Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 26 décembre 2016 par lequel le maire de la commune de Mérindol-les-Oliviers a délivré un permis de construire modificatif à Mme C....
Par ordonnance n°1703489 du 27 septembre 2017, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 octobre 2017 et 4 juillet 2018, ainsi qu'un mémoire enregistré le 7 décembre 2018 qui n'a pas été communiqué, M. A... B..., représenté par la société d'avocats Racine, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble du 27 septembre 2017 ;
2°) d'annuler le permis de construire du 26 décembre 2016 ;
3°) de mettre une somme de 3 500 euros à la charge de la commune de Mérindol-les-Oliviers et une somme de 1 500 euros à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il justifie d'un intérêt pour demander l'annulation d'un permis de construire qui autorise le déplacement d'une construction qui donne désormais directement sur le jardin d'agrément de sa propriété et sa piscine et qui affecte ainsi de manière importante les conditions de jouissance de son bien et sa valeur ;
- le dossier de demande de permis de construire modificatif est incomplet ;
- le déplacement autorisé, qui remet en cause la conception générale du projet et ne se borne pas à corriger une erreur sur le plan de masse initial, relevait d'un nouveau permis de construire et non d'un simple modificatif, lequel ne pouvait par ailleurs être accordé pour régulariser une construction réalisée avec une implantation totalement différente de celle autorisée par le permis initial ;
- le permis initial étant caduc, aucun permis modificatif ne pouvait être délivré ;
- le permis en litige est entaché d'erreur manifeste d'appréciation eu égard à l'implantation du projet à proximité immédiate d'une habitation ;
- la légalité du nouveau permis doit être appréciée au regard du PLU approuvé le 29 décembre 2015 qui classe le terrain d'assiette en zone N dans laquelle la construction projetée n'est pas autorisée ;
- le permis de construire est illégal en ce qu'il autorise deux destinations pour un même local ;
- la conception du projet ne correspond pas à la destination déclarée de bâtiment agricole et d'entrepôt mais à une maison d'habitation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2018, Mme E... C..., représentée par la SELARL Demba-Ickowicz, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative.
Elle soutient que les moyens du requérant sont infondés.
Par des mémoires enregistrés les 14 mars et 5 décembre 2018, la commune de Mérindol-les-Oliviers conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge du requérant la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, le requérant ne justifie pas d'un intérêt pour contester le permis de construire modificatif en litige ;
- à titre subsidiaire, les moyens du requérant sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Yves Boucher, président de chambre,
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,
- et les observations de Me D... pour M. B..., ainsi que celles de Me F... pour la commune de Mérindol-les-Oliviers ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler un permis de construire modificatif délivré à Mme C... par arrêté du maire de Mérindol-les-Oliviers du 26 décembre 2016 pour "modifier l'implantation d'un cabanon agricole". Par ordonnance du 27 septembre 2017, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif a rejeté cette demande comme étant manifestement irrecevable au motif que M. B... n'avait pas, en dépit d'une demande de régularisation, apporté d'élément permettant au tribunal d'apprécier en quoi le projet serait de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation et de jouissance de son bien. M. B... relève appel de cette ordonnance.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne (...) n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire (...) que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) ".
3. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat d'un projet de construction justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet.
4. D'autre part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier soumis au premier juge que M. B... est propriétaire d'une maison d'habitation située à proximité immédiate du projet de construction autorisé par le permis de construire qualifié de modificatif dont il demande l'annulation. Il faisait valoir à l'appui de sa demande que ce permis a modifié l'implantation du projet initialement autorisé, portant sur la réalisation d'un bâtiment de deux niveaux, en le rapprochant au plus près de sa propriété et que le projet modifié donne désormais directement sur son habitation et sa piscine. M. B..., voisin immédiat, a ainsi fait état d'éléments suffisants relatifs à la nature, à l'importance et à la localisation du projet pour justifier de son intérêt à demander l'annulation du permis en litige. Il est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le premier juge a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable au motif qu'il n'avait pas justifié de son intérêt pour agir.
