Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
MM. A... etB... E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 20 octobre 2016 du conseil communautaire de la communauté de communes des sources du lac d'Annecy approuvant le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) ainsi que la décision du 27 janvier 2017 ayant rejeté leur recours gracieux.
Par un jugement n° 1701818 du 3 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires en réplique enregistrés les 2 juillet 2018, 1er août 2018, 14 janvier 2019 et 27 février 2019, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, MM. A... etB... E..., représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 3 mai 2018 ;
2°) d'annuler cette délibération du 20 octobre 2016 et la décision du 27 janvier 2017 rejetant leur recours gracieux ou, à titre subsidiaire, d'annuler la délibération du 20 octobre 2016 en tant qu'elle classe en zone Ap la parcelle cadastrée C n° 701 dans la commune de Doussard ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes des sources du lac d'Annecy une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il est entaché d'une erreur sur leur identité ;
- les communes de Giez et de Montmin ayant émis un avis défavorable au projet de plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi), le conseil communautaire devait, en vertu des dispositions de l'article L. 153-15 du code de l'urbanisme, délibérer à nouveau et arrêter le projet de PLUi à la majorité des deux tiers ;
- le PLUi n'a pas pris en compte le plan climat air énergie territorial, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 131-5 du code de l'urbanisme ;
- aucune note de synthèse n'a été envoyée aux conseillers communautaires avant la séance du 13 février 2014 lors de laquelle a eu lieu le débat sur le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) ni avant la séance du 10 novembre 2015 arrêtant le projet de PLUi ;
- il n'est pas justifié de ce que les conseillers communautaires ont été régulièrement convoqués à ces deux séances ;
- le classement en zone Ap de la parcelle C n° 701, qui n'est pas située dans un espace proche du rivage et dont l'urbanisation ne permettrait au demeurant qu'une extension limitée de l'urbanisation, est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires en défense enregistrés les 4 décembre 2018 et 14 février 2019, la communauté de communes des sources du lac d'Annecy, représentée par la SELAS Fidal, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est tardive ;
- le moyen tiré de l'irrégularité de la convocation des conseillers communautaires lors des séances des 13 février 2014 et 10 novembre 2015, soulevé plus de six mois après l'entrée en vigueur de ces délibérations, est irrecevable en vertu des dispositions de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- aucun des moyens soulevés n'est fondé.
La clôture de l'instruction a été fixée au 5 mars 2019, par ordonnance du même jour.
Par lettre du 2 mai 2019, les parties ont été informées de ce que la cour est susceptible de faire application des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire enregistré le 9 mai 2019, la communauté de communes des sources du lac d'Annecy a présenté des observations en réponse à ce courrier du 2 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,
- et les observations de Me D... pour les consorts E..., ainsi que celles de Me C... pour la communauté de communes des sources du lac d'Annecy ;
Considérant ce qui suit :
1. Par délibération du 28 février 2013, le conseil communautaire de la communauté de communes du pays de Faverges, devenue en mars 2016 communauté de communes des sources du lac d'Annecy, a prescrit l'élaboration d'un plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi). Le projet de PLUi a été arrêté par délibération du 10 novembre 2015. Par délibération du 20 octobre 2016, le conseil communautaire de la communauté de communes des sources du lac d'Annecy a approuvé le PLUi. Les consorts E...relèvent appel du jugement du 3 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération.
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf dispositions contraires, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la requête d'appel a été enregistrée le 2 juillet 2018, soit dans le délai de deux mois suivant notification du jugement du 3 mai 2018. La fin de non-recevoir opposée par la communauté de communes des sources du lac d'Annecy doit par suite être écartée.
Sur la régularité du jugement :
4. Si le jugement attaqué mentionne le nom d'autres requérants dans sa partie visant et analysant les mémoires, cela résulte d'une erreur purement matérielle qui n'a pu en l'espèce affecter la régularité du jugement attaqué.
Sur la procédure d'adoption du PLUi :
5. En premier lieu, aux termes des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 123-9 du code de l'urbanisme, reprises aujourd'hui à l'article L. 153-15 de ce code : " Lorsqu'une commune membre de l'établissement public de coopération intercommunale émet un avis défavorable sur les orientations d'aménagement et de programmation ou les dispositions du règlement qui la concernent directement, l'organe délibérant compétent de l'établissement public de coopération intercommunale délibère à nouveau et arrête le projet de plan local d'urbanisme à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que les communes de Montmin et de Giez ont rendu des avis défavorables au projet de PLUi arrêté le 10 novembre 2015, par des délibérations de leurs conseils municipaux prises respectivement les 10 décembre 2015 et 11 janvier 2016. Si ces délibérations n'étaient pas motivées, ce que n'imposent pas les dispositions citées au point 5, les avis ainsi rendus renvoyaient à ces dispositions et portaient ainsi nécessairement sur les dispositions du PLUi applicables à ces communes, sur lesquelles elles étaient consultées. S'agissant de la commune de Montmin, ce vice ne peut toutefois avoir eu d'incidence sur la légalité de la délibération en litige, dès lors que le PLUi adopté ne portait pas sur le territoire de cette commune. En revanche, et quand bien même le conseil municipal de Giez n'a pas confirmé son vote après que le préfet de la Haute-Savoie lui avait indiqué que son avis défavorable ne pouvait être opposé au conseil communautaire du fait de son imprécision, la délibération aprouvant le PLUi a été prise en méconnaissance des dispositions citées au point 5, faute pour le conseil communautaire d'avoir arrêté à nouveau le projet à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés. Un tel vice a été de nature à priver la commune de Giez d'une garantie et est susceptible d'avoir eu une incidence sur le PLUi adopté.
