La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/02/2019 | FRANCE | N°18LY02158

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 12 février 2019, 18LY02158


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2018 par lequel la préfète de la Côte-d'Or ne l'a pas autorisé à résider en France au titre de l'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé en cas d'éloignement forcé.

Par un jugement n° 1800354 du 3 mai 2018, le tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté en tant qu'il oblige M. B... à quit

ter le territoire français dans le délai de trente jours et fixe le pays de renvoi.

Procédu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2018 par lequel la préfète de la Côte-d'Or ne l'a pas autorisé à résider en France au titre de l'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé en cas d'éloignement forcé.

Par un jugement n° 1800354 du 3 mai 2018, le tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté en tant qu'il oblige M. B... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixe le pays de renvoi.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 juin 2018, la préfète de la Côte-d'Or, représentée par la SELARL Claisse et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 mai 2018 du tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a annulé partiellement son arrêté du 10 janvier 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal administratif de Dijon ;

Elle soutient que :

- l'application "Télémofpra" fait foi jusqu'à preuve du contraire s'agissant de la date de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, ainsi que le prévoit l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle n'avait donc pas à produire l'accusé de réception de la décision de l'OFPRA ou, le cas échéant, de la CNDA ;

- les moyens de l'intéressé devant les premiers juges doivent être écartés pour les motifs déjà exposés en première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2018, M. B..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande :

1°) qu'il soit enjoint à la préfète de la Côte-d'Or, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation sous quinze jours et de lui délivrer un récépissé sous quarante-huit heures ;

2°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 300 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que :

- la requête de la préfète est tardive et donc irrecevable ;

- la préfète n'établit pas que la décision de la Cour nationale du droit d'asile lui a été notifiée ;

- le refus du titre de séjour sollicité viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il doit être régularisé sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant les obligations qu'il doit respecter avant son départ doit être annulée car ces obligations sont disproportionnées au regard du but poursuivi ;

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 29 août 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né en 1992, de nationalité albanaise, est entré en France le 14 septembre 2016 et a sollicité la reconnaissance de la qualité de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 28 avril 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 30 août 2017. Par un arrêté du 10 janvier 2018, la préfète de la Côte d'Or ne l'a pas autorisé à résider en France au titre de l'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office. Par un jugement du 3 mai 2018, le tribunal administratif de Dijon a, sur la demande de M. B..., annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. La préfète de la Côte-d'Or relève appel de ce jugement dans cette mesure.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative applicable au contentieux des obligations de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée. ". Il ressort des pièces du dossier que la préfète de la Côte-d'Or a accusé réception de la notification du jugement qu'elle attaque le 14 mai 2018. Dès lors M. B... n'est pas fondé à soutenir que cette requête, enregistrée au greffe de la cour le 12 juin 2018, est tardive.

Sur le motif d'annulation retenu par le jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". Selon l'article L. 743-3 du même code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. ". Aux termes du III de l'article R. 723-19 du même code : " La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire. ".

4. La préfète de la Côte-d'Or a produit le relevé des informations de la base de données "Télémofpra" tenue par l'OFPRA et relative à l'état des procédures de demande d'asile, attestant que la décision de la CNDA du 30 août 2017 a été notifiée à M. B... le 20 septembre 2017. L'intéressé n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'exactitude des mentions portées dans cette application informatique, qui font foi jusqu'à preuve du contraire. Dans ces conditions, la préfète de la Côte-d'Or justifie de la notification régulière de la décision de la CNDA à M. B..., antérieurement à la date de la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il en résulte que la préfète de la Côte-d'Or est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté en litige, les premiers juges se sont fondés sur l'absence de justification par l'administration de la notification de la décision de la CNDA.

6. Il y a lieu pour la cour d'examiner, au titre de l'effet dévolutif de l'appel, les autres moyens de M. B....

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, par un arrêté n° 498/SG du 20 juillet 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 21-2017-037 du 20 juillet 2017, la préfète de la Côte-d'Or a donné délégation de signature à M. Serge Bideau, secrétaire général de la préfecture de la Côte-d'Or, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception des déclinatoires de compétence et arrêtés de conflit. Les décisions en litige ne figurent pas au nombre de celles qui sont exclues par cette délégation. Par suite, le moyen selon lequel l'auteur des décisions en litige n'était pas compétent pour les signer, manque en fait.

8. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit aux points 1 et 3, que la demande d'asile de M. B... a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 28 avril 2017, confirmée par la CNDA le 30 août 2017. Si l'intéressé soutient qu'il est arrivé en France régulièrement et qu'il était autorisé à y séjourner trois mois sans visa, cette allégation n'est corroborée par aucune pièce du dossier. Ainsi, la préfète de la Côte-d'Or a pu légalement fonder sa décision sur les dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En troisième lieu, si M. B... soutient que la décision en litige a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant à toute personne un droit au respect de sa vie privée et familiale, l'intéressé est entré récemment en France à l'âge de vingt-quatre ans et sa conjointe fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire du même jour. Dans ces conditions, les moyens selon lesquels l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de M. B... porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux objectifs qu'elle poursuit, doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, cette obligation n'apparaît entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

11. En quatrième lieu, M. B... fait valoir qu'eu égard à sa situation personnelle, c'est à tort que la préfète de la Côte-d'Or ne lui a pas accordé un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, que, ce faisant, elle n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait demandé son admission au séjour sur le fondement de ces dispositions.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ". Si M. B... soutient qu'il serait exposé à des risques en cas de retour en Albanie du fait de sa relation avec une femme de confession religieuse différente, il ne produit toutefois aucun élément probant permettant d'établir la gravité et la réalité de risques auxquels il allègue être exposé en cas de retour dans ce pays. Dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées doit être écarté.

En ce qui concerne les obligations de présentation au commissariat avant l'expiration du délai de départ volontaire :

13. Aux termes de l'article L 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé en application du II de l'article L. 511-1 peut, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. (...) ".

14. D'une part, eu égard à ce qui a été dit aux points 7 à 11, M. B... n'est pas fondé à exciper à l'encontre de la décision l'astreignant à se présenter une fois par semaine au commissariat de police pour justifier des préparatifs de son départ, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. D'autre part, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté dès lors que la motivation de la décision en litige se confond avec celle de la décision portant obligation de quitter le territoire, qui est suffisamment motivée. Enfin, le moyen tiré de ce que les astreintes prononcées sont disproportionnées par rapport au but poursuivi n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Côte-d'Or est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé ses décisions du 10 janvier 2018 portant obligation pour M. B... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignation du pays de renvoi. Elle est dès lors fondée à demander l'annulation de ce jugement dans cette mesure et le rejet des conclusions de la demande de M. B... auxquelles ce jugement a fait droit. Les conclusions de M. B... tendant à ce que des injonctions soient adressées sous astreinte à l'autorité administrative et à ce qu'il soit fait application au bénéfice de son avocat des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Dijon du 3 mai 2018 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. B... auxquelles le tribunal administratif de Dijon a fait droit et les conclusions que M. B... présente en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... B....

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre,

M. Antoine Gille, président-assesseur,

Mme Christine Psilakis, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 février 2019.

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et au préfet de la Côte-d'Or en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 18LY02158

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02158
Date de la décision : 12/02/2019
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : FYOT

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-12;18ly02158 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award