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23/07/2019 | FRANCE | N°17LY02751

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 23 juillet 2019, 17LY02751


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

1°) d'annuler la décision du 25 juin 2015 par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme lui a notifié le portefeuille final de ses droits à paiement unique au titre de 2014 et la décision implicite de rejet du recours gracieux qu'il a formé le 24 décembre 2015 contre cet acte ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande préalable de revalorisation de l'ensemble de ses droits à paiement unique depuis 2006, pour c

haque année ;

3°) d'enjoindre à l'administration de reprendre l'instruction de sa deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

1°) d'annuler la décision du 25 juin 2015 par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme lui a notifié le portefeuille final de ses droits à paiement unique au titre de 2014 et la décision implicite de rejet du recours gracieux qu'il a formé le 24 décembre 2015 contre cet acte ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande préalable de revalorisation de l'ensemble de ses droits à paiement unique depuis 2006, pour chaque année ;

3°) d'enjoindre à l'administration de reprendre l'instruction de sa demande de réexamen de ses droits et de calculer exactement le montant de ses droits à paiement unique pour la période allant de 2006 à 2014 en application du règlement communautaire, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1600778 du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 juillet 2017 et 1er novembre 2018, M. B..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 mai 2017 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) d'annuler la décision du 25 juin 2015 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 24 décembre 2015 reçu par les services de l'Etat et la décision implicite de rejet de revalorisation de ses droits depuis 2006 ;

3°) dire et juger qu'il remplissait les conditions du règlement CE 1782/2003 et pouvait bénéficier des modalités de calcul de celui-ci et d'un droit à revalorisation de l'ensemble de ses droits à paiement unique versés chaque année depuis 2006, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de la réception du recours et ce dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) subsidiairement, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne, d'une question préjudicielle ;

5°) d'enjoindre l'administration de reprendre l'instruction de la demande de réexamen et de calculer exactement le montant des droits à paiement unique pour la période allant de 2006 à 2014, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande d'annulation est recevable ;

- la décision du 25 juin 2015 n'est pas motivée ;

- le préfet aurait dû procéder au calcul de ses droits entre 2006 et 2010 en incluant les engagements agro-environnementaux souscrits ;

- le préfet ne l'a pas informé qu'il avait la possibilité de solliciter un réexamen de ses droits à paiement unique ;

- il ne lui appartenait pas de faire la démonstration qu'il était susceptible de bénéficier des droits à paiement unique mais seulement d'en faire la demande ;

- l'exigence d'une baisse de 20 % des aides directes du premier pilier est contraire aux dispositions de l'article 40 du règlement 1782/2003 alinéa 5 ;

- les agriculteurs signataires d'un contrat agroenvironnemental ont été pénalisés par rapport aux autres agriculteurs puisque la diminution exigée pour les uns est simplement de 10 % alors que pour les autres elle est de 20 % ;

- le préfet ne pouvait faire application des dispositions de l'arrêté du 20 novembre 2006, annulé par le Conseil d'Etat le 30 mars 2009, qui excluaient la prise en considération des contrats agroenvironnementaux signés pour la période de référence, mais aussi le cas échéant, pour la période alternative ;

- il a justifié avoir souscrit des mesures environnementales qui n'étaient pas dans la liste de l'arrêté du 20 novembre 2006 ;

- les dispositions de l'article 40 du règlement sont d'application directe ;

- la cour pourrait le cas échant, surseoir à statuer pour poser à la CJUE une question préjudicielle en interprétation sur l'application de ces dispositions.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 octobre 2018 et le 14 février 2019, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les conclusions portant sur les années 2006 à 2013 sont irrecevables en raison de leur tardiveté et que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil du 29 septembre 2003 ;

- le règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009 ;

- le décret n° 2006-710 du 19 juin 2006 relatif à la mise en oeuvre de l'aide au revenu prévue par le règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil du 29 septembre 2003 ;

