La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/02/2019 | FRANCE | N°17LY02219

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 12 février 2019, 17LY02219


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 31 mars 2014 par lequel le maire de la commune de Courtenay a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison d'habitation.

Par un jugement n° 1405823 du 6 avril 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce refus de permis de construire et a mis à la charge de la commune de Courtenay le versement à Mme B... d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 juin 2017, la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 31 mars 2014 par lequel le maire de la commune de Courtenay a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison d'habitation.

Par un jugement n° 1405823 du 6 avril 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce refus de permis de construire et a mis à la charge de la commune de Courtenay le versement à Mme B... d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 juin 2017, la commune de Courtenay, représentée par la SELARL Concorde avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 avril 2017 ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que l'arrêté du 31 mars 2014 par lequel le maire a refusé de délivrer un permis de construire à Mme B... valait retrait d'un permis tacitement accordé et que, faute pour la commune d'avoir suivi la procédure contradictoire prescrite par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, ce retrait était illégal ;

- le refus de permis de construire du 31 mars 2014 est suffisamment motivé ;

- le motif fondé sur la méconnaissance par le projet des dispositions de l'article UB 11 du règlement du plan d'occupation des sols (POS) de la commune et de celles de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme auxquels cet article UB 11 renvoie, est fondé ;

- à titre subsidiaire, il y aurait lieu de substituer aux motifs du refus en litige un motif fondé sur l'absence au dossier de demande de pièce permettant au service instructeur de s'assurer de la conformité du dispositif d'assainissement individuel pour l'application des articles R. 431-16 du code de l'urbanisme et UB 4 du règlement du POS.

Par un mémoire enregistré le 26 juillet 2018, Mme D... B..., représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Courtenay au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle était bien titulaire d'un permis de construire tacitement délivré par la commune et que ce permis à été retiré à l'issue d'une procédure irrégulière ;

- à titre subsidiaire, le motif tiré de la méconnaissance de l'article UB 11 du règlement du POS n'est pas fondé ;

- le motif selon lequel le dossier de demande ne comportait pas d'attestation relative à la conformité du dispositif d'assainissement autonome que la commune propose de substituer au motif de l'arrêté de refus, n'est pas fondé.

La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 31 août 2018 par ordonnance du 27 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,

- et les observations de Me C... pour la commune de Courtenay, ainsi que celles de Me A... pour Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a déposé, le 23 septembre 2010, une demande de permis de construire une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section AB n° 172 au lieudit Poleyrieux dans la commune de Courtenay. Compte tenu de l'élaboration en cours du plan local d'urbanisme (PLU) prescrite par délibération du 23 mai 2003, le maire de Courtenay a opposé à cette demande un sursis à statuer par décision du 22 octobre 2010. Le recours formé contre cette décision a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 mai 2013, confirmé par un arrêt de la cour administrative de Lyon du 25 février 2014. Mme B... a confirmé une première fois sa demande le 30 octobre 2012, et un nouveau sursis à statuer d'une durée d'un an lui a été opposé par décision du maire de Courtenay du 31 décembre 2012. Par courrier du 25 janvier 2014, Mme B... a de nouveau confirmé sa demande de permis de construire. Par arrêté du 31 mars 2014, le maire de Courtenay a rejeté cette dernière demande. La commune de Courtenay relève appel du jugement du 6 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce refus de permis de construire du 31 mars 2014.

Sur la légalité du refus de permis de construire du 31 mars 2014 :

2. Pour annuler le refus de permis de construire en litige, le tribunal administratif de Grenoble a estimé que ce refus vaut retrait d'un permis tacite et que ce retrait est illégal faute pour le maire d'avoir mis en oeuvre la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 123-6 alors en vigueur du code de l'urbanisme : " A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 111-8, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan. ". Aux termes de l'article L. 111-8 alors en vigueur du même code : " Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans. / (...) / A l'expiration du délai de validité du sursis à statuer, une décision doit, sur simple confirmation par l'intéressé de sa demande, être prise par l'autorité compétente chargée de la délivrance de l'autorisation, dans le délai de deux mois suivant cette confirmation. Cette confirmation peut intervenir au plus tard deux mois après l'expiration du délai de validité du sursis à statuer. Une décision définitive doit alors être prise par l'autorité compétente pour la délivrance de l'autorisation, dans un délai de deux mois suivant cette confirmation. A défaut de notification de la décision dans ce dernier délai, l'autorisation est considérée comme accordée dans les termes où elle avait été demandée. ". Aux termes de l'article R. 424-9 du même code : " En cas de sursis à statuer, la décision indique en outre la durée du sursis et le délai dans lequel le demandeur pourra, en application du quatrième alinéa de l'article L. 111-8, confirmer sa demande. / En l'absence d'une telle indication, aucun délai n'est opposable au demandeur. "

