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23/04/2019 | FRANCE | N°17LY04266

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 23 avril 2019, 17LY04266


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme G... E..., Mme C... B... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le certificat d'urbanisme du 20 novembre 2015 par lequel le maire de Marin a déclaré non réalisable leur projet de construction d'une maison sur un terrain leur appartenant situé chemin de la Colombière.

Par un jugement n° 1507330 du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce certificat d'urbanisme.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19

décembre 2017 et un mémoire complémentaire enregistré le 17 décembre 2018 qui n'a pas été c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme G... E..., Mme C... B... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le certificat d'urbanisme du 20 novembre 2015 par lequel le maire de Marin a déclaré non réalisable leur projet de construction d'une maison sur un terrain leur appartenant situé chemin de la Colombière.

Par un jugement n° 1507330 du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce certificat d'urbanisme.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 décembre 2017 et un mémoire complémentaire enregistré le 17 décembre 2018 qui n'a pas été communiqué, la commune de Marin, représentée par la SELAS Adamas affaires publiques, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 novembre 2017 ;

2°) de rejeter la demande de Mme E... et autres ;

3°) de mettre à la charge de Mme E... et autres la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure de révision du plan local d'urbanisme (PLU) était une procédure de révision allégée ne modifiant pas le projet d'aménagement et de développement durables (PADD), de sorte que ce projet n'avait pas à figurer au dossier d'enquête publique ;

- c'est par suite à tort que le tribunal a retenu, par la voie de l'exception, le moyen tiré, pour ce motif, de l'illégalité de la délibération du 3 juin 2015 approuvant la révision du PLU sur le fondement duquel le certificat d'urbanisme en litige a été délivré ;

- les autres moyens soulevés par les intimées sont infondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 octobre 2018, Mme G... E..., Mme C... B... et Mme D... B..., représentées par le cabinet d'avocats Merotto, concluent au rejet de la requête et demandent à la cour :

1°) d'enjoindre au maire de Marin de leur délivrer un certificat d'urbanisme dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Marin une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la commune ne pouvait avoir recours à la procédure de révision allégée du PLU, dès lors que les modifications apportées ont porté atteinte aux orientations du PADD ;

- ainsi que l'a jugé le tribunal, le dossier d'enquête publique devait comporter le PADD ;

- la délibération prescrivant la révision n'a pas défini les objectifs poursuivis, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme ;

- le projet de révision n'a pas fait l'objet de l'examen conjoint prévu par l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme ;

- les modifications apportées après enquête publique ont porté atteinte à l'économie générale du projet, de sorte qu'une nouvelle enquête publique était nécessaire ;

- le classement de leur parcelle en zone agricole est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la délibération du 3 juin 2015 approuvant la révision du PLU est entachée d'un détournement de pouvoir en ce qu'elle classe en zone agricole la parcelle leur appartenant.

La clôture de l'instruction a été fixée au 21 décembre 2018 par une ordonnance du 30 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,

- et les observations de Mme Marquet, avocate stagiaire, en présence de Me A... pour la commune de Marin, ainsi que celles de Me F... pour Mme E... et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... et Mmes B...sont propriétaires d'une parcelle, cadastrée AA n° 249, située chemin de la Colombière, sur le territoire de la commune de Marin. Elles ont sollicité du maire de cette commune un certificat d'urbanisme en vue de la construction d'une maison d'habitation sur ce terrain, classé en zone agricole par le PLU révisé adopté par délibération du conseil municipal du 3 juin 2015. Par décision du 20 novembre 2015, le maire de Marin a déclaré l'opération non réalisable pour une construction sans lien avec l'activité agricole. Par jugement du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce certificat. La commune de Marin relève appel de ce jugement.

Sur la légalité du certificat d'urbanisme du 20 novembre 2015 :

En ce qui concerne le bien-fondé du moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Pour annuler la décision du 20 novembre 2015, les premiers juges, après avoir estimé que la procédure d'adoption de la révision du PLU était irrégulière, le dossier d'enquête publique ne comportant pas le projet d'aménagement et de développement durables (PADD), ont retenu le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la délibération du 3 juin 2015 du conseil municipal de Marin ayant approuvé la révision du PLU de la commune.

