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09/07/2019 | FRANCE | N°17LY01875

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 09 juillet 2019, 17LY01875


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Paysages de France a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence conservé par le préfet de la Nièvre sur ses demandes tendant à que ce dernier demande au maire de la commune de Varennes Vauzelles de faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 581-27 du code de l'environnement et de prendre des mesures de nature à mettre un terme aux infractions relevées sur son territoire en ce qui concerne la police de la publicité

et enseignes ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Nièvre de demander au maire de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Paysages de France a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence conservé par le préfet de la Nièvre sur ses demandes tendant à que ce dernier demande au maire de la commune de Varennes Vauzelles de faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 581-27 du code de l'environnement et de prendre des mesures de nature à mettre un terme aux infractions relevées sur son territoire en ce qui concerne la police de la publicité et enseignes ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Nièvre de demander au maire de Varennes-Vauzelles de prendre les mesures prévues à l'article L. 581-27 du code de l'environnement et, en cas d'inaction de ce maire pendant un mois, de prendre lui-même ces mesures en ordonnant aux contrevenants de supprimer ou mettre en conformité leurs dispositifs d'affichage ; en outre, de demander à ce maire de liquider et recouvrer l'astreinte fixée en cas d'inexécution par les contrevenants des mesures de régularisation ainsi prescrites dans les quinze jours de la notification qui leur en aura été faite ou, à défaut, de liquider et recouvrer la créance au profit de l'Etat, le tout sous astreinte ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 399 164,72 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice moral qu'elle estime avoir subi ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601143 du 14 février 2017, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de la Nièvre sur la demande de l'association Paysages de France, a enjoint à cette même autorité de prendre les mesures prévues à l'article L. 581-27 du code de l'environnement, a condamné l'Etat à verser à cette association la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral, outre une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 mai 2017 le ministre de la transition écologique et solidaire, demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 14 février 2017 en tant qu'il condamne l'Etat à payer à l'association Paysages de France la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral, subsidiairement, ramener cette somme à un montant inférieur.

Il soutient que l'association Paysages de France ne peut être regardée comme établissant le caractère personnel du préjudice moral qu'elle prétend avoir subi ni ne justifie que la carence du préfet de la Nièvre dans l'usage de ses pouvoirs de police a porté atteinte de manière directe et certaine aux intérêts qu'elle défend ; ainsi le tribunal administratif de Dijon a entaché son jugement d'une erreur de droit et inexactement qualifié les faits de l'espèce.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2017, l'association Paysages de France, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête, demande que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 399 164,72 euros et que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais du litige.

Elle soutient que l'ampleur du travail qu'elle conduit au niveau national depuis des décennies et le comportement fautif du préfet de la Nièvre lui a gravement nuit en laissant perdurer pendant plus de deux ans et sept mois les infractions, alors que le maire de la commune concernée avait rappelé que la mise en application de la réglementation relevait de la seule compétence du représentant de l'Etat ; la multiplication des dispositifs publicitaires constitue une cause majeure de la dégradation du paysage français et la carence du préfet encourage implicitement la délinquance environnementale contraire aux intérêts qu'elle défend .

Par ordonnance du 30 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 28 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 22 août 2013, l'association " Paysages de France ", a demandé au maire de la commune de Varennes-Vauzelles de faire usage des pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 581-27 du code de l'environnement. Adressant concomitamment la copie de ce courrier au préfet de la Nièvre, elle a demandé à ce dernier d'intervenir auprès du maire de Varennes-Vauzelles afin que celui-ci prenne les actes visant à mettre fin à plusieurs infractions à la législation sur la publicité, les enseignes et préenseignes que l'association avait constatées sur le territoire de cette commune ou qu'il prenne lui-même de telles mesures. Le préfet n'ayant pas répondu a cette demande et les infractions qu'elle avait relevées ayant persistées, l'association Paysages de France adressait à nouveau une demande de même nature au préfet de la Nièvre par un courrier du 5 juillet 2015 qui, également demeuré sans réponse, a fait naitre une décision implicite de rejet. Par un jugement du 14 février 2017 le tribunal administratif de Dijon, après avoir annulé cette dernière décision, a enjoint au préfet de prendre les mesures prévues par l'article L. 581-27 et a condamné l'Etat à payer une indemnité de 2 000 euros à l'association Paysages de France en réparation du préjudice moral ayant résulté de l'atteinte ainsi portée aux intérêts qu'elle s'est donné pour objet de défendre.

