Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 21 juin 2018 par lesquelles le préfet de l'Ardèche l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire national pour une période de dix-huit mois.
Par un jugement n° 1804704 du 26 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 11 octobre 2018, M. A... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 26 juin 2018 ;
2°) d'annuler ces décisions du préfet de l'Ardèche du 21 juin 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- cette obligation méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ;
- elle méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation en ne lui accordant pas de délai de départ volontaire et en prenant une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois.
Le préfet de l'Ardèche a produit un mémoire enregistré le 25 mars 2019, après la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier ;
Par décision du 5 septembre 2018, le bureau d'aide juridictionnelle a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller ;
- et les observations de Me C... pour M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant du Kosovo, né en 1975, est entré en France le 6 août 2013 avec son épouse et sa fille. Il a déposé une première demande d'asile le 14 août 2013. Par arrêté du 12 novembre 2013, le préfet de l'Ardèche a décidé sa remise aux autorités hongroises. Le 9 mai 2014, M. B..., qui s'était maintenu en France, a déposé une seconde demande d'asile, laquelle a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis, le 4 mars 2015, par la Cour nationale du droit d'asile. Par arrêté du 21 juin 2018, le préfet de l'Ardèche a obligé M. B... à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays à destination duquel il doit être reconduit en cas d'éloignement forcé, et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois. M. B... relève appel du jugement du 26 juin 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, M. B... réitère en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, ses moyens selon lesquels la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été victime d'un accident vasculaire cérébral en septembre 2017. A la date de la décision attaquée, M. B... faisait l'objet d'un simple suivi médical, sa récupération ayant été jugé satisfaisante. Si l'intéressé fait valoir qu'il a été victime d'un second accident ayant entraîné une hémiparésie gauche, survenu peu de temps après l'arrêté qu'il conteste et alors qu'il était maintenu en centre de rétention, il ne ressort toutefois d'aucune pièce du dossier qu'il ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé au Kosovo, ni qu'il ne pourrait voyager sans risque, par tout mode de transport, vers ce pays. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les dispositions précitées doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. M. B... fait valoir qu'à la date de la décision en litige, il résidait en France depuis cinq années, avec son épouse et sa fille, qui est scolarisée, et que toutes deux bénéficient de soins. Toutefois, son épouse ne séjourne pas régulièrement en France. Par ailleurs, il ne ressort des pièces ni que sa fille ne pourrait être scolarisée au Kosovo, ni que son épouse et sa fille ne pourraient y bénéficier de soins appropriés. Au regard de cette situation, et compte tenu des conditions du séjour en France de M. B..., la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne peut être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts qu'elle poursuit et ne méconnaît pas ainsi les stipulations citées au point précédent.
6. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que la fille de M. B... ne pourrait être scolarisée ou bénéficier de soins au Kosovo. Par ailleurs, l'épouse du requérant ne séjournant pas régulièrement en France et rien ne faisant obstacle à ce qu'elle l'accompagne en cas de retour au Kosovo, l'obligation de quitter le territoire français n'implique pas que l'enfant soit séparée de l'un de ses parents. Par suite, cette obligation ne porte pas à l'intérêt de la fille de M. B... une atteinte contraire aux stipulations précitées.
Sur la décision privant M. B... de délai de départ volontaire :
7. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. / (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que M. B... s'est soustrait à une mesure de remise aux autorités hongroises prise en 2013, qui doit être regardée comme une mesure d'éloignement, d'autre part, qu'il est dépourvu de documents d'identité et de passeport et était hébergé chez un tiers, et qu'ainsi il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes. Par ailleurs, la présence en France de son épouse, en situation irrégulière, et de sa fille, ne peut être regardée comme une circonstance particulière imposant de lui accorder un délai de départ volontaire. Dans ces conditions, le préfet a pu légalement refuser de lui accorder un tel délai.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
9. M. B... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, son moyen tiré de l'erreur d'appréciation entachant selon lui la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application, au bénéfice de son avocat, des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2019 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 avril 2019.
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N° 18LY03761
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