La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/04/2019 | FRANCE | N°18LY04029

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 30 avril 2019, 18LY04029


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 19 mai 2018 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1804051 du 17 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregist

rée le 12 novembre 2018, M. C..., représenté par la SELARL BS2A, demande à la cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 19 mai 2018 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1804051 du 17 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 novembre 2018, M. C..., représenté par la SELARL BS2A, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 octobre 2018 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 19 mai 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 200 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en fondant la décision l'obligeant à quitter le territoire sur le 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Rhône, qui n'a pas pris en compte ses démarches afin de régulariser sa situation en France, a entaché sa décision d'une erreur de fait, d'une erreur d'appréciation et d'un détournement de procédure ; cette décision est entachée d'une défaut d'examen particulier de sa situation ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 551-4 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il est parent d'une enfant française dont il assure l'entretien et l'éducation ;

- cette décision méconnaît l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, méconnait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire qui la fonde et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; le délai imparti est trop court eu égard aux démarches pénales qu'il souhaite engager en France pour protéger sa fille ;

- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision d'obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 28 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., ressortissant brésilien né le 5 juin 1986, est entré régulièrement en France le 22 janvier 2018. Par un jugement du 17 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de De Moura Monteiro tendant à l'annulation des décisions du 19 mai 2018 par lesquelles le préfet du Rhône l'a, sur le fondement du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office. M. B... relève appel de ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ".

3. Il est constant que M. B... est entré en France régulièrement sans être soumis à l'obligation de visa afin de rendre visite à son épouse, une ressortissante française, et à sa fille âgée de quatre ans, qui sont installées sur le territoire depuis octobre 2017, après avoir résidé avec lui successivement en Irlande, où est née leur enfant en juillet 2014 et où ils se sont mariés en novembre 2014, puis au Brésil entre novembre 2016 et octobre 2017. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a obtenu deux rendez-vous auprès des services de la préfecture, le premier étant fixé au 8 mai 2018 après une demande formulée le 5 février 2018, au cours duquel sa demande n'aurait pu être enregistrée du fait de son caractère incomplet, et le second au 17 septembre 2018. En se bornant à affirmer qu'il a entrepris des démarches actives pour régulariser sa situation et en se prévalant uniquement de demandes de rendez-vous sans expliquer ni la teneur de ses demandes ni les raisons pour lesquelles le premier rendez-vous n'a pas abouti à la délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour, M. B... ne conteste pas sérieusement l'appréciation portée par le préfet sur sa situation, à savoir qu'il s'est maintenu au-delà du délai de trois mois sans effectuer des démarches afin de régulariser sa situation. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire a été prise sur une base légale erronée, qu'elle est entachée d'erreur de fait et qu'elle procède d'un détournement de procédure ou d'un défaut d'examen particulier de sa situation.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Et aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

5. M. B... se prévaut de son union avec une ressortissante française en novembre 2014 à Dublin avec laquelle il a eu un enfant né le 10 juillet 2014. Toutefois, il ressort de procès-verbaux de police de mai 2018 que, quelques mois après son arrivée en France, l'intéressé a été interpellé et placé en garde à vue du fait de violences commises sur son épouse, que la communauté de vie entre les époux, du fait de violences récurrentes, est rompue depuis trois ans et que sa conjointe souhaite entamer une procédure de divorce. Il ressort également des pièces du dossier qu'elle pourvoit seule aux besoins de son enfant en France, malgré les allégations du requérant concernant le versement de sommes d'argent à son épouse. Par ailleurs, M. B... ne démontre aucune insertion sociale ou professionnelle particulière en France. Enfin, la décision en litige n'obère pas la possibilité pour le requérant de revenir en France afin de rendre visite à sa famille ni, le cas échéant, d'engager une procédure en vue d'obtenir un titre de séjour. Dans ces circonstances, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts qu'elles poursuit en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle. Eu égard à la situation familiale du requérant telle qu'elle a été exposée ci-dessus, l'obligation de quitter le territoire ne peut davantage être regardée comme portant à l'intérêt de son enfant une atteinte contraire à l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit aux points 3 et 5 du présent arrêt que M. B... n'établit pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant. Dans ces conditions, la décision l'obligeant à quitter le territoire ne méconnaît pas ces dispositions.

8. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

9. En cinquième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) / Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. (...) ". La décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours ne fait pas obstacle, par elle-même, à ce que M. B... engage des poursuites pénales en France contre l'entourage familial de son épouse pour des infractions dont serait victime son enfant, dès lors qu'il lui est loisible soit de revenir régulièrement en France soit de mandater un avocat pour le représenter. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait, dans les circonstances de l'espèce, commis une erreur manifeste d'appréciation en n'accordant pas à M. B..., à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

10. En sixième lieu, il résulte de ce qui est dit ci-dessus s'agissant des moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire, que M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions fixant le délai de départ volontaire à trente jours et désignant le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé.

11. Il résulte de tout de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application, au bénéfice de son avocat, des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2019 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre,

M. Antoine Gille, président-assesseur,

Mme Christine Psilakis, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 avril 2019.

2

N° 18LY04029

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY04029
Date de la décision : 30/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-04-30;18ly04029 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award