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20/12/2018 | FRANCE | N°17LY02027

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 20 décembre 2018, 17LY02027


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 17 avril 2017 par lesquelles le préfet de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1703089 du 19 avril 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande

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Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 mai 2017, M. A..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 17 avril 2017 par lesquelles le préfet de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1703089 du 19 avril 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 mai 2017, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 19 avril 2017 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision d'interdiction de retour sur le territoire français durant deux ans ;

2°) d'annuler cette décision d'interdiction de retour ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de procéder à la suppression de son signalement à fin de non-admission dans le système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée faute pour le préfet d'avoir examiné le critère relatif à l'existence d'une menace à l'ordre public ;

- pour le même motif, cette décision est entachée d'une erreur de droit dans l'application des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 30 juin 2017, confirmée sur recours le 27 octobre 2017, le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à M. A....

L'affaire a été dispensée d'instruction en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, par ordonnance du 12 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Yves Boucher, président de chambre ;

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 17 avril 2017, le préfet de l'Ain a fait obligation à M. A..., ressortissant chinois né le 1er janvier 1961, de quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé, lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français durant deux ans et l'a placé en centre de rétention administrative. M. A... a contesté les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus d'accorder un délai de départ volontaire, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire. Par jugement du 19 avril 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision d'interdiction de retour sur le territoire français durant deux ans.

2. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable aux décisions prises à compter du 1er novembre 2016 : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

3. Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de la durée d'une interdiction de retour sur le territoire français accompagnant une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté la durée de l'interdiction prononcée, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit également, si elle entend retenir au nombre des éléments justifiant sa décision le fait que l'intéressé représente une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles sa présence sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme constitutive d'une telle menace. En revanche, si, après avoir examiné ce critère, elle ne le retient pas pour fonder sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

4. En premier lieu, l'arrêté du 17 avril 2017 par lequel le préfet de l'Ain a notamment prononcé une interdiction de retour sur le territoire français durant deux ans à l'encontre de M. A... sur le fondement du premier alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point 2, vise ces dispositions et relève qu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'intéressé pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, qu'il est célibataire et sans charge de famille et n'est pas dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où réside toute sa famille, qu'il travaille illégalement en France et s'y maintient irrégulièrement malgré une précédente mesure d'éloignement du 8 février 2016. Dès lors que le préfet de l'Ain n'a pas retenu au nombre des motifs de sa décision le fait que la présence en France de M. A... représenterait une menace pour l'ordre public, il n'était pas tenu de le préciser expressément. Par suite, l'absence dans l'arrêté en litige de motivation expresse sur le critère relatif à l'existence d'une menace à l'ordre public n'est pas de nature à entacher la décision d'interdiction temporaire de retour d'une insuffisance formelle de motivation ni à caractériser une inexacte application du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En deuxième lieu, M. A... s'est vu refuser tout délai de départ volontaire pour exécuter l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre et ne fait état d'aucune circonstance humanitaire qui aurait pu justifier que l'autorité administrative ne prononçât pas d'interdiction de retour sur le territoire français. Par ailleurs, à supposer même que M. A... puisse être regardé comme justifiant d'une résidence habituelle en France depuis 2005 par les pièces qu'il produit, il est célibataire, sans charge de famille ni attaches particulières en France, où il se maintient irrégulièrement malgré une mesure d'éloignement prise à son encontre le 8 février 2016, travaille sans autorisation, ne dispose pas d'un logement propre et maîtrise mal la langue française. Dans ces conditions, l'interdiction en litige n'apparaît entachée d'aucune erreur d'appréciation quant à sa durée.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. Si M. A... affirme être présent en France depuis 1999, il ne produit des justificatifs d'une résidence habituelle en France qu'à partir de 2005. Au regard de sa situation personnelle telle qu'elle est rappelée au point 5 et alors qu'il se maintient irrégulièrement en France malgré une précédente mesure d'éloignement prise le 8 février 2016, la décision lui interdisant de revenir sur le territoire français pour une période de deux ans ne peut être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts qu'elle poursuit. Ainsi, elle ne méconnaît pas les stipulations citées au point 6.

8. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. A... doit être rejetée, y compris ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais qu'il a exposés.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président ;

M. Antoine Gille, président-assesseur ;

Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;

Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.

1

2

N° 17LY02027

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02027
Date de la décision : 20/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Restrictions apportées au séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Yves BOUCHER
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : SAIDI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-20;17ly02027 ?
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