2. Eu égard à l'argumentation développée dans sa requête d'appel, le ministre de la transition écologique et solidaire doit être regardé comme ne demandant l'annulation du jugement précité du tribunal administratif de Dijon qu'en tant qu'il condamne l'Etat à verser la somme de 2 000 euros à l'association Paysages de France. Cette dernière, par des conclusions d'appel incident, demande la réformation de ce même jugement en portant à la somme de 399 164,72 euros l'indemnité qu'il lui a allouée en réparation de son préjudice moral.

3. C'est à bon droit que, par des motifs qui ne sont au demeurant pas contestés par le ministre, que le tribunal a jugé que le refus par le préfet de la Nièvre de prendre les mesures demandées par l'association Paysages de France était entaché d'une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat à son égard.

4. Aux termes des statuts de l'association Paysages de France, agréée au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement : " L'association a pour objet de protéger, réhabiliter et valoriser les paysages urbains et non urbains (...). Pour ce faire, elle lutte contre toutes les atteintes au paysage et au cadre de vie et contre toutes les formes de pollution, notamment visuelle, dans les paysages urbains et non urbains, y compris maritimes et aériens. Elle veille au strict respect de l'ensemble des textes législatifs et réglementaires qui concernent la protection et la défense des paysages, ou y contribuent. A cet effet, elle se propose notamment de lutter contre les atteintes au cadre de vie constituées par les dispositifs publicitaires, enseignes et préenseignes au sens de l'article L. 581-3 du Code de l'environnement et de veiller à la stricte application des dispositions du Code de la route relatives aux installations de même nature (...) ".

5. Il n'est pas contesté que, ainsi qu'elle l'expose, les actions que mène l'association Paysages de France pour la protection des intérêts mentionnés au point précédent nécessitent un travail complexe et important qui a permis de révéler un grand nombre d'infractions à la législation sur la publicité, les enseignes et préenseignes sur l'ensemble du territoire métropolitain français, dont celui de la commune de Varennes-Vauzelles.

6. En dépit des démarches répétées accomplies par l'association Paysages de France pour faire mettre un terme aux infractions qu'elle avait constatées à Varennes-Vauzelles, l'inertie du préfet de la Nièvre a permis le maintien de dispositifs de publicité qui, implantés illégalement, contribuent à la dégradation des paysages. Cette carence des services de l'Etat a ainsi été de nature à porter atteinte à la crédibilité de cette association et à remettre en cause les actions qu'elle accomplit tant au niveau national que local et, par suite, a eu pour effet de faire obstacle à l'accomplissement des missions qu'elle s'est assignées. Ainsi, et contrairement à ce que soutient le ministre de la transition écologique et solidaire, l'association établit que l'inaction du représentant de l'Etat a eu, en l'espèce, pour effet de lui causer un préjudice moral direct, certain et personnel dont elle est fondée à demander réparation.

7. L'association Paysages de France, si elle justifie, comme il vient d'être dit, d'un préjudice moral lui ouvrant droit à réparation, n'apporte aucun élément susceptible de justifier le montant de 399 164,72 euros qu'elle demande à ce titre. Eu égard toutefois aux efforts importants qu'elle a dû déployer pour obtenir du préfet de la Nièvre qu'il mette en oeuvre ses pouvoirs de police des publicités enseignes et préenseignes sur le territoire de la commune de Varennes-Vauzelles, il sera, dans les circonstances de l'espèce, fait une juste appréciation de la réparation due pour ce préjudice par l'attribution d'une indemnité de 5 000 euros.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros qu'il paiera à l'association Paysages de France, au titre des frais non compris dans les dépens que cette dernière a exposés.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre de la transition écologique et solidaire est rejetée.

Article 2 : Le montant de l'indemnité que l'Etat a été condamné à verser à l'association Paysages de France est porté à la somme de 5 000 euros.

Article 3 : Le jugement n° 1601143 du 14 février 2017, du tribunal administratif de Dijon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à l'association Paysages de France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions incidentes de l'association Paysages de France est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire et à l'association Paysages de France.

Copie en sera délivrée au préfet de la Nièvre.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2019 à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

Mme Virginie Chevalier-Aubert, présidente assesseure,

M. Pierre Thierry premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2019.

No 17LY018752


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17LY01875
Date de la décision : 09/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Affichage et publicité - Affichage - Pouvoirs des autorités compétentes - Préfets.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique - Retards.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice - Préjudice moral.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Pierre THIERRY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : JEAN-YVES BRET -PATRICK BERAS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-09;17ly01875 ?
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