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12/02/2019 | FRANCE | N°18LY01769

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 12 février 2019, 18LY01769


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux demandes distinctes, M. A... C... et Mme B... D...épouse C..., ont chacun demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 8 février 2018 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie a refusé de les admettre au séjour au titre de l'asile, les a obligés à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1801531-1801535 du 13 avril 2018, le magistrat désigné

par le président du tribunal administratif de Grenoble, a joint ces demandes et les a re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux demandes distinctes, M. A... C... et Mme B... D...épouse C..., ont chacun demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 8 février 2018 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie a refusé de les admettre au séjour au titre de l'asile, les a obligés à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1801531-1801535 du 13 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble, a joint ces demandes et les a rejetées.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 mai 2018, M. A... C... et Mme B... D...épouse C..., représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 avril 2018 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Haute-Savoie du 8 février 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de réexaminer leur situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- leur demande n'était pas tardive, contrairement à qu'a retenu le premier juge ;

- contrairement aux mentions portées par le préfet dans ses arrêtés, la Cour nationale du droit d'asile a été saisie de recours contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

- les arrêtés attaqués méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- ces arrêtés méconnaissent l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. et Mme C...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 12 juin 2018.

La requête a été communiquée au préfet, qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. Par deux arrêtés du 8 février 2018, pris sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Haute-Savoie a refusé d'admettre M. C... et Mme D...épouseC..., ressortissants macédoniens nés respectivement en 1980 et 1983, au séjour au titre de l'asile, les a obligés à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 13 avril 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tenant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auquel renvoie l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°,2°,4°ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose d'un délai de départ volontaire mentionné au II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant (...) ".

3. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a constaté que les arrêtés en litige du 8 février 2018 avaient été notifiés aux requérants le 22 février 2018 et que le délai de recours de quinze jours prévu par les dispositions citées au point précédent n'était susceptible d'aucune prorogation, de sorte que leurs demandes d'annulation, enregistrées au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2018, étaient tardives.

4. Il ressort toutefois des pièces du dossier que si les avis de réception des plis contenant les arrêté contestés portent comme date de présentation le 22 février 2016, ils n'indiquent ni la date de distribution ni la date éventuelle de réexpédition du pli. Les requérants ont produit le résultat d'une recherche de La Poste concernant ces avis de réception attestant que les plis ont été distribués le 27 février 2018, date à laquelle a commencé à courir le délai de quinze jours. Dès lors, contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, les demandes de M. et Mme C... tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Haute-Savoie du 8 février 2018, n'étaient pas tardives.

5. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Grenoble.

Sur la légalité des arrêtés du préfet de la Haute-Savoie du 8 février 2018 :

En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, pour prendre à l'encontre de M. et Mme C... les mesures d'éloignement en litige sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Haute-Savoie a relevé que leurs demandes d'asile, traitées en procédure accélérée, ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 24 août 2017 et que les intéressés n'ont pas introduit de recours devant la Cour nationale du droit d'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification de ces décisions. La seule circonstance dont se prévalent les requérants, tirée de ce que la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à leur demande d'aide juridictionnelle le 22 septembre 2017, ne suffit pas à établir que les arrêtés du préfet de la Haute-Savoie du 8 février 2018 seraient fondés sur des faits matériellement inexacts, alors que le relevé d'information figurant dans l'application informatique "Télémofpra" dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, ne mentionne pas l'enregistrement de recours devant la Cour nationale du droit d'asile.

8. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. (...). Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que les requérants sont entrés récemment en France et n'ont été autorisés à y résider qu'en raison des démarches qu'ils ont accomplies en vue d'obtenir le statut de réfugié. Rien ne fait obstacle à ce qu'ils poursuivent leur vie privée et familiale hors de France avec leurs trois enfants mineurs, qui ont vocation à les accompagner, et dont il n'est pas établi qu'ils ne pourraient poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, les décisions obligeant les époux C...à quitter le territoire français ne méconnaissent ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de renvoi :

10. M. et Mme C..., dont les demandes d'asile ont été définitivement rejetées, ainsi qu'il a été dit au point 7, n'apportent aucun élément de nature à établir la réalité et l'actualité des risques de persécution auxquels ils allèguent être exposés en cas de retour en République de Macédoine. Par suite, leur moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme aux termes duquel " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du 8 février 2018 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie a refusé de les admettre au séjour au titre de l'asile, les a obligés à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai. Il s'ensuit que leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 13 avril 2018 est annulé.

Article 2 : La demande de M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Grenoble et le surplus de leurs conclusions en appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme B... D... épouse C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre,

M. Antoine Gille, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 février 2019.

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et au préfet de la Haute-Savoie en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 18LY01769

fp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01769
Date de la décision : 12/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : DJINDEREDJIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-12;18ly01769 ?
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