national. Célibataire et sans charge de famille, M. C... a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans au Mali où résident notamment ses parents. Dans ces conditions, en dépit de la présence d'un de ses frères sur le territoire national, le refus de titre de séjour opposé à M. C... ne saurait être regardé comme portant une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. En dernier lieu, si M. C... fait valoir qu'il est apprécié par son employeur, ses collègues et ses enseignants, qu'il est bien inséré en France où vit l'un de ses frères, les circonstances dont il fait ainsi état ne suffisent cependant pas pour considérer que la préfète de la Côte-d'Or a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ou des prévisions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le requérant se prévaut également.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé entache d'illégalité l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français.
S'agissant des autres moyens :
10. En premier lieu, la circonstance que M. C... serait susceptible de bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étudiant ne constitue pas en elle-même un obstacle à ce que le refus de titre de séjour en qualité de salarié qui lui a été opposé soit assorti d'une obligation de quitter le territoire français.
11. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 7, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
12. Pour les motifs exposés au point 7 , la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire ouvert à M. C... ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
13. Compte tenu de ce qui précède, M. C... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant son pays de destination.
14. Si M. C... soutient qu'il encourt des risques de traitement contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, ni les écritures du requérant ni les articles de presse versés au dossier relatifs à la situation générale au Mali ne suffisent à établir la réalité et l'actualité des risques allégués auxquels il serait personnellement exposé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de cet article 3 par la décision désignant le Mali comme pays de renvoi doit être écarté.
En ce qui concerne les obligations de présentation et de remise de passeport aux services de police :
15. Pour demander l'annulation de la décision l'obligeant à se présenter chaque semaine au commissariat de police de Dijon et à remettre son passeport, M. C... réitère en appel ses moyens tirés de ce que cette décision serait insuffisamment motivée et disproportionnée au regard des objectifs poursuivis. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
17. Le présent arrêt, qui confirme le rejet par le tribunal administratif des conclusions de M. C... dirigées contre l'arrêté préfectoral du 5 avril 2018, n'appelle aucune mesure d'exécution.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 9 juillet 2019 à laquelle siégeaient :
M. Antoine Gille, président ;
Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;
Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 août 2019.
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N° 18LY04088
dm