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09/04/2019 | FRANCE | N°18LY01358

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 09 avril 2019, 18LY01358


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux demandes distinctes, M. D... G...E...et Mme A...F...C...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 16 janvier 2018 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé.

Par un jugement n° 1800522-1800545 du 12 mars 2018, le tribunal administratif de Grenoble a joint ces deux deman

des, a annulé ces décisions du préfet de la Haute-Savoie du 16 janvier 2018 et a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux demandes distinctes, M. D... G...E...et Mme A...F...C...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 16 janvier 2018 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé.

Par un jugement n° 1800522-1800545 du 12 mars 2018, le tribunal administratif de Grenoble a joint ces deux demandes, a annulé ces décisions du préfet de la Haute-Savoie du 16 janvier 2018 et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me B... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 13 avril 2018, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 mars 2018 ;

2°) de rejeter les demandes de M. E... et de Mme C...devant le tribunal administratif.

Il soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, ses décisions ne méconnaissent pas le 4°) de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que les intéressés ont sollicité le réexamen de leur demande d'asile tardivement sans présenter d'élément nouveau.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 août 2018, M. D... G...E..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il reprend ses moyens de première instance et soutient en outre que :

- il n'y a pas lieu de statuer sur l'obligation de quitter le territoire en litige, le préfet de l'Isère ayant réexaminé sa situation et prononcé à son encontre une nouvelle obligation de quitter le territoire ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu qu'il ne pouvait faire l'objet d'une telle obligation ;

- le préfet a méconnu l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 novembre 2018, Mme A... F... C..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une telle obligation et reprend ses moyens de première instance.

M. E...et Mme C...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 26 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E... et Mme C..., de nationalité angolaise, nés respectivement en 1987 et 1991, ont déclaré être entrés en France en novembre 2015. Leurs demandes d'asile présentées sous une autre identité le 13 janvier 2016 ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 septembre 2016 confirmées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 24 mai 2017. Le 27 juillet 2017, ils ont sollicité, sous leur véritable identité, le réexamen de leur demande. Ces demandes ont été déclarées irrecevables par des décisions de l'OFPRA du 31 juillet 2017. Par les arrêtés en litige du 16 janvier 2018, le préfet de la Haute-Savoie a refusé d'admettre au séjour les intéressés, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office. Par jugement du 12 mars 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions. Le préfet de la Haute-Savoie relève appel de ce jugement.

Sur le non-lieu à statuer en tant que le jugement attaqué concerne M. E... :

2. Pour soutenir qu'il n'y aurait plus lieu de statuer sur la requête du préfet de la Haute-Savoie, M. E... fait état dans son mémoire en défense d'un arrêté du préfet de l'Isère du 10 août 2018 qui statue sur son droit au séjour après le rejet définitif de sa demande de réexamen en matière d'asile par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 27 février 2018. Toutefois, une telle circonstance n'est pas de nature à priver d'objet l'appel du préfet de la Haute-Savoie dirigé contre un jugement qui a annulé une précédente mesure d'éloignement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En vertu de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le demandeur d'asile qui a introduit sa demande auprès de l'OFPRA bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Selon le 4° de l'article L. 743-2 du même code, par dérogation à l'article L. 743-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, notamment lorsque l'étranger n'a introduit une première demande de réexamen de sa situation au regard de l'asile ayant fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité prise par l'OFPRA en application du 3° de l'article L. 723-11, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement. En vertu des dispositions combinées du 3° de cet article L. 723-11 et de l'article L. 723-16 du même code, l'OFPRA peut, en cas de demande de réexamen, prendre une décision d'irrecevabilité écrite et motivée, sans vérifier si les conditions d'octroi de l'asile sont réunies lorsque, à l'issue d'un examen préliminaire, il conclut que les faits ou éléments nouveaux dont le demandeur fait état n'augmentent pas de manière significative la probabilité qu'il justifie des conditions requises pour prétendre à une protection.

4. Il ressort des pièces du dossier que les demandes de M. E... et de Mme C... tendant au réexamen de leur situation au titre de l'asile ont été déclarées irrecevables le 31 juillet 2017 par l'OFPRA, qui a relevé que les intéressés n'apportaient aucun élément nouveau et sérieux à l'appui de ces demandes. Les intéressés n'ont fait valoir, ni devant le tribunal administratif ni devant la cour, aucun élément de nature à établir que leurs demandes de réexamen ne pouvaient être regardées comme n'ayant été présentées qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement. Le préfet de la Haute-Savoie est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler les décisions en litige, le premier juge s'est fondé sur le fait qu'il avait fait une inexacte application des dispositions du 4° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, moyen qui n'était d'ailleurs pas soulevé.

5. Considérant qu'il y a lieu, au titre de l'effet dévolutif, d'examiner les autres moyens des demandeurs.

Sur les autres moyens :

6. En premier lieu, les arrêtés en litige, qui énoncent les éléments de droit et de fait propres à la situation respective de M. E... et de Mme C... sur lesquels ils se fondent, sont suffisamment motivés.

7. En deuxième lieu, il ressort des motifs de ses arrêtés que le préfet, pour prononcer les obligations de quitter le territoire français en litige, s'est borné à tirer les conséquences du rejet des demandes d'asile des intéressés et de l'irrecevabilité de leurs demandes de réexamen, sans se prononcer sur une demande de titre de séjour présentée sur un autre fondement, même s'il a recherché si la situation des demandeurs, notamment sur le plan familial, était de nature à faire obstacle à une mesure d'éloignement. Dès lors, le moyen selon lequel ces obligations de quitter le territoire français ne pouvaient être légalement fondées sur le 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant de prendre une telle mesure à l'encontre d'un demandeur d'asile qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". M. E... et Mme C..., entrés irrégulièrement en France en novembre 2015 accompagnés de leur enfant mineur, respectivement à l'âge de vingt-huit et de vingt-quatre ans, ne justifient d'aucune insertion particulière dans la société française ni d'aucune attache familiale en France. Eu égard à la durée et aux conditions de leur séjour en France, ils ne sont pas fondés à soutenir que les décisions en litige portent à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux objectifs qu'elles poursuivent. Pour les mêmes motifs, ils ne sont pas davantage fondés à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement les concernant sur leur situation personnelle.

9. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". M. E... soutient que, bien que séparé de Mme C... depuis mars 2018, il souhaite faire valoir ses droits auprès de leur fille et garder le contact avec cette dernière. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, suite au rejet de sa demande d'asile, Mme C... ne dispose d'aucun droit au séjour en France, à l'instar de M. E..., et que rien n'empêche les intéressés d'élever leur enfant en Angola selon les modalités qu'ils définiront. Dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire prise à l'encontre de M. E... ne peut être regardée comme portant atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé ses arrêtés du 16 janvier 2018 prononçant des obligations de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à l'encontre de M. E... et de Mme C... et désignant le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes dont M. E... et Mme C... demandent le versement au bénéfice de leur avocat au titre des frais qu'ils ont exposés soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 12 mars 2018 est annulé.

Article 2 : Les demandes de M. E... et de Mme C... devant le tribunal administratif de Grenoble ainsi que leurs conclusions en appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... G...E..., à Mme A...F... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2019 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre,

M. Antoine Gille, président-assesseur,

Mme Christine Psilakis, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 avril 2019.

La République mande et ordonne au ministre l'intérieur et au préfet de la Haute-Savoie en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 18LY01358


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01358
Date de la décision : 09/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-04-09;18ly01358 ?
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