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13/06/2019 | FRANCE | N°19LY00034

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 13 juin 2019, 19LY00034


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 30 juin 2016 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a retiré le titre de séjour qui lui avait été accordé.

Par un jugement n° 1604805 du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision et a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser à l'avocat de Mme B... D... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour

Par une r

equête enregistrée le 4 janvier 2019, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :

1°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 30 juin 2016 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a retiré le titre de séjour qui lui avait été accordé.

Par un jugement n° 1604805 du 6 novembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision et a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser à l'avocat de Mme B... D... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 janvier 2019, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 novembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande de Mme A... se disant Mme B... D....

Il soutient que :

- Mme A... se disant Mme B... D... n'a produit que son passeport à l'appui de sa demande de titre de séjour pour raisons de santé ; ce passeport ayant été reconnu comme frauduleux par l'autorité judiciaire, il était tenu de retirer le titre de séjour de l'intéressée ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le document intitulé "cedula pessoal" est un acte de naissance justifiant de l'identité de l'intéressée ; ce document est dépourvu de photo d'identité, n'a aucune valeur probante et ne permet pas de déterminer la nationalité de son titulaire.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 avril 2019, Mme B... D..., représentée par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour "vie privée et familiale" ou de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre de la loi 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle apporte la preuve de son identité et de sa nationalité par la production de sa "cedula pessoal" qui vaut acte de naissance ;

- son identité a été constatée par le tribunal correctionnel de Chambéry ;

- elle n'était pas tenue de présenter un passeport mais pouvait, dans le cadre de sa demande de titre de séjour pour raisons de santé, présenter tout document justifiant de son identité ; c'est à tort que le préfet a estimé que la présentation du passeport est indispensable pour établir la nationalité ;

- la fraude n'est pas établie, la seule possession d'un passeport falsifié ne suffisant pas pour caractériser l'élément intentionnel de la fraude dans le but d'obtenir une carte de séjour ;

- la décision lui retirant son titre de séjour méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; à supposer que le passeport soit faux, elle justifie de sa nationalité angolaise et ne peut bénéficier dans son pays d'origine du traitement nécessaire à sa pathologie ;

- la décision lui retirant sa carte de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Mme B... D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 14 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;

- et les observations de Me C... pour MmeB... D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... se présentant comme Mme B... D... est entrée en France le 2 janvier 2012. Après le rejet de sa demande d'asile, elle a demandé son admission au séjour en se prévalant de son état de santé et a obtenu une carte de séjour temporaire délivrée par le préfet de la Haute-Savoie sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile valable du 18 août 2015 au 17 août 2016. Le 1er mai 2016, les services de la police aux frontières ont dressé un procès-verbal à l'encontre de l'intéressée au motif que le passeport qu'elle avait présenté pour passer la frontière italienne était un document falsifié. Par décisions du 30 juin 2016, le préfet de la Haute-Savoie a retiré le titre de séjour de l'intéressée. Le préfet de la Haute-Savoie relève appel du jugement du 6 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Pour motiver le retrait de la carte de séjour temporaire qui avait été délivrée à Mme A... se présentant comme Mme B... D... pour raisons de santé sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet, après avoir relevé le caractère falsifié du passeport angolais produit à l'appui de la demande de carte de séjour et l'absence de justification par l'intéressée de son état civil et de sa nationalité, a estimé que le médecin de l'Agence régionale de santé avait rendu un avis basé sur une fraude à l'identité et à la nationalité ce qui ne permettait pas d'établir que le traitement médical dont bénéficie l'intéressée n'existerait pas dans son pays d'origine et que, dans ces conditions la carte de séjour temporaire avait été obtenue au moyen de manoeuvres frauduleuses.

3. Pour annuler cette décision, le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé, d'une part, sur la circonstance que si la requérante a produit un faux passeport, l'avis du médecin de l'agence régionale de santé n'a pu être faussé, notamment quant à l'appréciation de la possibilité pour la requérante d'accéder aux soins dans son pays d'origine, dès lors que Mme B... D... établit, par la production de son acte de naissance, tant son identité que sa nationalité, et d'autre part, sur la circonstance que le préfet n'établit pas que l'intéressée disposerait de la possibilité de bénéficier d'un traitement approprié en Angola.

