Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 16 mai 2018 par lesquelles le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1804213 du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 novembre 2018 et le 3 juin 2019, M. C... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 novembre 2018 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Ardèche du 16 mai 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de lui délivrer le titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans les trente jours de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à percevoir l'indemnité d'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a écarté l'erreur de droit commise par le préfet de l'Ardèche, qui n'a pas procédé à un examen global de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'appréciation du préfet est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces mêmes dispositions ;
- le refus de titre de séjour est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 19 décembre 2018.
Par un mémoire enregistré le 5 juin 2019, le préfet de l'Ardèche conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant de la République de Guinée, déclare être entré en France en novembre 2016. Après avoir été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Ardèche durant sa minorité, il a sollicité la délivrance d'une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par des décisions du 16 mai 2018, le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai. M. B... relève appel du jugement du 6 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre ces décisions.
Sur la légalité des décisions du 16 mai 2018 :
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L 313-2 n'est pas exigé. ".
3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et de dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée sur la situation de l'intéressé.
4. D'une part, il est constant que M. B... a été confié à l'aide sociale à l'enfance par le tribunal de grande instance de Privas le 22 février 2017, soit entre l'âge de seize et l'âge de dix-huit ans et qu'il suivait depuis plus de six mois à la date de la décision attaquée une formation en vue d'obtenir le certificat d'aptitude professionnelle de maçon. Il est également constant que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public.
5. D'autre part, le préfet de l'Ardèche ne conteste pas le caractère réel et sérieux de la formation suivie par M. B..., qui fait preuve d'assiduité dans ses études et d'implication dans l'entreprise au sein de laquelle il effectue son apprentissage. Sa structure d'accueil émet un avis favorable quant à son intégration dans la société française.
6. Enfin, si le préfet de l'Ardèche a fait valoir devant les premiers juges que la charge de la preuve de l'absence de liens avec la famille restée dans le pays d'origine incombe à M. B..., le requérant a toujours soutenu qu'il était fils unique et que ses parents étaient décédés avant son arrivée en France, ainsi que le mentionnent également l'avis de la structure d'accueil du 27 décembre 2017 et les pièces versées en appel par M. B.... Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ne serait pas isolé dans son pays d'origine où il n'a plus de famille selon l'avis de la structure d'accueil, alors même qu'il a pu obtenir des documents relatifs à son état-civil par l'intermédiaire d'un tiers résidant en Guinée.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'il soulève, à soutenir à l'appui de son appel que le préfet de l'Ardèche a entaché son refus de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et à demander l'annulation de ce refus ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le présent arrêt n'implique pas que le préfet de l'Ardèche délivre une carte de séjour à M. B..., qui ne remplit plus, à ce jour, les conditions permettant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais seulement que sa situation soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
9. Dans les circonstances de l'espèce et alors que M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 décembre 2018, il y a lieu de faire application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à Me A..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 novembre 2018 et les décisions du préfet de l'Ardèche du 16 mai 2018, portant refus de délivrance d'un titre de séjour à M. B..., obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de renvoi, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Ardèche de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me D... A... la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et à Me D... A....
Copie en sera adressée :
- au préfet de l'Ardèche ;
- au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Privas.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2019 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 juillet 2019.
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N° 18LY04231
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