6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation du permis de construire du 26 décembre 2016.
Sur la légalité du permis de construire du 26 décembre 2016 :
7. Un permis modificatif ne peut être délivré que si, d'une part, les travaux autorisés par le permis initial ne sont pas achevés, et si, d'autre part, les modifications apportées au projet initial ne peuvent être regardées, par leur nature ou leur ampleur, comme remettant en cause sa conception générale.
8. Le projet en litige a fait l'objet d'une demande du 3 novembre 2016 présentée comme portant sur la modification d'un permis de construire du 21 octobre 2013 en cours de validité. Il ressort des pièces du dossier que cette demande avait pour objet de déplacer de plus de trente mètres vers le sud la construction projetée, laquelle est désignée comme étant un cabanon ou une remise agricole et se présente comme un bâtiment de deux niveaux doté d'ouvertures sur trois de ses façades et d'une emprise au sol d'environ 38 m². Si le fait que la modification apportée à un projet de construction porte sur son implantation ne fait pas, par lui-même, obstacle à ce qu'elle soit autorisée par un permis modificatif, le déplacement pur et simple d'une construction à un nouvel emplacement totalement distinct de l'emplacement initial, situé en l'espèce à plus de trente mètres de celui du projet initial, doit être regardé comme affectant la conception générale du projet et comme faisant ainsi obstacle à ce que le permis autorisant le nouveau projet soit qualifié de permis modificatif. L'implantation initiale du projet, telle que mentionnée sur le plan de masse du premier dossier, ne saurait être regardée comme résultant d'une simple erreur que le permis en litige se bornerait à réparer, alors que seules les indications de ce plan permettent de déterminer précisément l'implantation initialement sollicitée et donc autorisée. Il ne peut dès lors être soutenu que le document graphique d'insertion dans l'environnement, qui ne permet pas d'ailleurs en l'espèce de déterminer l'implantation exacte du projet, établirait l'existence d'une telle erreur.
9. Le permis du 26 décembre 2016 en litige ayant, pour les motifs qui viennent d'être exposés, le caractère d'un nouveau permis de construire, la légalité du projet dans son ensemble doit être appréciée au regard des règles d'urbanisme applicables à la date de sa délivrance. A cette date, le terrain d'assiette du projet était classé en zone N du plan local d'urbanisme de la commune de Mérindol-les-Oliviers approuvé le 29 décembre 2015, dans laquelle ne sont autorisées que les constructions nouvelles nécessaires à l'exploitation forestière ou aux équipements collectifs et services publics. Le maire de Mérindol-les-Oliviers ne pouvait dès lors légalement autoriser le projet de Mme C... qui n'est pas au nombre des constructions autorisées dans cette zone.
10. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, les autres moyens soulevés par M. B... n'apparaissent pas susceptibles, en l'état du dossier soumis à la cour, de fonder l'annulation du permis de construire en litige.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée et celle du permis de construire du 26 décembre 2016.
Sur les frais liés au litige :
12. En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Mérindol-les-Oliviers, d'une part, et de Mme C..., d'autre part, le versement d'une somme de 1 500 euros chacune au titre des frais exposés par M. B.... Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que les sommes que la commune de Mérindol-les-Oliviers et Mme C... demandent au même titre soient mises à la charge de M. B....
DECIDE
Article 1er : L'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble du 27 septembre 2017 et le permis de construire délivré le 26 décembre 2016 à Mme C... par le maire de Mérindol-les-Oliviers sont annulés.
Article 2 : La commune de Mérindol-les-Oliviers et Mme C... verseront chacune à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la commune de Mérindol-les-Oliviers et à Mme E...C....
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Valence.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre ;
M. Antoine Gille, président-assesseur ;
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 janvier 2019.
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N° 17LY03703
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