4. Lors du dépôt d'une demande de carte de séjour présentée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile l'étranger doit présenter des documents justifiant de son état civil et de sa nationalité conformément aux dispositions de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour Mme A...se disant Kanza De Almeida n'a présenté que son passeport, qui, selon ses propres aveux, a été obtenu par fraude et ne présente aucune garantie d'authenticité. Pour justifier de sa nationalité et de son identité, l'intimée se prévaut d'un seul document intitulé "cedula pessoal" qu'elle a produit en première instance. Toutefois, ce document qui ne peut, par lui-même, suffire pour établir l'authenticité des indications données par l'intéressée sur son état civil, n'est corroboré par aucun autre document susceptible de justifier de son identité. La circonstance à cet égard que le jugement du 6 janvier 2017 du TGI d'Albertville mentionne que "la présidente a constaté la présence et l'identité de Mme B... D... " au cours des débats ayant abouti à la condamnation de l'intéressée pour détention frauduleuse de faux documents administratifs constatant un droit ou une identité, avait uniquement pour but de vérifier que la personne comparaissant devant le tribunal et qui se présentait comme étant Mme B... D... était bien la prévenue et ne confère aucune garantie d'authenticité à l'état civil dont elle se prévaut. Il suit de là que le préfet a pu, sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation ou d'erreur de fait, retirer son titre de séjour à l'intéressée au motif que les documents présentés par Mme A... se disant Kanza De Almeida ne permettaient pas de justifier de son identité ni de sa nationalité et que le titre de séjour avait été obtenu par fraude. Il en résulte que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 30 juin 2016 portant retrait de la carte de séjour de Mme A... se disant Kanza De Almeida.

6. Il y a lieu, au titre de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de séjour Mme A... se disant Kanza De Almeida.

Sur les autres moyens :

7. En premier lieu, la décision de refus de séjour a été signée par M. Guillaume Douheret, secrétaire général de la préfecture, titulaire d'une délégation de signature à cet effet en vertu d'un arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 21 novembre 2016, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture du même jour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué manque en fait.

8. En deuxième lieu, la décision qui énonce les circonstances de fait et de droit qui fondent la décision de retrait en litige, est suffisamment motivée.

9. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5, le préfet était fondé à retirer la carte de séjour de l'intéressée au motif qu'elle a été obtenue au moyen d'une fraude. Pour contester une telle décision, Mme A... se disant Kanza De Almeida ne peut utilement invoquer la méconnaissance par le préfet des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que le traitement de sa pathologie ne serait pas disponible en Angola.

10. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que la présence de Mme A...se disant Kanza De Almeida en France est récente et qu'elle ne dispose pas d'attaches privées et familiales sur le territoire. Si elle soutient tout ignorer de la provenance de son passeport falsifié et souffrir d'une pathologie dont la prise en charge serait difficile dans son pays d'origine, elle ne justifie toutefois pas à ce jour de sa nationalité par des documents probants et la décision de retrait en litige n'a pas, par elle-même, pour effet de la priver de la possibilité de se faire soigner. Dans ces conditions, cette décision ne peut être regardée comme portant au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts qu'elle poursuit en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantit à toute personne un tel droit et n'apparaît pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision du 30 juin 2016. Il est dès lors fondé à demander l'annulation de ce jugement et le rejet des conclusions de la demande de Mme A... se disant Kanza De Almeida auxquelles ce jugement a fait droit. Par voie de conséquence, les conclusions de Mme A... se disant Kanza De Almeida tendant à ce que des injonctions soient adressées sous astreinte à l'autorité administrative et à ce qu'il soit fait application au bénéfice de son avocat des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 novembre 2018 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la demande de Mme A...se disant Kanza De Almeida auxquelles il a été fait droit par les articles du jugement annulés à l'article 1er et les conclusions qu'elle présente en appel, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... se disant Kanza De Almeida et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre,

M. Thierry Besse, premier conseiller,

Mme Christine Psilakis, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juin 2019.

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N° 19LY00034

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19LY00034
Date de la décision : 13/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-06-13;19ly00034 ?
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