- l'arrêté du ministre de l'agriculture et de la pêche du 20 novembre 2006, modifié par l'arrêté du 23 février 2010, portant application du décret n° 2006-710 du 19 juin 2006 relatif à la mise en oeuvre de l'aide au revenu prévue par le règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil du 29 septembre 2003 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chevalier-Aubert, présidente assesseure,

- les conclusions de Mme Peuvrel, rapporteure publique,

- et les observations de Mme C..., juriste à la DRAF Région Auvergne-Rhône-Alpes, pour le ministre de l'agriculture et de l'alimentation ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B...qui est exploitant agricole sur le territoire de la commune de Celles-sur-Durolle a bénéficié de droits à paiement unique (DPU) depuis leur création en 2006. Par une décision du 25 juin 2015 le préfet du Puy-de-Dôme lui a notifié le portefeuille final de ses droits à paiement unique au titre de l'année 2014. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 18 mai 2017 tendant à l'annulation de la décision du 25 juin 2015 par laquelle le chef du service de l'économie agricole de la direction départementale des territoires du Puy-de-Dôme lui a notifié le portefeuille final de ses droits à paiement unique au titre de 2014 et la décision implicite de rejet du recours gracieux qu'il a formé le 24 décembre 2015 contre cet acte, ainsi que l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande préalable de revalorisation de l'ensemble de ses droits à paiement unique pour chaque année depuis 2006.

Sur la recevabilité de la demande d'annulation de la décision du 25 juin 2015 :

2. La décision du 25 juin 2015 qui a pour objet " portefeuille final " DPU 2014 " mentionne le portefeuille de droits à paiement unique de l'année 2014 et ne prend pas en compte, comme le rappelle d'ailleurs le ministre de l'agriculture dans ses écritures, les engagements agro-environnementaux souscrits par M. B...au cours de la période de référence pour le calcul des aides. Cette décision fait donc grief et M. B...est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a estimé que ses conclusions dirigées contre cette décision du 25 juin 2015 étaient irrecevables.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre aux conclusions portant sur les années 2006 à 2013 :

3. Il ressort des termes mêmes du recours gracieux du 27 décembre 2015, que M. B... se bornait à faire valoir que le montant de ses DPU aurait dû être revalorisé dès l'année 2006 en raison de ses engagements environnementaux et de son contrat territorial d'exploitation, ce qui aurait modifié le montant notifié au titre de l'année 2014, seul en litige. Ainsi, ce recours gracieux était expressément dirigé contre la décision du 25 juin 2015 fixant les droits à paiement unique au titre de l'année 2014 et non contre les décisions fixant les DPU pour les années 2006 à 2013. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a regardé les conclusions du requérant comme tendant à l'annulation de la décision de rejet de son recours gracieux en tant qu'elle aurait rejeté une demande de révision des DPU au titre des années 2006 à 2013.

4. Il résulte de ce qui précède que le jugement doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 25 juin 2015 et du rejet du recours gracieux dirigé contre cette décision :

5. Aux termes de l'article 40 du règlement (CE) n° 1782/2003 du 29 septembre 2003 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes en faveur des agriculteurs (...) : " 1. Par dérogation à l'article 37, tout agriculteur dont la production a été gravement affectée au cours de la période de référence par un cas de force majeure ou des circonstances exceptionnelles survenus avant ou pendant ladite période de référence est habilité à demander que le montant de référence soit calculé sur la base de l'année ou des années civiles de la période de référence qui n'ont pas été affectées par le cas de force majeure ou les circonstances exceptionnelles. (...) / 5. Les paragraphes 1 (...) du présent article s'appliquent mutatis mutandis aux agriculteurs soumis, au cours, de la période de référence, à des engagements agroenvironnementaux (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 19 juin 2006 relatif à la mise en oeuvre de l'aide au revenu prévue par le règlement (CE) n° 1782/2003 du 29 septembre 2003 : " (...) Pour l'application du 5 de l'article 40 du règlement du 29 septembre 2003 susvisé, ne peuvent être pris en compte que les engagements agro-environnementaux dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de l'agriculture et qui, selon le cas, ont conduit à une diminution au moins équivalente à 20 % (...) du montant d'aides perçu au titre des années affectées, calculé selon des modalités fixées par ce même arrêté, par rapport à celui versé au titre des années de la période de référence non affectées ; (...) ".

