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02/07/2019 | FRANCE | N°18LY04444

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 02 juillet 2019, 18LY04444


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 2 septembre 2018 par lesquels le préfet du Rhône, d'une part, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé son pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1806549 du 18 septembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administra

tif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 2 septembre 2018 par lesquels le préfet du Rhône, d'une part, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé son pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1806549 du 18 septembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10 décembre 2018, M. C... D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 septembre 2018 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 2 septembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de le munir d'une autorisation provisoire de séjour et de procéder dans le délai de huit jours au réexamen de sa situation, et de s'assurer de l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

4°) A titre subsidiaire, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif s'agissant des conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire national ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, faute d'avoir répondu au moyen dirigé contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et tiré du défaut d'examen de sa situation ;

- l'obligation de quitter le territoire français qui lui est opposée est entachée d'erreur de fait s'agissant de la situation de sa soeur, procède d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et relève d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français entache d'illégalité le refus de lui accorder un délai de départ volontaire ;

- il n'est pas justifié de la compétence de l'autorité qui a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire ;

- le refus de lui accorder un délai de départ volontaire est intervenu en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne de bonne administration et de respect des droits de la défense, ainsi que de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de son droit d'être informé et entendu à propos de la mesure devant intervenir ; ce refus méconnait les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entaché d'erreur de fait et procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus de délai de départ volontaire entache d'illégalité la décision fixant son pays de destination ;

- l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire, refus de délai de départ volontaire et fixation du pays de renvoi entache d'illégalité la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français ; cette interdiction est insuffisamment motivée et méconnaît le principe général du droit de l'Union européenne de bonne administration et de respect des droits de la défense ainsi que l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et son droit d'être informé et entendu à propos de la mesure devant intervenir ; elle résulte également d'une erreur de droit dans la mise en oeuvre du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été prise sans examen particulier de sa situation personnelle, porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et relève d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour entache d'illégalité la décision de l'assigner à résidence.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 31 octobre 2018.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Antoine Gille, président-assesseur

- et les observations de Me B... pour M. D... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D..., ressortissant arménien né en 1988, est entré en 2009 en France, où sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 21 juin 2011. Par arrêtés du 2 septembre 2018, le préfet du Rhône, d'une part, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pendant une durée d'un an et, d'autre part, l'a assigné à résidence. M. D... relève appel du jugement du 18 septembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions de M. D...dirigées contre les décisions du préfet du Rhône portant obligation de quitter le territoire français, refus de lui accorder un délai de départ volontaire et fixation du pays de renvoi :

2. Au soutien de sa contestation du jugement du 18 septembre 2018 et de l'arrêté du préfet du Rhône du 2 septembre 2018 prescrivant son éloignement, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et fixant son pays de renvoi, M. D... se borne à réitérer sans les assortir d'éléments nouveaux les moyens soulevés devant le premier juge tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français qui lui est opposée est entachée d'erreur de fait s'agissant de la situation de sa soeur, procède d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et relève d'une erreur manifeste d'appréciation. Le requérant réitère également son moyen invoqué en première instance selon lequel l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français entache d'illégalité le refus de lui accorder un délai de départ volontaire, celui selon lequel il n'est pas justifié de la compétence de l'autorité qui a refusé de lui accorder un tel délai, celui selon lequel le refus de lui accorder ce délai est intervenu en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne de bonne administration et de respect des droits de la défense ainsi que de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et en violation de son droit d'être informé et entendu à propos de la mesure devant intervenir et, enfin, ses moyens selon lesquels ce refus méconnait les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entaché d'erreur de fait et procède d'une erreur manifeste d'appréciation. Le requérant reprend également son moyen selon lequel l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus de lui accorder un délai de départ volontaire entraînent l'illégalité de la décision fixant le pays de renvoi. Il y a lieu, pour écarter ces moyens, d'adopter les motifs circonstanciés retenus par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon.

Sur les conclusions de M. D... dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

3. Il ressort des pièces du dossier que, pour demander l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français qui lui a été opposée, M. D... a soulevé devant le premier juge un moyen tiré de ce que cette décision n'avait pas donné lieu de la part du préfet à un examen particulier de sa situation personnelle. Le jugement attaqué ne se prononçant pas sur le bien-fondé de ce moyen, M. D... est fondé à soutenir qu'il est entaché d'irrégularité sur ce point et doit être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Lyon dirigées contre la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français.

5. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

6. Compte tenu de ce qui précède, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'illégalité de la mesure d'éloignement qui lui est opposée entraîne l'illégalité de l'interdiction de retour sur le territoire français dont il fait l'objet.

7. Contrairement à ce qu'affirme M. D..., il ressort des pièces du dossier, où figure en particulier l'attestation qu'il a signée le 1er septembre 2018, qu'il a été mis à même de présenter ses observations dans la perspective de son éloignement et d'une éventuelle mesure portant interdiction de retour sur le territoire français. Le moyen tiré par le requérant, en ses diverses branches, du défaut de recueil de ses observations préalables et de la méconnaissance de son droit d'être entendu doit ainsi être écarté.

8. Il incombe à l'autorité qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger et de faire état des éléments de la situation de l'intéressé en considération desquels elle a, dans son principe et dans sa durée, arrêté sa décision. La seule circonstance que le préfet du Rhône n'a pas fait état de la durée de la présence du requérant en France ne permet pas de considérer que le préfet a insuffisamment motivé sa décision, négligé de procéder à l'examen de la situation particulière de l'intéressé ou omis de prendre en compte l'ensemble des critères d'appréciation prévus par la loi.

9. Si M. D... se prévaut des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et invoque l'erreur manifeste d'appréciation dont procéderait selon lui la décision qu'il conteste, les circonstances dont le requérant fait état, tirées en particulier de la durée de sa présence sur le territoire français, de sa bonne intégration, de l'importance de ses attaches personnelles et familiales ou de ses perspectives professionnelles en France ne caractérisent pas des circonstances humanitaires susceptibles de justifier en l'espèce qu'une interdiction de retour sur le territoire français ne soit pas prononcée à son encontre. Ces circonstances ne suffisent pas davantage, compte tenu en particulier des conditions du séjour en France de l'intéressé, qui n'a pas déféré aux mesures d'éloignement prises à son encontre en 2015 et en 2017, pour considérer que l'interdiction de retour d'un an qu'il conteste n'est pas justifiée légalement dans son principe ou sa durée, ni que cette mesure porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise.

Sur les conclusions de M. D... dirigées contre la décision d'assignation à résidence :

10. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. D... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter sans délai le territoire français, refus de délai de départ volontaire ou interdiction de retour sur ce territoire au soutien de sa demande d'annulation de la décision de l'assigner à résidence.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt confirme le rejet des conclusions de M. D... dirigées contre la mesure d'éloignement qu'il conteste et n'appelle ainsi aucune mesure d'exécution.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 18 septembre 2018 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de M. D... dirigées contre la décision du préfet du Rhône du 2 septembre 2018 portant interdiction de retour sur le territoire français.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. D... dirigées contre la décision du préfet du Rhône du 2 septembre 2018 portant interdiction de retour sur le territoire français et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre,

M. Antoine Gille, président assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2019.

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N° 18LY04444

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY04444
Date de la décision : 02/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Antoine GILLE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : PETIT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-02;18ly04444 ?
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