Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. F... E..., M. C... E... et Mme A... E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 20 octobre 2016 du conseil communautaire de la communauté de communes des sources du lac d'Annecy approuvant le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi), ainsi que la décision du 26 janvier 2017 rejetant leur recours gracieux contre cette délibération.
Par un jugement n° 1701791 du 3 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 2 juillet 2018 et 11 janvier 2019, M. F... E..., M. C... E... et Mme A... E..., représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 3 mai 2018 ;
2°) d'annuler cette délibération du conseil communautaire de la communauté de communes des sources du lac d'Annecy du 20 octobre 2016 et la décision du 26 janvier 2017 ayant rejeté leur recours gracieux ou, à titre subsidiaire, d'annuler cette délibération en tant qu'elle classe en zone N1B les parcelles cadastrées 2869 et 691 dont ils sont propriétaires au lieu-dit La Crosaz, dans la commune de Giez ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes des sources du lac d'Annecy la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les communes de Giez et de Montmin ayant émis un avis défavorable au projet de plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi), le conseil communautaire devait, en vertu des dispositions de l'article L. 153-15 du code de l'urbanisme, délibérer à nouveau et arrêter le projet de PLUi à la majorité des deux tiers ;
- le PLUi n'a pas pris en compte le plan climat air énergie territorial, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 131-5 du code de l'urbanisme ;
- aucune note de synthèse n'a été envoyée aux conseillers communautaires avant la séance du 13 février 2014 lors de laquelle a eu lieu le débat sur le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) ni avant la séance du 10 novembre 2015 arrêtant le projet de PLUi ;
- il n'est pas justifié de ce que les conseillers communautaires ont été régulièrement convoqués à ces deux séances ;
- ils sont fondés à exciper de l'illégalité des normes prescriptives à valeur réglementaire du schéma de cohérence territoriale du bassin annécien, prévoyant une densité maximale de vingt logements par hectare sur le territoire de la commune de Giez, prescription sur laquelle est fondé le classement de leurs parcelles ;
- le classement de leurs parcelles en zone N1B méconnaît les objectifs de limitation de la consommation de l'espace et d'urbanisation des dents creuses fixés par le PADD et le rapport de présentation, n'est justifiée par aucun intérêt écologique ou paysager et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 décembre 2018, la communauté de communes des sources du lac d'Annecy, représentée par la SELAS Fidal, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen tiré de l'irrégularité de la convocation des conseillers communautaires lors des séances des 13 février 2014 et 10 novembre 2015, soulevé plus de six mois après l'entrée en vigueur de ces délibérations, est irrecevable en vertu des dispositions de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- aucun des moyens n'est fondé.
La clôture de l'instruction a été fixée au 5 mars 2019 par une ordonnance du même jour.
Par lettre du 2 mai 2019, les parties ont été informées de ce que la cour est susceptible de faire application des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire enregistré le 9 mai 2019, la communauté de communes des sources du lac d'Annecy a présenté des observations en réponse à ce courrier du 2 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,
- et les observations de Me D... pour les consorts E..., ainsi que celles de Me B... pour la communauté de communes des sources du lac d'Annecy ;
Considérant ce qui suit :
1. Par délibération du 28 février 2013, le conseil communautaire de la communauté de communes du pays de Faverges, devenue en mars 2016 communauté de communes des sources du lac d'Annecy, a prescrit l'élaboration d'un plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi). Le projet de PLUi a été arrêté par délibération du 10 novembre 2015. Par délibération du 20 octobre 2016, le conseil communautaire de la communauté de communes des sources du lac d'Annecy a approuvé le PLUi. Les consorts E...relèvent appel du jugement du 3 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération et de la décision du 26 janvier 2017 portant rejet de leur recours gracieux.
