Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 19 mai 2017 par lequel le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé.
Par un jugement n° 1704287 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 10 janvier 2018, M. A...B..., représenté par Me Bret, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 19 mai 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de lui délivrer un titre de séjour mention "salarié" sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique et de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement en litige ainsi que la décision lui refusant un titre de séjour méconnaissent l'autorité de la chose jugée, s'agissant de l'appréciation portée par le tribunal administratif sur son droit au séjour et notamment, sur l'absence de contacts avec sa famille restée au Mali dans un jugement du 21 février 2017 confirmé par la cour administrative d'appel de Lyon le 21 février 2017 ;
- le préfet, en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour ;
- le refus de titre de séjour et la mesure d'éloignement violent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 5 juin 2018.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 août 2018, le préfet de l'Ardèche conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant du Mali, né le 10 novembre 1997, est entré en France en décembre 2014 à l'âge de dix-sept ans et a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Ardèche. Par décisions du 19 mai 2017, le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé. M. A... relève appel du jugement du 7 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité de l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 19 mai 2017 :
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".
3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire", présentée sur le fondement des dispositions citées au point 2 dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée.
4. Pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour, le préfet de l'Ardèche après avoir relevé que l'intéressé avait été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et avoir pris en compte l'avis favorable de la structure d'accueil portant sur l'insertion de l'intéressé et le déroulement de sa scolarité en France, s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé a au Mali l'ensemble des membres de sa famille, que son récit sur les évènements qui l'ont conduit en France n'est étayé par aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé et qu'il n'établit pas ne plus avoir la possibilité d'avoir des contacts avec les membres de sa famille restés au Mali.
5. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M.A..., qui poursuivait depuis plus de six mois, à la date de la décision en litige, une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle au sein de la cité scolaire Pierre Jaume à Pierrelatte dans le domaine des installations sanitaires, obtient de très bons résultats et fait preuve d'un comportement exemplaire. De même, le rapport d'évaluation de sa situation établi le 9 novembre 2015 par l'éducatrice du département de l'Ardèche chargée de son suivi relève son sérieux, sa motivation et sa bonne maîtrise de la langue française et fait état de ses capacités d'intégration au sein de l'établissement scolaire comme à l'extérieur, notamment au sein de la famille qui l'a accueilli. Dans ces circonstances, et alors que rien dans le dossier ne permet de considérer que M. A..., qui avait quitté le Mali depuis près de deux ans et demi à la date de la décision du préfet, aurait conservé des liens avec les membres de sa famille résidant dans ce pays, le préfet de l'Ardèche, en refusant au requérant la délivrance d'un titre de séjour, a commis une erreur manifeste d'appréciation.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande et à demander l'annulation de ce jugement ainsi que celle de l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 19 mai 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt implique seulement que la situation de M. A..., qui est aujourd'hui âgé de vingt ans, soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me Bret, avocat du requérant, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 décembre 2017 et l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 19 mai 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Ardèche de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me C... Bret une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me C... Bret et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée :
- au préfet de l'Ardèche ;
- au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Privas.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.
2
N° 18LY00123
fp