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02/04/2019 | FRANCE | N°18LY01557

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 02 avril 2019, 18LY01557


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 24 février 2016 par laquelle le conseil municipal de la commune de La Bâtie-Rolland a adopté la déclaration de projet d'extension des installations de la société Top Semence valant mise en compatibilité du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune.

Par un jugement n° 1602309 du 28 février 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la co

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Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 avril 2018, 24 octobre 2018 et 20 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 24 février 2016 par laquelle le conseil municipal de la commune de La Bâtie-Rolland a adopté la déclaration de projet d'extension des installations de la société Top Semence valant mise en compatibilité du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune.

Par un jugement n° 1602309 du 28 février 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 avril 2018, 24 octobre 2018 et 20 décembre 2018, M. B... A..., représenté par la SELARL Lelong et Pollard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 février 2018 ;

2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de la commune de La Bâtie-Rolland du 24 février 2016 ;

3°) de mettre une somme de 3 500 euros à la charge de la commune de La Bâtie-Rolland au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il justifie de son intérêt pour agir en première instance, qu'il conserve en appel puisqu'il était partie au jugement ;

- en application de l'article R. 123-23-2 du code de l'urbanisme, il appartenait au maire et non au conseil municipal d'initier la procédure ;

- la délibération du 25 mars 2015 ne prévoit pas de concertation ou de réunion avec les personnes publiques associées, qui n'ont pas examiné le projet préalablement à l'enquête publique ;

- l'article R. 123-23-2 du code de l'urbanisme, repris à l'article R. 153-16 est méconnu en ce que la transmission du dossier complet au conseil municipal n'a pas été faite ;

- le projet n'a pas été débattu lors de la réunion du 24 février 2016, avant d'être approuvé par le conseil municipal ;

- le caractère d'intérêt général du projet, au regard tant de la viabilité économique de l'entreprise que de la réduction du trafic routier, ou de la création d'emplois n'est pas établi ; les atteintes à l'environnement doivent être appréciées au regard de l'état du site avant réalisation des installations implantées illégalement, de l'atteinte que le projet représente pour le voisinage compte tenu des nuisances générées ainsi que des risques pour la sécurité qui ont mal été appréciés ;

- la délibération attaquée procède d'un détournement de procédure en ce qu'elle vise à permettre la modification rapide d'une règle d'urbanisme pour permettre la régularisation d'une activité illégale.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 septembre 2018 et un mémoire enregistré le 10 janvier 2019 qui n'a pas été communiqué, la commune de La Bâtie-Rolland, représentée par la SELARL Conseil Affaires Publiques, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- faute pour le requérant de démontrer sa qualité de propriétaire voisin du terrain d'assiette du projet, la demande de première instance était irrecevable ;

- le requérant va perdre en tout état de cause cette qualité en raison de la vente de sa propriété et n'aura donc plus intérêt à faire appel du jugement ;

- les moyens soulevés sont infondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 décembre 2018 et un mémoire enregistré le 3 janvier 2019 qui n'a pas été communiqué, la société Top Semence, représentée par la SELARL Cabinet SébastienC..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le requérant ne justifie pas d'un intérêt pour agir au regard des conséquences de la déclaration de projet sur sa situation et il a, par ailleurs, désormais cédé son habitation ;

- les moyens que le requérant dirige contre la délibération du 25 mars 2015 sont inopérants à l'encontre de la délibération approuvant la mise en compatibilité du PLU ;

- ces moyens, de même que les autres moyens soulevés, sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;

- et les observations de Me C... pour la société Top Semence ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... relève appel du jugement du 28 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 24 février 2016 par laquelle le conseil municipal de la commune de La Bâtie-Rolland a adopté la déclaration de projet d'extension des installations de la société Top Semence valant mise en compatibilité du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune.

