Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 17 août 2017 par lequel la préfète de la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1702902 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 6 juillet 2018, M. B... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 mars 2018 ;
2°) d'annuler les décisions de la préfète de la Côte-d'Or du 17 août 2017, notifiées le 10 novembre 2017 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Côte-d'Or de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'obtention d'une attestation de demande d'asile consécutivement au rendez-vous en préfecture le 2 octobre 2017 lors duquel a été enregistrée sa demande de réexamen de sa demande d'asile a eu pour effet de faire disparaître la décision l'obligeant à quitter le territoire du 17 août 2017 ; dans une précédente instance, la préfète avait, par un mémoire du 9 octobre 2017, invité le tribunal administratif de Dijon à prononcer un non-lieu à statuer sur sa demande d'annulation de cette même décision, notifiée une première fois le 22 août 2017, au motif qu'il était convoqué pour enregistrer un réexamen de sa demande ; or le tribunal administratif de Dijon a prononcé un non-lieu à statuer par ordonnance n° 1702166 du 27 octobre 2017 ;
- cette décision méconnaît l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation car, même s'il n'a pu déposer effectivement sa demande de réexamen qu'en octobre 2017 du fait des délais d'enregistrement en préfecture qui lui ont été imposés, il a le droit de se maintenir sur le territoire français durant l'instruction de cette nouvelle demande ;
- cette décision est entachée d'un détournement de pouvoir, dés lors qu'elle a été prise juste après le dépôt de sa demande de réexamen ;
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier dès lors que la préfète n'a pas tenu compte des nouveaux éléments déposés à l'appui de sa demande de réexamen ;
- cette décision est insuffisamment motivée, le préfet n'expliquant pas pourquoi il ne prend pas en compte les nouvelles pièces jointes à sa demande de réexamen de sa demande d'asile ;
- cette décision méconnaît son droit à être entendu prévu par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours est entachée d'erreur manifeste d'appréciation puisque qu'il était convoqué le 2 octobre suivant pour déposer sa demande de réexamen ;
- la décision fixant le pays de renvoi viole l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 janvier 2019, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 5 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... relève appel du jugement du 29 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 17 août 2017 par lesquelles la préfète de la Côte-d'Or a constaté que sa demande d'asile était rejetée, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé.
2. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., né le 3 mai 1979 au Nigéria, est entré en France dans des conditions indéterminées en décembre 2013. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 décembre 2016 puis de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 5 mai 2017. M. A... a sollicité le réexamen de sa demande d'asile début août 2017 et a été convoqué en préfecture pour y déposer cette demande le 2 octobre 2017. Entretemps, la préfète de la Côte-d'Or lui a notifié, une première fois le 22 août 2017, ses décisions du 17 août 2017 abrogeant son récépissé de demandeur d'asile, lui faisant obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. M. A... a demandé l'annulation de ces décisions devant le tribunal administratif de Dijon, dont le président a prononcé, par ordonnance n° 1702166 du 17 octobre 2017, un non-lieu à statuer au motif qu'en cours d'instance, la préfecture avait convoqué l'intéressé pour le réexamen de sa demande d'asile. La préfète de la Côte d'Or a, de nouveau, notifié le 10 novembre 2017 à l'intéressé ses décisions du 17 août 2017, après le rejet par l'OFPRA pour irrecevabilité de la demande de réexamen au titre de l'asile par une décision du 17 octobre 2017 notifiée le 7 novembre suivant. Enfin, le tribunal administratif de Dijon a, par le jugement contesté, rejeté la demande d'annulation de ces décisions en estimant que la nouvelle notification de cet arrêté révélait une nouvelle décision dont la légalité devait s'apprécier à la date du 10 novembre 2017.
3. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable. / (...) L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation. Toutefois, ce délai peut être porté à dix jours ouvrés lorsqu'un nombre élevé d'étrangers demandent l'asile simultanément. / (...) Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. / La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 211-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743-2. (...) ". Aux termes de l'article L. 743-4 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Sans préjudice des articles L. 556-1 et L. 743-2, lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une mesure d'éloignement prise en application du livre V, celle-ci, qui n'est pas abrogée par la délivrance de l'attestation prévue à l'article L. 741-1, ne peut être mise à exécution avant la notification de la décision de l'office, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet, d'irrecevabilité ou de clôture, ou, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile contre une décision de rejet, avant la notification de la décision de la cour. ".
4. En premier lieu, il résulte des dispositions citées ci-dessus que la demande de M. A... tendant au réexamen de sa situation au titre de l'asile, présentée en préfecture le 2 octobre 2017, n'a eu pour effet que de suspendre l'exécution de l'arrêté du 17 août 2017 qui lui avait été notifié une première fois le 22 août suivant et que, dans ces conditions, la seconde notification effectuée le 10 novembre 2017 ne révèle pas une nouvelle décision. Il suit de là que le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 17 août 2017 a été abrogé par l'effet du dépôt de sa demande de réexamen en préfecture ni, par suite, que, la préfète de la Côte-d'Or ne pouvait sans méconnaître l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commettre une erreur manifeste d'appréciation et un détournement de pouvoir, prendre une nouvelle mesure d'éloignement à son encontre, dès lors qu'elle s'est bornée à lui notifier de nouveau sa décision du 17 août 2017 après le rejet par l'OFPRA de la demande de réexamen au titre de l'asile comme étant irrecevable.
5. En deuxième lieu, l'arrêté du 17 août 2017 énonce les éléments de fait et de droit propres à la situation de M. A... sur lesquels il se fonde. La circonstance qu'il ne mentionne pas le réexamen de la demande d'asile de l'intéressé, postérieure à la décision attaquée et d'ailleurs rejetée comme irrecevable par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, n'a pas pour conséquence de rendre insuffisante sa motivation ni de l'entacher d'un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé.
6. En troisième lieu, M. A..., qui s'est présenté personnellement en préfecture lors de du dépôt de ses demandes d'asile, a pu présenter les observations qu'il estimait utiles sur sa situation. Dans ces conditions, alors qu'il ne soutient pas qu'il aurait tenté en vain de porter à la connaissance de l'administration des éléments pertinents relatifs à sa situation avant l'intervention de la mesure d'éloignement en litige, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit d'être entendu résultant du principe général du droit de l'Union européenne.
7. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4, la demande de réexamen présentée par M. A... en août 2017 ayant eu pour effet de suspendre l'exécution de l'arrêté du 17 août 2017 portant obligation de quitter le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'OFPRA sur cette nouvelle demande, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir de l'insuffisance du délai de départ volontaire accordé au regard des délais de convocation en préfecture pour l'enregistrement de sa demande de réexamen.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ". Selon le dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
9. M. A... soutient qu'il encourt des risques en cas de retour au Nigéria du fait de ses activités de promotion et de récupération de biens volés et qu'il risque de violentes représailles de la part de groupes mafieux pour avoir aidé des familles à récupérer leur propriétés. Toutefois, même si M. A... apporte des éléments de nature à corroborer le fait qu'il a subi une agression violente au Nigéria, ces éléments ne suffisent pas à établir qu'il serait actuellement exposé dans ce pays à un risque de faire l'objet de traitements contraires aux stipulations citées au point 8.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande sans qu'il soit besoin d'en examiner la recevabilité. Les conclusions de M. A... à fin d'injonction ainsi que celles tendant à ce qu'il soit fait application au bénéfice de son avocat des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2019 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 avril 2019.
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N° 18LY02581
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