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02/07/2019 | FRANCE | N°18LY03811

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 02 juillet 2019, 18LY03811


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2018 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé son pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet du Rhône l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1805172 du 16 juillet 2018, le magistrat désigné p

ar le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2018 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé son pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet du Rhône l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1805172 du 16 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 octobre 2018, M. A... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 juillet 2018 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 12 juillet 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour portant la mention vie privée et familiale dans le délai de deux semaines sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder dans le délai de deux mois au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale, faute de résulter d'un examen personnalisé de sa situation, dont le préfet avait connaissance ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté son moyen tiré de la méconnaissance de son droit d'être entendu ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, méconnait les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant son pays de renvoi est insuffisamment motivée, est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, procède d'une erreur de droit dès lors que le préfet a assorti automatiquement la mesure d'éloignement de la fixation de son pays d'origine comme pas de renvoi, a méconnu son droit d'être entendu, méconnait les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit au regard du motif retenu tiré de l'existence d'une précédente mesure d'éloignement, porte une atteinte excessive à sa situation familiale et méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois est entachée d'illégalité au regard des circonstances qu'il fait valoir ;

- son assignation à résidence est illégale dès lors qu'il présente des garanties de représentation.

La demande d'aide juridictionnelle de M. C... a été déclarée caduque par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 5 septembre 2018.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

La clôture de l'instruction a été fixée au 1er avril 2019 par une ordonnance du 7 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Antoine Gille, président-assesseur ;

Considérant ce qui suit :

1. Ressortissant ukrainien né en 1989, M. C... est entré au mois d'août 2015 en compagnie de son épouse et de leur enfant en France, où sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 25 avril 2016 confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 20 octobre suivant. Par arrêté du 12 juillet 2018, le préfet du Rhône a fait obligation à M. C... de quitter sans délai le territoire français, fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois. Par un second arrêté du même jour, le préfet du Rhône a, en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement, assigné M. C... à résidence. Ce dernier relève appel du jugement du 16 juillet 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la fixation du pays de renvoi :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

3. Traduisant un examen de la situation particulière de M. C... au regard notamment de sa situation familiale, l'arrêté du préfet du Rhône portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi fait état, au regard en particulier de l'irrégularité de la situation de l'intéressé et de sa nationalité, des circonstances de fait et de droit qui lui donnent son fondement. Dans ces conditions, les moyens tirés par M. C... du défaut de motivation de cet arrêté et du défaut d'examen de sa situation, auxquels le tribunal administratif a suffisamment répondu, doivent être écartés.

4. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal d'audition en retenue du 12 juillet 2018 au vu duquel l'arrêté critiqué a été pris, que M. C... a été mis à même de faire valoir les éléments pouvant faire obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise à son encontre. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les mesures qu'il conteste ont été prises en méconnaissance du droit d'être entendu qu'il tient des principes généraux du droit de l'Union européenne.

5. Au soutien de sa requête, M. C... fait également valoir la présence en France de son épouse et de leurs trois enfants, l'état de santé de sa fille Milana, leur bonne intégration en France ainsi que l'impossibilité de mener une vie normale en Ukraine compte tenu des menaces auxquelles il y serait exposé et dont témoignerait en particulier l'assassinat de son beau-frère. Toutefois, eu égard notamment à la durée et aux conditions du séjour en France du requérant, qui a fait l'objet comme son épouse d'une mesure d'éloignement le 29 novembre 2016, et alors qu'il ne ressort pas du dossier que l'état de santé de Milana ne pourrait pas faire effectivement l'objet d'une prise en charge appropriée en Ukraine, les circonstances dont il est fait état ne suffisent pas, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, pour considérer que les décisions faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français et fixant son pays de destination portent au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis et méconnaissent de ce fait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Alors que la demande d'asile de M. C... a été rejetée en 2016, les éléments avancés par le requérant, qui n'a pas produit sur ce point les pièces annoncées, ne suffisent pas davantage pour établir que l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 3 de cette même convention, auxquelles renvoie l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et selon lesquelles " nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Ces décisions ne méconnaissent pas davantage les stipulations citées ci-dessus de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et il n'apparaît pas davantage que le préfet du Rhône, en prenant la mesure d'éloignement contestée, aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. C....

En ce qui concerne le refus d'accorder un délai de départ volontaire :

6. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...). / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

7. Il est constant que M.C..., ainsi que l'a relevé à bon droit le premier juge, n'a pas déféré à l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet le 29 novembre 2016. Dans ces conditions et alors que les circonstances rappelées ci-dessus ne suffisent pas à caractériser une situation particulière, le préfet du Rhône a pu se fonder légalement sur les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour décider de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire. Eu égard à la situation rappelée ci-dessus du requérant et de son épouse à la date de la décision critiquée, M. C... n'est pas fondé à soutenir que celle-ci méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou celles de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

8. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

9. Pour contester l'arrêté du préfet du Rhône du 12 juillet 2018 en tant qu'il lui fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois, M. C... fait valoir sa situation familiale, en particulier la santé précaire de sa fille, et les menaces dont il fait l'objet en Ukraine. Toutefois, eu égard à ce qui a été dit aux points 5 et 7, et alors que le requérant n'a pas déféré à l'obligation de quitter le territoire dont il a fait l'objet en 2016 après le rejet de sa demande d'asile, les circonstances invoquées ne suffisent pas pour considérer que l'interdiction de retour en litige n'est pas justifiée dans son principe ou sa durée.

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

10. Aux termes du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ".

11. Pour contester la mesure d'assignation à résidence dont il fait l'objet, M. C... se borne à faire valoir qu'ayant manifesté l'intention d'entreprendre des démarches en préfecture, disposant d'une adresse fixe et devant assurer le suivi des soins de ses enfants, il présente des garanties de représentation. Alors qu'il n'est pas contesté que l'éloignement du requérant demeurait une perspective raisonnable à la date de la décision attaquée, les éléments avancés ne permettent toutefois pas de considérer que le préfet du Rhône a fait une inexacte application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant à l'égard du requérant une assignation à résidence, mesure à laquelle l'autorité préfectorale peut précisément recourir de préférence à un placement en rétention administrative lorsque l'étranger concerné présente des garanties de représentation.

12. Il résulte de tout de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre les arrêtés du préfet du Rhône du 12 juillet 2018. Ses conclusions à fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre,

M. Antoine Gille, président assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2019.

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N° 18LY03811

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY03811
Date de la décision : 02/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Antoine GILLE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : PROUST

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-02;18ly03811 ?
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