4. D'une part, eu égard à son objet, une décision de sursis à statuer prise sur le fondement de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme cesse de produire ses effets, quelle que soit la durée du sursis qu'elle indique, à la date où le PLU dont l'élaboration ou la révision l'avait justifiée est adopté. D'autre part, dans l'hypothèse où le PLU dont l'élaboration ou la révision avait justifié la décision de sursis à statuer n'est pas adopté avant l'expiration du délai de validité du sursis, il résulte des dispositions citées au point précédent que, dès lors que la décision de sursis indiquait la durée du sursis et le délai dans lequel le demandeur pouvait confirmer sa demande, ce dernier dispose d'un délai de deux mois à compter de l'expiration du délai de validité du sursis pour confirmer sa demande. Dans le cas où le PLU dont l'élaboration ou la révision avait justifié la décision de sursis à statuer est adopté avant l'expiration du délai indiqué par la décision de sursis, le demandeur dispose, pour confirmer sa demande, d'un délai qui court à compter de la date de l'adoption du PLU et s'achève deux mois après l'expiration du délai qui lui avait été indiqué.

5. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le nouveau PLU de la commune de Courtenay, dont l'élaboration avait justifié la décision de sursis à statuer du 31 décembre 2012, avait été adopté à la date de la décision en litige. Par ailleurs, la décision du 31 décembre 2012 indique que le sursis est prononcé pour un an et qu'au plus tard deux mois après l'expiration de ce délai le pétitionnaire pourra confirmer le maintien de sa demande. Il résulte ainsi de l'application des dispositions citées au point 3 que Mme B...disposait d'un délai de deux mois à compter du 31 décembre 2013 pour confirmer sa demande de permis de construire, soit jusqu'au 28 février 2014.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a confirmé sa demande de permis de construire par un courrier daté du 25 janvier 2014, reçu en mairie de le 1er février suivant. Le maire de Courtenay disposait donc à compter de cette date d'un délai de deux mois pour statuer sur la demande de l'intéressée en application des dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'urbanisme citées au point 3. Aucune décision explicite n'ayant été notifiée à l'échéance de ce délai, soit le 1er avril 2014, Mme B... s'est trouvée bénéficiaire, à cette dernière date, d'un permis de construire tacite. Dans ces conditions, le refus opposé par arrêté du maire de Courtenay du 31 mars 2014 notifié le mercredi 2 avril 2014 vaut retrait de ce permis de construire tacite.

7. En second lieu, aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 alors en vigueur, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales.(...) ". Et aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...) ".

8. Une décision de retrait, qui est au nombre des décisions qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, doit être précédée de la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi du 24 avril 2000. Le respect du caractère contradictoire de la procédure prévue par ces dispositions constitue une garantie pour le titulaire du permis que l'autorité administrative entend rapporter. Dans ces conditions, à défaut d'avoir été précédé d'une telle procédure, l'arrêté du 31 mars 2014 valant retrait du permis de construire tacite obtenu par Mme B... est entaché d'illégalité.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune de Courtenay n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la commune de Courtenay demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Courtenay le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B....

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Courtenay est rejetée.

Article 2 : La commune de Courtenay versera à Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Courtenay et à Mme D... B....

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre ;

M. Antoine Gille, président-assesseur ;

Mme Christine Psilakis, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 février 2019.

La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

1

2

N° 17LY02219

dm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02219
Date de la décision : 12/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Travaux soumis au permis. Présentent ce caractère.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : SELARL CONCORDE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-12;17ly02219 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award