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05/02/2019 | FRANCE | N°18LY02674

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 05 février 2019, 18LY02674


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 29 mai 2018 par lesquelles la préfète de l'Allier lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination duquel il pourrait être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1800970 du 18 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejet

é cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 29 mai 2018 par lesquelles la préfète de l'Allier lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination duquel il pourrait être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1800970 du 18 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 13 juillet et 31 octobre 2018, M. B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 juin 2018 ;

2°) d'annuler les décisions de la préfète de l'Allier du 29 mai 2018 ;

3°) d'enjoindre sous astreinte à la préfète de l'Allier de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée en fait et en droit ;

- cette obligation a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire énoncé par les articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration et 41.2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- cette obligation n'a pas été prise à l'issue d'un examen préalable et sérieux de sa situation personnelle, alors qu'il n'a nullement renoncé à sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- dès lors qu'il remplit des conditions prévues par ce texte lui permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, la préfète était tenue de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

- cette obligation méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée d'illégalité en l'absence de risque de fuite ;

- l'interdiction de retour prononcée à son encontre a été prise sans tenir compte de sa situation personnelle et sans que la préfète ne se soit prononcée sur chacun des critères prévus par l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 octobre 2018, la préfète de l'Allier conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une décision du 25 juillet 2018, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... relève appel du jugement du 18 juin 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 29 mai 2018 par lesquelles la préfète de l'Allier lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination duquel il pourrait être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Sur la légalité des décisions du 29 mai 2018 :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, la décision faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français, prise sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de la motivation, suffisante en l'espèce, de la décision de refus de séjour qui lui a été opposée.

3. En deuxième lieu, il résulte des motifs de son arrêté que la préfète de l'Allier a procédé à un examen particulier de la situation du requérant avant de prescrire son éloignement. M. B... n'est pas fondé à se prévaloir d'un défaut d'examen de sa demande de titre de séjour présentée en raison de son état de santé, à laquelle il a renoncé par un courrier adressé au préfet le 6 mars 2018 qu'il a lui-même rédigé en langue française.

4. En troisième lieu, il ressort des dispositions des articles L. 512-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une telle mesure d'éloignement. Si le requérant fait en outre valoir qu'il n'a pas été informé par la préfète de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est présenté personnellement en préfecture le 6 mars 2018 et a ainsi pu présenter les observations qu'il estimait utiles dans le cadre du réexamen de sa situation prescrit par un jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 19 février 2018. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de son droit d'être entendu, garanti notamment par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

5. Si M. B... excipe de l'illégalité du refus qui a été opposé à sa demande de titre de séjour, le requérant, ainsi qu'il a été dit au point 3, a renoncé à sa demande de carte de séjour temporaire à raison de son état de santé, et la préfète de l'Allier n'était pas tenue de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de lui refuser un titre de séjour en qualité de salarié, aux conditions de délivrance duquel il est constant que le requérant ne répond pas.

6. En cinquième lieu, le requérant est entré en France à l'âge de 45 ans et n'a été autorisé à y résider qu'en raison des démarches qu'il a accomplies en vue d'obtenir le statut de réfugié ou au titre de son état de santé. Rien ne fait obstacle à ce qu'il poursuive sa vie privée et familiale hors de France avec son épouse, qui a également fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Dans ces conditions, la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste commise à cet égard par la préfète de l'Allier dans l'appréciation des conséquences d'un éloignement sur sa situation personnelle doit être écarté.

En ce qui concerne le refus d'accorder un délai de départ volontaire :

7. M. B... s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement du 13 février 2017 qu'il n'a pas exécutée, et se trouvait ainsi dans le cas visé au d) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant, sauf circonstance particulière, de présumer établi le risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement. Alors que le requérant n'invoque aucune circonstance particulière au regard de ces dispositions, le moyen selon lequel la préfète de l'Allier a fait une inexacte application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire doit être écarté.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

8. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (....). La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (....) ".

9. La préfète de l'Allier a, sur le fondement des dispositions citées au point précédent, assorti l'obligation faite au requérant de quitter sans délai le territoire français d'une interdiction de retour sur ce territoire pour une durée de deux ans. Il ressort des pièces du dossier que cette décision a été prise après examen de l'ensemble de la situation de l'intéressé, que rappelle l'arrêté en litige, en tenant compte de la durée de sa présence sur le territoire français, de sa situation familiale et des précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. La menace pour l'ordre public ne figurant pas au nombre des motifs qui justifient sa décision, la préfète de l'Allier n'était pas tenue de le préciser expressément. M. B... n'est ainsi pas fondé à soutenir que la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français en litige a été prise sans examen particulier de sa situation personnelle ou est insuffisamment motivée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d injonction sous astreinte :

11. Le présent arrêt, qui confirme le rejet par le tribunal administratif des conclusions de M. B... dirigées contre les décisions préfectorales du 29 mai 2018, n'appelle aucune mesure d'exécution.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Antoine Gille, président,

M. Thierry Besse, premier conseiller,

Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 février 2019.

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 18LY02674

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02674
Date de la décision : 05/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. GILLE
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : DEGOUD

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-05;18ly02674 ?
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