La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/05/2019 | FRANCE | N°18LY03337

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 07 mai 2019, 18LY03337


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 12 février 2018 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office.

Par un jugement n° 1801702 du 5 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions du 12 février 2018 et a enjoint au préfet du Rhône de proc

der au réexamen de la situation de Mme A... dans un délai de trois mois.

Procédure devant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 12 février 2018 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office.

Par un jugement n° 1801702 du 5 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions du 12 février 2018 et a enjoint au préfet du Rhône de procéder au réexamen de la situation de Mme A... dans un délai de trois mois.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 30 août 2018, le préfet du Rhône demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 juillet 2018.

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que son arrêté du 12 février 2018 porte une atteinte disproportionnée au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 janvier 2019, Mme D... A..., représentée par la SCP Robin-C..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 300 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que la requête n'est pas fondée.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Antoine Gille, président-assesseur ;

- et les observations de Me C... pour Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme D...A..., ressortissante albanaise née en 1982, est entrée en compagnie de sa fille Klestja au mois de février 2017 en France, où sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 30 juin 2017 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 6 décembre suivant. Par arrêté du 12 février 2018, le préfet du Rhône a fait obligation à Mme A... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office. Le préfet du Rhône relève appel du jugement du 5 juillet 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de l'intéressée et a mis à la charge de l'Etat une somme de 900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement du 5 juillet 2018 :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Pour annuler l'arrêté du préfet du Rhône portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi, le premier juge a fait droit au moyen selon lequel l'éloignement de Mme A... méconnaît ces stipulations. Toutefois, si Mme A... se prévaut de sa vulnérabilité et de la fragilité de sa fille Klestja en raison des mauvais traitements et violences physiques et psychologiques que son époux leur a fait subir en Albanie depuis la naissance de l'enfant, ainsi que de la nécessité d'un suivi médical qui en résulte, les éléments avancés par la requérante, qui s'est remariée avec M. B... après en avoir divorcé en 2015, qui n'était présente en France que depuis environ un an à la date de la décision contestée et qui ne peut faire état d'une insertion particulière en France, ne permettent pas de considérer que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français porte à son droit et à celui de sa fille au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis. Par suite, le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a retenu comme fondé le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par MmeA....

Sur les autres moyens soulevés par MmeA... :

5. L'arrêté du préfet du Rhône du 12 février 2018, qui fait application des dispositions du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant d'obliger un étranger auquel la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à quitter le territoire français, énonce les circonstances de droit et de fait propres à cette situation qui en sont le fondement et est, ainsi, suffisamment motivé. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait négligé d'examiner la situation personnelle de Mme A....

6. Dans les circonstances de l'espèce et eu égard à ce qui a été dit au point 3, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que son éloignement méconnait l'intérêt supérieur de sa fille Klestja au sens des stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni que l'arrêté du 12 février 2018 serait, au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à demander, outre l'annulation du jugement qu'il attaque, le rejet de la demande de Mme A... devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt, qui annule le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 5 juillet 2018 et rejette les conclusions de Mme A... dirigées contre l'arrêté préfectoral du 12 février 2018, n'appelle aucune mesure d'exécution.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 5 juillet 2018 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme A...devant le tribunal administratif de Lyon et ses conclusions en appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée :

- au préfet du Rhône ;

- au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2019 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre ;

M. Antoine Gille, président-assesseur ;

Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 mai 2019.

1

2

N° 18LY03337

dm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY03337
Date de la décision : 07/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Antoine GILLE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-07;18ly03337 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award