Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B..., Rachel A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté, en date du 21 septembre 2018, du préfet du Rhône portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours, et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 1808993 du 25 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté du préfet du Rhône et lui a enjoint de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 29 mars 2019, le préfet du Rhône demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 25 mars 2019 ;
2°) de rejeter la demande de Mme A... devant le tribunal administratif.
Il soutient que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal a estimé que le refus de titre de séjour opposé à MmeB..., Rachel A...méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que si ses demi-frères et soeurs résident en France, l'intéressée, qui est âgée de cinquante-deux ans, n'y est présente que depuis deux ans, alors qu'elle a vécu plus de quarante-cinq ans cumulés en Côte d'Ivoire, où elle a travaillé jusqu'en avril 2012 et où réside toujours son frère aîné.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2019, qui n'a pas été communiqué, Mme B..., RachelA..., représentée par Me Petit, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative.
Elle fait valoir que la requête du préfet du Rhône n'est pas fondée et que :
- s'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- le refus de séjour méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- s'agissant de la décision en litige portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination, elles ont été abrogées en raison de la délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour.
Mme B..., Rachel A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 14 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Souteyrand, président assesseur,
- et les observations de Me Petit pour Mme B..., RachelA....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...D...A..., ressortissante ivoirienne, née le 4 décembre 1963, est entrée en France le 2 décembre 2015 munie d'un visa de court séjour. Elle a vu sa demande d'asile en date du 25 janvier 2016 définitivement rejetée le 27 avril 2017 par la Cour nationale du droit d'asile et a sollicité, le 3 août suivant, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Le préfet du Rhône relève appel du jugement du 25 mars 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon, d'une part, a annulé l'arrêté du 21 septembre 2018 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à Mme A...un titre de séjour portant la mention " privée et familiale ".
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., qui est entrée en France en décembre 2015, à l'âge de cinquante-deux, et dont la demande d'asile a été définitivement rejetée le 27 avril 2017, a vécu adulte, nonobstant une courte période de 1982 à 1985 en France, en Côte d'Ivoire où elle a exercé un emploi salarié jusqu'en avril 2012, date de son licenciement. Si la plupart de ses demi-frères et soeurs et ses neveux et nièces résident en France ou dans un autre pays européen, Mme A... n'est toutefois pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où demeurent.l'une de ses soeurs et son demi-frère aîné Par suite, nonobstant les efforts d'intégration de Mme A...en France, notamment auprès de l'association " Terre d'Ancrage ", la décision en litige n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale au regard des motifs pour lesquels elle a été prise. C'est donc à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté refusant un titre de séjour à Mme A... et décidant son éloignement, dans le délai de trente jours, à destination de la République de Côte d'Ivoire.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme A....
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
5. Il ressort de la décision en litige, prise notamment aux visas des articles 8 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que, pour refuser le titre de séjour sollicité par MmeA..., le préfet du Rhône a considéré que l'intéressée ne remplit pas les conditions d'attribution d'un titre de séjour " vie privée et familiale " en application du 7° de l'article L. 313-11 ou de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite les moyens tirés du vice de procédure, du défaut de base légale doivent être écartés.
6. Eu égard aux conditions d'entrée et de séjour de Mme A...en France sus-décrites, en lui refusant le titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sollicité, le préfet du Rhône n'a pas méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 ni celle de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter sans délai le territoire français :
7. Lorsque l'autorité administrative, en exécution d'un jugement d'annulation, prend une nouvelle décision qui n'est motivée que par le souci de se conformer à ce jugement d'annulation, cette délivrance ne prive pas d'objet l'appel dirigé contre ce jugement. Dès lors, la délivrance par le préfet du Rhône, pour l'exécution du jugement attaqué, d'un récépissé de demande de titre de séjour ne rend pas sans objet les conclusions de l'appel du préfet dirigées contre ledit jugement en tant qu'il a annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français.
8. Pour les motifs qui précèdent, il y a lieu d'écarter le moyen, soulevé par la voie de l'exception, tiré de l'illégalité de la décision par laquelle le préfet du Rhône a refusé à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
9. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...)/6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...)/ La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...). ".
10. Mme A...a sollicité le 3 août 2017, sur le fondement des articles L. 313-11- 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", postérieurement au 27 avril 2017 date du rejet définitif de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile. Mais le préfet du Rhône pouvait néanmoins légalement fonder sa décision en litige sur les seules dispositions précitées du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, sans qu'il soit besoin d'accueillir la demande du préfet du Rhône tendant à la substitution des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du même code, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
11. Il ressort des considérations factuelles au point 3. qu'eu égard aux conditions d'entrée et de séjour de Mme A...en France, la décision qui l'oblige à quitter le territoire ne méconnait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la mesure fixant le pays de destination :
12. Pour les motifs qui précèdent, il y a lieu d'écarter le moyen, soulevé par la voie de l'exception, tiré de l'illégalité des décisions par lesquelles le préfet du Rhône a refusé à Mme A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et l'a obligée à quitter le territoire.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions en litige et lui a enjoint de délivrer à Mme A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
14. Le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions de Mme A... à fin d'injonction doivent être rejetées.
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme à Mme A... au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1808993 du 25 mars 2018 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande de Mme A... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2019 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
M. Souteyrand, président assesseur,
Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 25 juillet 2019.
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