6. Par un arrêté du 23 février 2010, le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche a modifié l'arrêté du 20 novembre 2006 relatif à la mise en oeuvre de l'aide au revenu prévue par le règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil du 29 septembre 2003 et portant application du décret du 19 juin 2006. Le paragraphe 2 de l'article 1er de cet arrêté, modifiant l'article 5 de l'arrêté du 20 novembre 2006, étend aux années non affectées par des engagements agroenvironnementaux antérieures à 2000 la liste des aides, figurant à l'article 1er de cet arrêté, prises en compte pour la comparaison des montants d'aides perçus par les agriculteurs soumis à des engagements agroenvironnementaux. Le paragraphe 3 du même article, modifiant l'article 6 de l'arrêté du 20 novembre 2006, fixe, pour les agriculteurs soumis à des engagements agro-environnementaux pendant une ou deux des trois années de la période de référence, les règles de comparaison du montant d'aides perçu respectivement lors des années non affectées et lors des années affectées par de tels engagements et, dans le cas où le second montant est inférieur d'au moins 20 % au premier montant, les modalités de calcul de la revalorisation du montant de référence. Le paragraphe 4 du même article, modifiant l'article 7 de l'arrêté du 20 novembre 2006, fixe, pour les agriculteurs soumis à des engagements agroenvironnementaux pendant les trois années de la période de référence, les règles de comparaison du montant d'aides perçu lors de la dernière année non affectée par de tels engagements, laquelle peut remonter jusqu'à 1992, et du montant moyen d'aides perçu lors de la période de référence et, dans le cas où le second montant est inférieur d'au moins 20 % au premier montant, les modalités de calcul de la revalorisation du montant de référence. Par une décision n° 339036 du 26 février 2014, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé les paragraphes 2 à 4 de l'article 1er de l'arrêté du 23 février 2010.

7. Il est constant que M. B...a souscrit en 2000, 2001 et 2002 une mesure agri-environnementale intitulée PMSEE (Prime au Maintien des Systèmes d'Elevages Extensifs) et un contrat territorial d'exploitation le 15 juillet 2002 et que pour calculer le montant de référence de M. B...pour 2006 et les années postérieures, l'administration a appliqué le décret n° 2006-710 du 19 juin 2006 et l'arrêté ministériel du 20 novembre 2006. Ainsi les droits à paiement unique calculés pour l'année 2013 résultent de l'application des dispositions nationales précitées annulées en raison de leur non-conformité aux dispositions du droit de l'Union européenne. Par suite, la décision du 25 juin 2015 fondée sur des dispositions illégales doit être annulée.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête et de saisir la Cour de Justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la décision du 25 juin 2015 relative au DPU de l'année 2014 et la décision de rejet implicite du recours gracieux de M.B... dirigé contre cette décision doivent être annulées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. L'exécution de la présente décision implique seulement, d'enjoindre à l'administration de procéder au réexamen des droits à paiement unique de M.B... pour l'année 2014, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. B...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1600778 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 18 mai 2017 est annulé.

Article 2 : La décision du 25 juin 2015 du préfet du Puy-de-Dôme et le rejet implicite du recours gracieux du 24 décembre 2015 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de recalculer les droits à paiement unique de M. B...pour l'année 2014 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié M. A...B...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2019, à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

Mme Virginie Chevalier-Aubert, présidente assesseure,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 juillet 2019.

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N° 17LY02751


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-05 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles. Aides à l'exploitation.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: Mme PEUVREL
Avocat(s) : BERTRAND HEBRARD

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 23/07/2019
Date de l'import : 20/08/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17LY02751
Numéro NOR : CETATEXT000038915776 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-23;17ly02751 ?
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