Sur la légalité de la délibération du 24 février 2016 :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

2. En premier lieu, aucune disposition du code de l'urbanisme ne subordonne la régularité de la procédure de mise en compatibilité d'un PLU à l'intervention préalable d'une délibération du conseil municipal lorsqu'une opération faisant l'objet d'une déclaration de projet en application de l'article L. 300-6 de ce code n'est pas compatible avec un PLU et ne requiert pas une déclaration d'utilité publique.

3. Alors même que le conseil municipal de La Bâtie-Rolland, qui n'était pas tenu de le faire, a décidé par une délibération du 25 mars 2015 de prescrire la déclaration de projet et la mise en compatibilité du PLU, il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que l'engagement de la procédure est intervenu à l'initiative du maire, lequel a en outre assisté à la réunion d'examen conjoint avec les personnes publiques associées du 29 mai 2015 et a soumis ce projet à enquête publique par un arrêté du 12 octobre 2015. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient M. A..., le maire de La Bâtie-Rolland a bien mené la procédure de mise en compatibilité, conformément aux dispositions alors en vigueur de l'article R. 123-23-2 du code de l'urbanisme, reprises aujourd'hui sur ce point à l'article R. 153-16 du même code.

4. En deuxième lieu, la concertation préalable ne s'applique, en vertu de l'article L. 103-2 du code de l'urbanisme, reprenant les dispositions de l'ancien article L. 300-2 du même code, qu'aux procédures d'élaboration ou de révision du PLU. Une concertation a néanmoins été prévue, contrairement à ce que soutient M. A.... Il n'est pas soutenu par le requérant que les modalités de la concertation prévues par la délibération du 25 mars 2015, n'auraient pas été respectées et il n'est pas démontré en quoi la concertation aurait été organisée de manière irrégulière.

5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment du compte rendu de la réunion qui a eu lieu le 29 mai 2015, que le projet a fait l'objet d'un examen conjoint avec les personnes publiques associées, conformément aux dispositions alors applicables du I de l'article L. 123-14-2 du code de l'urbanisme, dont la teneur est aujourd'hui reprise au 2° de l'article L. 153-54 du même code, et que ces personnes ont pu prendre connaissance du dossier en amont de la réunion.

6. En quatrième lieu, alors qu'aucune disposition du code de l'urbanisme et notamment pas l'article R. 153-16 du code de l'urbanisme applicable à la date d'approbation de la délibération attaquée et reprenant les dispositions antérieures de l'article R. 123-23-2 du même code, n'impose la tenue d'un débat au sein du conseil municipal préalablement à la délibération approuvant une déclaration de projet et valant mise en compatibilité du PLU, il ressort des termes mêmes de la délibération attaquée que les conseillers municipaux l'ont approuvée après avoir pris connaissance des observations du public et des résultats de l'enquête, du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur ainsi que du procès-verbal de la réunion d'examen conjoint, conformément à ces dispositions. Il n'est pas démontré que les élus municipaux, à qui il était au demeurant loisible de solliciter toute précision ou explication complémentaire, n'auraient pu disposer du dossier complet de mise en compatibilité du PLU et d'une information adéquate pour pouvoir exercer utilement leur mandat.

En ce qui concerne la légalité interne :

7. Aux termes de l'article L. 300-6 du code de l'urbanisme : " (...) les collectivités territoriales (...) peuvent, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, se prononcer, par une déclaration de projet, sur l'intérêt général d'une action ou d'une opération d'aménagement au sens du présent livre ou de la réalisation d'un programme de construction (...) ". Aux termes de l'article L. 153-54 du même code reprenant les dispositions antérieures de l'article L. 123-14 : " Une opération faisant l'objet (...) si une déclaration d'utilité publique n'est pas requise, d'une déclaration de projet, et qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan local d'urbanisme ne peut intervenir que si : / 1° L'enquête publique concernant cette opération a porté à la fois sur l'utilité publique ou l'intérêt général de l'opération et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence (...) ".

8. Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité compétente d'établir, de manière précise et circonstanciée, sous l'entier contrôle du juge, l'intérêt général qui s'attache à la réalisation de l'opération constituant l'objet de la mise en compatibilité du PLU, au regard notamment des objectifs économiques, sociaux et urbanistiques poursuivis par la collectivité publique intéressée.

9. Il ressort des pièces du dossier que le projet concerne l'extension des installations de la société Top Semence, implantée depuis 1949 sur le territoire de la commune de La Bâtie-Rolland, sur des terrains classés en zone naturelle en considération de la présence d'un corridor écologique et d'une ZNIEFF de type 1 correspondant au cours du Jabron, rendant ainsi nécessaire une mise en compatibilité du PLU.

10. Le projet d'extension porte sur la création de bâtiments de stockage supplémentaires des productions, devenus indispensables compte tenu des volumes de traitement de l'entreprise, et la construction de bâtiments dédiés à la production de semences de mais doux. Alors même que la société Top Semence aurait la possibilité d'implanter une zone de stockage dans la zone industrielle de la commune située à proximité ou sur d'autres terrains lui appartenant, l'extension in situ constitue pour l'entreprise un enjeu fondamental, compte tenu des surcoûts importants que généreraient des lieux de stockage et de séchage éloignés de son centre de production, qui entraîneraient par ailleurs une augmentation du trafic par un allongement des distances de transport. Si les nouveaux emplois susceptibles d'être créés du fait de l'extension n'ont pas été chiffrés, il n'est pas contesté que l'entreprise, dont l'activité représente environ une centaine d'emplois pour une commune de neuf cents habitants, est l'un des employeurs principaux de la commune et constitue un acteur majeur de la filière agricole et industrielle dans le département de la Drôme et les départements voisins. Le projet, qui est situé en dehors de la ZNIEFF mentionnée au point 9 et ne coupe aucune continuité écologique, a été dispensé, notamment pour ces motifs, d'évaluation environnementale dans le cadre d'un examen au cas par cas par une décision du directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) Rhône-Alpes du 26 mai 2015. L'extension projetée n'affecte en elle-même qu'un nombre très limité d'habitations et les nuisances supplémentaires pour le voisinage qui peuvent résulter du fonctionnement de l'entreprise, que le merlon déjà édifié sur site a pour objet d'atténuer, relèvent en tout état de cause de la législation des installations classées applicable aux activités de la société Top Semence. Dans ces conditions, en dépit des conclusions défavorables du commissaire enquêteur, ni les atteintes portées à l'environnement que suggère le requérant au regard de l'état du site avant réalisation des installations implantées illégalement, sans démontrer les risques particuliers pour la sécurité et pour la pollution des eaux qu'il impute à l'extension des installations de la société Top Semence, ni les nuisances supplémentaires pour le voisinage générées par le projet, ne peuvent être regardées comme excédant l'intérêt que l'opération présente pour le maintien et l'extension d'une activité économique d'une particulière importance pour la commune, ni, par suite, à lui retirer son caractère d'intérêt général.

11. Le projet étant justifié par des motifs d'un intérêt général, le détournement de procédure ou de pouvoir allégué n'est pas établi.

12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance et à la requête d'appel, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. A... demande au titre des frais qu'il a exposés soit mise à la charge de la commune de La Bâtie-Rolland, qui n'est pas partie perdante. Il y lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge du requérant le versement, au titre des frais exposés par la commune de La Bâtie-Rolland, d'une part, et par la société Top Semence, d'autre part, une somme de 1 500 euros chacune.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à la commune de La Batie Rolland et à la société Top Semence une somme de 1 500 euros, chacune, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la commune de La Bâtie-Rolland et à la société Top Semence.

Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2019 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre,

M. Antoine Gille, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 avril 2019.

La République mande et ordonne au préfet de la Drôme en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 18LY01557

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01557
Date de la décision : 02/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01-01-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU). Légalité des plans. Modification et révision des plans.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : SENEGAS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-04-02;18ly01557 ?
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