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23/07/2019 | FRANCE | N°18LY03985

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 23 juillet 2019, 18LY03985


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler l'arrêté du 7 mai 2018 par lequel le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de renvoi ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer " une carte de résident temporaire " portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation ;<

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3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler l'arrêté du 7 mai 2018 par lequel le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de renvoi ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer " une carte de résident temporaire " portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation ;

3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1803582 du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2018, M. C...D..., représenté par MeA..., (SELARL BS2A A...et Sabatier Avocats Associés), avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 octobre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire du 7 mai 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige est entaché d'un vice de procédure qui l'a privé d'une garantie dès lors que les pièces du dossier comportent des informations contradictoires en ce qui concerne la date à laquelle le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rendu son avis et qu'il n'est pas établi que ce collège se soit prononcé après transmission et au vu du rapport médical prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ce refus porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- cette obligation méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette obligation porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la désignation du pays de renvoi est illégale en ce qu'elle a été prise sur le fondement de décisions elles-mêmes illégales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2019, le préfet de la Loire conclut au rejet de la requête.

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M.D..., ressortissant tunisien né le 14 mars 1963, entré régulièrement en France au mois d'avril 2012, a sollicité le 14 juin 2017 le renouvellement de la carte de séjour temporaire dont il a bénéficié du 7 septembre 2016 au 5 juillet 2017 en raison de son état de santé. Par arrêté du 7 mai 2018, le préfet de la Loire a rejeté cette demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ou de tout autre pays où il serait légalement admissible. M. D... relève appel du jugement du 16 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité du refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans ces dispositions alors applicables : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".

3. En premier lieu, il y a lieu, pour la cour, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, qui ne sont pas pertinemment contestés, et alors qu'un courrier électronique rédigé par un agent de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 25 septembre 2018 confirme que l'avis du collège de médecins a été rendu le 22 février 2018 sur rapport du Dr B...du 31 janvier 2018, d'écarter le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour en litige serait entaché de vice de procédure.

4. En deuxième lieu, par son avis du 22 février 2018, le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. D...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il a ajouté qu'au vu des éléments du dossier, l'état de santé de l'intéressé pouvait lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que M.D..., qui souffre d'insuffisance rénale, a subi le 8 juillet 2016 une greffe du rein grâce au don de son épouse. M. D...produit des certificats médicaux, un courrier d'un médecin tunisien mentionnant " l'absence de médecin expérimenté et de centre de biologie qui assure le dosage du traitement immunosuppresseur " dans la ville dont il déclare être originaire, un article de presse en ligne intitulé " l'hôpital régional de Ben Gardane ne dispose pas d'anesthésiste " et des articles de presse généraux. Toutefois, ces éléments ne permettent pas de contredire utilement l'avis du collège de médecins de l'OFII non plus que les informations fournies le 10 septembre 2018 par le conseiller pour la santé auprès du directeur général des étrangers en France du ministère de l'intérieur selon lesquelles, d'une part, la Tunisie peut assurer les soins dans le domaine des transplantations rénales et, d'autre part, l'ensemble des traitements médicamenteux prescrits à M.D..., et notamment les traitements immunosuppresseurs, sont disponibles dans ce pays et pris en charge par l'assurance maladie. A cet égard, en se bornant à déclarer qu'il n'avait pas, au cours des cinq années précédentes, exercé d'activité professionnelle dans son pays d'origine, le requérant n'établit pas qu'il ne pourrait pas accéder aux traitements que nécessite son état de santé. Enfin, si M. D...fait également état de ce qu'il souffre d'un syndrome anxio-dépressif majeur, il n'établit ni même n'allègue qu'il aurait besoin, pour la prise en charge de cette pathologie, d'un traitement qui ne serait pas disponible en Tunisie. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Loire a fait une inexacte interprétation des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'exception de son épouse, qui fait l'objet des mêmes mesures de police, M. D... ne justifie pas d'attaches privées et familiales en France alors que sa fille et ses deux fils résident en Tunisie, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante-neuf ans. L'attestation d'entrée en formation du 18 juin 2018 qu'il produit ne suffit pas à établir son intégration professionnelle sur le territoire français. En outre, comme dit précédemment, M. D...n'établit pas que son état de santé ne pourrait faire l'objet d'une prise en charge appropriée en Tunisie ou nécessiterait qu'il se maintienne en France. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En l'absence d'autres éléments, le moyen tiré de ce que le préfet de la Loire aurait commis une erreur manifeste dans 1'appréciation des conséquences de son refus sur la situation personnelle de M. D...doit être écarté pour les mêmes motifs.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, M. D... n'ayant pas démontré l'illégalité du refus de titre de séjour n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

9. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire a été prise en méconnaissance de ces dispositions pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés au point 4 ci-dessus.

10. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par lequel M. D... reprend ce qui a été précédemment développé à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, doit être écarté pour les mêmes motifs. En l'absence d'autres éléments, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle doit également être écarté.

En ce qui concerne la légalité de la fixation du pays de renvoi :

11. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à exciper, au soutien de ses conclusions dirigées contre la fixation du pays de renvoi, de l'illégalité de l'arrêté du 7 mai 2018 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et lui fait obligation de quitter le territoire français.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre l'arrêté du préfet de la Loire du 7 mai 2018.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. D..., n'appelle aucune mesure d'exécution.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2019 à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

Mme Virginie Chevalier-Aubert, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.

Lu en audience publique, le 23 juillet 2019.

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N° 18LY03985


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03985
Date de la décision : 23/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. THIERRY
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-23;18ly03985 ?
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