Sur la procédure d'adoption du PLUi :
2. En premier lieu, aux termes des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 123-9 du code de l'urbanisme, reprises aujourd'hui à l'article L. 153-15 de ce code : " Lorsqu'une commune membre de l'établissement public de coopération intercommunale émet un avis défavorable sur les orientations d'aménagement et de programmation ou les dispositions du règlement qui la concernent directement, l'organe délibérant compétent de l'établissement public de coopération intercommunale délibère à nouveau et arrête le projet de plan local d'urbanisme à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que les communes de Montmin et de Giez ont rendu des avis défavorables au projet de PLUi arrêté le 10 novembre 2015, par des délibérations de leurs conseils municipaux prises respectivement les 10 décembre 2015 et 11 janvier 2016. Si ces délibérations n'étaient pas motivées, ce que n'imposent pas les dispositions citées au point 2, les avis ainsi rendus renvoyaient à ces dispositions et portaient ainsi nécessairement sur les dispositions du PLUi applicables à ces communes, sur lesquelles elles étaient consultées. S'agissant de la commune de Montmin, ce vice ne peut toutefois avoir eu d'incidence sur la légalité de la délibération en litige, dès lors que le PLUi adopté ne portait pas sur le territoire de cette commune. En revanche, et quand bien même le conseil municipal de Giez n'a pas confirmé son vote après que le préfet de la Haute-Savoie lui avait indiqué que son avis défavorable ne pouvait être opposé au conseil communautaire du fait de son imprécision, la délibération aprouvant le PLUi a été prise en méconnaissance des dispositions citées au point 2, faute pour le conseil communautaire d'avoir arrêté à nouveau le projet à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés. Un tel vice a été de nature à priver la commune de Giez d'une garantie et est susceptible d'avoir eu une incidence sur le PLUi adopté.
4. En deuxième lieu, il ressort des mentions du registre des délibérations, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, que les conseillers communautaires ont été régulièrement convoqués aux séances du 13 février 2014, lors de laquelle il a été débattu du PADD et à celle du 4 novembre 2015, lors de laquelle le projet de plan a été arrêté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. ". Aux termes de l'article L. 5211-1 du même code : " Les dispositions du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie relatives au fonctionnement du conseil municipal sont applicables au fonctionnement de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre. / Pour l'application des dispositions des articles L. 2121-8, L. 2121-9, L. 2121-11, L. 2121-12, L. 2121-19 et L. 2121-22 et L. 2121-27-1, ces établissements sont soumis aux règles applicables aux communes de 3 500 habitants et plus s'ils comprennent au moins une commune de 3 500 habitants et plus. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que la note de synthèse envoyée aux élus avant la séance du 10 novembre 2015 précisait le contexte dans lequel le PLUi a été élaboré, les objectifs principaux qu'il poursuit, les grands axes retenus par le PADD et présentait de manière synthétique les principaux documents composant le projet de plan. Les membres de l'organe délibérant ont ainsi disposé d'une information suffisante pour se prononcer en toute connaissance de cause.
7. Par ailleurs, eu égard à la portée et à l'objet de la séance du 13 février 2014 lors de laquelle il a été débattu des orientations du PADD et au fait que ce débat, qui n'est soumis à aucun vote, ne peut être regardé comme une affaire soumise à délibération au sens des dispositions citées au point 5 de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, les requérants ne peuvent utilement soutenir que la délibération approuvant le PLUi serait illégale en raison de l'absence d'envoi d'une note de synthèse préalablement à la séance du 13 février 2014.
Sur la légalité interne du PLUi :
8. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de L. 123-1-9 alors en vigueur du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme (...) prend en compte, le cas échéant, le plan climat-air-énergie territorial. ". Si les requérants soutiennent que le PLUi ne prend pas en compte le plan climat-air-énergie territorial, qu'ils ne produisent pas, en faisant valoir qu'un schéma régional de cohérence écologique a été adopté en 2014, ils n'identifient pas le document que le PLUi n'aurait pas pris en compte et, en tout état de cause, n'assortissent pas leur moyen de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
9. En deuxième lieu, un PLU, s'il doit être compatible avec le schéma de cohérence territoriale, n'en constitue cependant pas une mesure d'application. Dès lors, les requérants ne peuvent utilement exciper, pour contester le classement de leurs parcelles, de l'illégalité du schéma de cohérence territoriale du bassin annécien, qui ne constitue pas la base légale du PLUi.