3. Aux termes de l'article L. 123-10 alors en vigueur du code de l'urbanisme : " Le projet de plan local d'urbanisme arrêté est soumis à l'enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement (...) ". Aux termes du II de l'article L. 123-13 alors en vigueur du même code : " (...) Lorsque la révision a uniquement pour objet de réduire un espace boisé classé, une zone agricole ou une zone naturelle et forestière, une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels, ou est de nature à induire de graves risques de nuisance, sans qu'il soit porté atteinte aux orientations définies par le plan d'aménagement et de développement durables, le projet de révision arrêté fait l'objet d'un examen conjoint de l'Etat, de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article L. 123-6, de la commune, et des personnes publiques associées mentionnées aux I et III de l'article L. 121-4. ". Et aux termes du dernier alinéa de l'article R. 123-21 alors en vigueur du code de l'urbanisme, concernant la procédure de révision dite allégée prévue par les dispositions de l'article L. 123-13 citées ci-dessus : " Le projet de révision arrêté, accompagné du procès-verbal de la réunion d'examen conjoint, est soumis à l'enquête publique par le président de l'établissement public ou par le maire dans les formes prévues par le chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la révision du PLU de la commune de Marin a fait l'objet de la procédure dite allégée prévue à l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme, aucune atteinte n'ayant été portée aux orientations définies par le PADD, qui n'a pas été modifié. Dans ces conditions, seul le projet de révision arrêté, accompagné du procès-verbal de la réunion d'examen conjoint, devait être soumis à enquête publique. Par suite, et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Grenoble, le PADD n'avait pas à figurer au dossier d'enquête publique.

5. Il y a lieu, toutefois, au titre de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E... et autres à l'encontre du certificat d'urbanisme en litige.

En ce qui concerne les autres moyens des demandeurs de première instance :

S'agissant de la légalité de la procédure d'adoption du PLU :

6. S'il résulte en premier lieu des dispositions des articles L. 123-6 et L. 300-2 du code de l'urbanisme alors en vigueur que l'adoption ou la révision du PLU doit être précédée d'une concertation associant les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées et que le conseil municipal doit, avant que ne soit engagée cette concertation, délibérer sur les objectifs poursuivis par la commune en projetant d'élaborer ou de réviser ce document d'urbanisme ainsi que sur les modalités de la concertation, l'illégalité de cette délibération ne peut cependant, eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoquée contre la délibération approuvant le PLU. Le requérant ne peut ainsi utilement faire valoir que les modalités de concertation définies par la délibération du 22 avril 2014 prescrivant la révision du PLU n'étaient pas suffisamment précises ni que les objectifs de la procédure étaient insuffisamment définis.

7. Il résulte en deuxième lieu des dispositions de l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme citées au point 3, que la révision du PLU peut s'effectuer selon la procédure dite allégée en l'absence de modification des orientations définies par le PADD. Si le préfet de la Haute-Savoie avait estimé que certaines modifications envisagées ne relevaient pas de cette procédure, la commune de Marin y a renoncé. Il ressort des pièces du dossier que les modifications adoptées par délibération du 3 juin 2015, qui portaient sur la réduction ou la suppression de quelques emplacements réservés, l'institution en zone U de coefficients d'emprise et de biotope, la suppression d'un bâtiment agricole repéré sur le plan de zonage et des modifications très ponctuelles de zonage n'ont pas modifié les orientations définies par le PADD. Par suite, le moyen tiré de ce que les changements décidés ne relevaient pas de la procédure de révision dite allégée doit être écarté.

8. En troisième lieu, les moyens tirés de ce que le projet n'a pas fait l'objet de l'examen conjoint prévu par les dispositions citées au point 3 de l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme et de ce que l'avis ainsi émis ne figurait pas au dossier d'enquête publique manquent en fait.