7. En deuxième lieu, il ressort des mentions du registre des délibérations, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, que les conseillers communautaires ont été régulièrement convoqués aux séances du 13 février 2014, lors de laquelle il a été débattu du PADD et à celle du 4 novembre 2015, lors de laquelle le projet de plan a été arrêté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. ". Aux termes de l'article L. 5211-1 du même code : " Les dispositions du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie relatives au fonctionnement du conseil municipal sont applicables au fonctionnement de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre. / Pour l'application des dispositions des articles L. 2121-8, L. 2121-9, L. 2121-11, L. 2121-12, L. 2121-19 et L. 2121-22 et L. 2121-27-1, ces établissements sont soumis aux règles applicables aux communes de 3 500 habitants et plus s'ils comprennent au moins une commune de 3 500 habitants et plus. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que la note de synthèse envoyée aux élus avant la séance du 10 novembre 2015 précisait le contexte dans lequel le PLUi a été élaboré, les objectifs principaux qu'il poursuit, les grands axes retenus par le PADD et présentait de manière synthétique les principaux documents composant le projet de plan. Les membres de l'organe délibérant ont ainsi disposé d'une information suffisante pour se prononcer en toute connaissance de cause.
10. Par ailleurs, eu égard à la portée et à l'objet de la séance du 13 février 2014 lors de laquelle il a été débattu des orientations du PADD et au fait que ce débat, qui n'est soumis à aucun vote, ne peut être regardé comme une affaire soumise à délibération au sens des dispositions citées au point 8 de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, les requérants ne peuvent utilement soutenir que la délibération approuvant le PLUi serait illégale en raison de l'absence d'envoi d'une note de synthèse préalablement à la séance du 13 février 2014.
Sur la légalité interne du PLUi:
11. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de L. 123-1-9 alors en vigueur du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme (...) prend en compte, le cas échéant, le plan climat-air-énergie territorial. ". Si les requérants soutiennent que le PLUi ne prend pas en compte le plan climat-air-énergie territorial, qu'ils ne produisent pas, en faisant valoir qu'un schéma régional de cohérence écologique a été adopté en 2014, ils n'identifient pas le document que le PLUi n'aurait pas pris en compte et, en tout état de cause, n'assortissent pas leur moyen de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
12. En deuxième lieu, il appartient aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer, en conséquence, le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation, sur ces différents points, ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
13. Les consorts E...contestent le classement en secteur Ap, correspondant à une zone agricole à enjeux écologiques et/ou paysagers forts, de la partie sud de la parcelle cadastrée C n° 701 leur appartenant dans la commune de Doussard. Les intéressés ne peuvent utilement se prévaloir du fait que cette partie de parcelle était classée en zone urbaine dans l'ancien PLU de la commune, alors, au demeurant, que ce classement a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 mai 2016, confirmé par un arrêt de la cour du 3 mai 2018. Les requérants ne peuvent pas davantage faire valoir utilement que l'urbanisation de ces parcelles serait compatible avec les prescriptions du schéma de cohérence territoriale du bassin annécien portant sur l'application des dispositions de la loi littoral au territoire couvert par ce schéma, dès lors, d'une part, que le classement en zone agricole de la parcelle n'est pas justifiée par de telles dispositions, et, d'autre part, que celles-ci n'imposent nullement aux auteurs d'un plan d'urbanisme de rendre constructibles tous les terrains situés en continuité d'un espace urbanisé. Au surplus, et en tout état de cause, le terrain n'est pas situé en continuité d'un espace urbanisé, caractérisé par un nombre et une densité significatifs de constructions. Il s'inscrit par ailleurs dans le prolongement d'une vaste zone non bâtie qui n'apparaît pas dépourvue de potentiel agricole et qui, par sa situation à proximité du lac d'Annecy, présente un intérêt paysager. Si la parcelle est située à proximité de quelques constructions éparses, son classement en zone agricole, qui est cohérent avec l'objectif des auteurs du PLUi de privilégier l'urbanisation dans les pôles urbains principaux de Faverges et du centre-bourg de Doussard ainsi que de préserver les espaces agricoles, n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation.
14. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à soutenir que la délibération en litige est entachée d'un vice de procédure pour les motifs exposés au point 3.
Sur le sursis à statuer :
15. Aux termes de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées (...) un plan local d'urbanisme ou (...), estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d'urbanisme reste applicable, sous les réserves suivantes : / (...) 2° En cas d'illégalité pour vice de forme ou de procédure, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'illégalité a eu lieu, pour (...) les plans locaux d'urbanisme, après le débat sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables. / Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / Si, après avoir écarté les autres moyens, le juge administratif estime que le vice qu'il relève affecte notamment un plan de secteur, le programme d'orientations et d'actions du plan local d'urbanisme ou les dispositions relatives à l'habitat ou aux transports et déplacements des orientations d'aménagement et de programmation, il peut limiter à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce. ".
16. Le vice analysé au point 6, résultant de ce que le conseil communautaire de la communauté de communes des sources du lac d'Annecy n'a pas confirmé à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés le projet de PLUi après l'avis défavorable émis par la commune de Giez, est susceptible de régularisation. Il y a lieu en l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme, de surseoir à statuer sur la requête des consorts E...pendant un délai de trois mois, afin de permettre à la communauté de communes des sources du lac d'Annecy de prendre une délibération régularisant la procédure.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête des consorts E...jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt imparti à la communauté de communes des sources du lac d'Annecy pour notifier une nouvelle délibération de son conseil communautaire arrêtant à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés le projet de PLUi.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., premier requérant dénommé, pour l'ensemble des requérants, et à la communauté de communes des sources du lac d'Annecy.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2019 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Thierry Besse, premier conseiller,
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juin 2019.
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N° 18LY02466