10. En troisième lieu, en vertu de l'article L. 123-1 alors en vigueur du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme (...) comprend un rapport de présentation, un projet d'aménagement et de développement durables, des orientations d'aménagement et de programmation, un règlement et des annexes. (...) ". L'article L. 123-1-3 alors en vigueur du même code, dispose que : " Le projet d'aménagement et de développement durables définit les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques. / Le projet d'aménagement et de développement durables arrête les orientations générales concernant l'habitat, les transports et les déplacements, le développement des communications numériques, l'équipement commercial, le développement économique et les loisirs, retenues pour l'ensemble de l'établissement public de coopération intercommunale ou de la commune. / Il fixe des objectifs de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain. ". Enfin, aux termes l'article R. 123-8 alors en vigueur du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / c) Soit de leur caractère d'espaces naturels. (...) ".
11. La cohérence exigée au sein du PLU entre le règlement et le PADD, qui s'apprécie à l'échelle du territoire couvert par le plan, impose que le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le PADD, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du PLU à une orientation ou un objectif du PADD ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.
12. Il appartient par ailleurs aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer, en conséquence, le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation, sur ces différents points, ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
13. Les requérants contestent le classement en secteur N1B, correspondant aux "espaces naturels d'intérêt écologique et paysager permettant les évolutions agricoles et extension bâtie limitée" d'une partie des parcelles cadastrées n° 2869 et 681 leur appartenant dans la commune de Giez. Il ressort des pièces du dossier que ces parties de parcelles s'intègrent dans un secteur non bâti enclavé entre des constructions formant une urbanisation diffuse qui s'étend autour des hameaux de Rovagny et Saint-Gingolph. Ce secteur, qui est constitué de prairies, d'espaces arborés ou de potagers, présente un intérêt écologique, quand bien même il est entouré de constructions et partiellement coupé par des clôtures. La circonstance que les parcelles en litige sont équipées et desservies par une route ne font pas obstacle à leur classement en zone naturelle. Si les requérants soutiennent que ce classement ne respecte pas l'objectif d'urbaniser en priorité les dents creuses rappelé par le rapport de présentation, il ressort de ce même document que les dents creuses sont définies comme des espaces de moins de 5 000 m², ce qui n'est pas le cas de l'espace dans lequel s'insèrent les parcelles concernées, qui couvre environ 9 000 m². Ce classement est en revanche cohérent avec l'objectif fixé par les auteurs du PLUi, en compatibilité avec le schéma de cohérence territoriale du bassin annécien, d'urbaniser en priorité les terrains situés dans la continuité de l'entité urbaine de Faverges ou du centre-bourg de Doussard, le développement résidentiel de la commune de Giez devant être limité à une cinquantaine de logements sur dix ans. Dans ces conditions, le classement d'une partie des parcelles en litige en zone naturelle, compte tenu de leurs caractéristiques, ne procède pas d'une erreur manifeste d'appréciation.
14. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à soutenir que la délibération en litige est entachée d'un vice de procédure pour les motifs exposés au point 3.
Sur le sursis à statuer :
15. Aux termes de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées (...) un plan local d'urbanisme ou (...), estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d'urbanisme reste applicable, sous les réserves suivantes : / (...) 2° En cas d'illégalité pour vice de forme ou de procédure, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'illégalité a eu lieu, pour (...) les plans locaux d'urbanisme, après le débat sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables. / Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / Si, après avoir écarté les autres moyens, le juge administratif estime que le vice qu'il relève affecte notamment un plan de secteur, le programme d'orientations et d'actions du plan local d'urbanisme ou les dispositions relatives à l'habitat ou aux transports et déplacements des orientations d'aménagement et de programmation, il peut limiter à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce. ".
16. Le vice analysé au point 3, résultant de ce que le conseil communautaire de la communauté de communes des sources du lac d'Annecy n'a pas confirmé à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés le projet de PLUi après l'avis défavorable émis par la commune de Giez, est susceptible de régularisation. Il y a lieu en l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme, de surseoir à statuer sur la requête des consorts E...pendant un délai de trois mois, afin de permettre à la communauté de communes des sources du lac d'Annecy de prendre une délibération régularisant la procédure.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête des consorts E...jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt imparti à la communauté de communes des sources du lac d'Annecy pour notifier une nouvelle délibération de son conseil communautaire arrêtant à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés le projet de PLUi.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E..., premier requérant dénommé, pour l'ensemble des requérants, et à la communauté de communes des sources du lac d'Annecy.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2019 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Thierry Besse, premier conseiller,
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juin 2019.
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N° 18LY02463
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