9. En dernier lieu, si la commune de Marin a renoncé à certaines modifications de zonage initialement envisagées après que le préfet de la Haute-Savoie a indiqué, par courrier du 24 mars 2015, qu'elles ne relevaient pas de la procédure de révision allégée, la modification du projet résultant de ce renoncement procède ainsi de l'enquête publique. Cette modification n'a, par ailleurs, pas été de nature à porter atteinte à l'économie générale du projet dans des conditions qui auraient nécessité la tenue d'une nouvelle enquête publique.

S'agissant du classement de la parcelle en litige :

10. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 123-7 alors en vigueur du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles dont dites "zones A". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. ".

11. Il appartient aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par ce plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés à maintenir ou classer en zone agricole, pour les motifs de protection énoncés ci-dessus, un secteur, même équipé, qu'ils entendent soustraire pour l'avenir à l'urbanisation. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

12. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle en litige, éloignée de plus d'une centaine de mètres du centre-bourg de Marin, est séparée par le chemin de la Colombière des quelques constructions éparses les plus proches et se situe au sein d'un vaste secteur composé de prairies arborées, qui est classé en zone agricole. Le classement de ce terrain en zone agricole répond à l'objectif des auteurs du PLU, exposé dans le PADD, de préserver dans un premier temps les espaces agricoles en limite amont du chef-lieu, et permet de réaliser l'urbanisation en priorité à l'intérieur de l'enveloppe urbaine des villages comme le préconise le schéma de cohérence territoriale du Chablais. Dans ces conditions, et alors que les intimées ne peuvent utilement se prévaloir du classement précédent de leur parcelle, ni de ce qu'elle serait desservie par les réseaux dès lors que les dispositions citées au point 10 ne font pas obstacle au classement en zone agricole de secteurs équipés, le moyen tiré de ce que son classement en zone A est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

13. Mme E... et autres font valoir, en second lieu, que leur terrain était grevé jusqu'à la délibération du 3 juin 2015 d'un emplacement réservé, qu'elles ont demandé au maire de Marin qu'il soit procédé à son acquisition en faisant usage de leur droit de délaissement, qu'en l'absence de décision, le juge de l'expropriation a été saisi d'une procédure tendant à prononcer le transfert de propriété du terrain et que cette procédure n'a pu aboutir en raison de la modification allégée du PLU adoptée par la délibération du 3 juin 2015. Toutefois, le non-lieu prononcé par le juge de l'expropriation résultait de la suppression de l'emplacement réservé et non du classement en zone agricole du terrain. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que ce classement a été décidé par la commune à la suite des observations émises par le syndicat intercommunal d'aménagement du Chablais lors d'une précédente procédure, selon lesquelles la suppression de l'emplacement réservé sur la parcelle sans modification du zonage était susceptible de permettre une urbanisation incompatible avec les objectifs fixés par le schéma de cohérence territoriale du Chablais. Dans ces conditions et alors que le classement du terrain en zone agricole est fondé au regard de ses caractéristiques, les circonstances dont il est ainsi fait état ne sont pas de nature à établir qu'il aurait été adopté pour des motifs étrangers à toute considération d'urbanisme ni qu'il serait ainsi entaché de détournement de pouvoir.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Marin est fondée à demander, outre l'annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 novembre 2017, le rejet des conclusions de Mme E... et autres devant ce tribunal.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que Mme E... et autres demandent au titre des frais qu'elles ont exposés soit mise à la charge de la commune de Marin, qui n'est pas partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E... et autres la somme que la commune de Marin demande au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 novembre 2017 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande de Mme E... et autres devant le tribunal administratif de Grenoble et le surplus des conclusions des parties en appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Marin et à Mme G...E..., première dénommée, pour l'ensemble des intimées.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2019 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre,

M. Antoine Gille, président-assesseur,

M. Thierry Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 avril 2019.

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N° 17LY04266

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY04266
Date de la décision : 23/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Certificat d'urbanisme.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Pouvoirs du juge - Moyens.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : SELARL ADAMAS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-04-23;17ly04266 ?
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