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04/12/2018 | FRANCE | N°17LY04353

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 04 décembre 2018, 17LY04353


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... a présenté au tribunal administratif de Lyon deux demandes, tendant, pour la première, à l'annulation de l'arrêté du 28 mai 2015 par lequel le maire de la commune de Saint-Pierre-de-Colombier a, au nom de l'Etat, délivré un permis de construire à la Famille missionnaire de Notre-Dame en vue de l'édification d'un établissement recevant du public au lieu-dit Le Village, ainsi que la décision du préfet de l'Ardèche rejetant implicitement son recours hiérarchique et, pour la seconde, à l'annulatio

n de l'arrêté du 23 septembre 2015 par lequel le maire de Saint-Pierre-de-Colo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... a présenté au tribunal administratif de Lyon deux demandes, tendant, pour la première, à l'annulation de l'arrêté du 28 mai 2015 par lequel le maire de la commune de Saint-Pierre-de-Colombier a, au nom de l'Etat, délivré un permis de construire à la Famille missionnaire de Notre-Dame en vue de l'édification d'un établissement recevant du public au lieu-dit Le Village, ainsi que la décision du préfet de l'Ardèche rejetant implicitement son recours hiérarchique et, pour la seconde, à l'annulation de l'arrêté du 23 septembre 2015 par lequel le maire de Saint-Pierre-de-Colombier a délivré un permis de construire modificatif à la Famille missionnaire de Notre-Dame.

Par un jugement n° 1509672-1510141 du 26 octobre 2017, le tribunal administratif de Lyon a joint ces deux demandes et les a rejetées.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 décembre 2017 et 5 juillet 2018, M. D..., représenté par la SELARL Hélios Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 octobre 2017 ;

2°) d'annuler le permis de construire du 28 mai 2015 et son modificatif du 23 septembre 2015, ainsi que la décision rejetant son recours hiérarchique contre le permis de construire initial ;

3°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge solidaire de l'Etat et de la Famille missionnaire de Notre-Dame au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le dossier de permis de construire initial est incomplet au regard de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme, ce qui a trompé le service instructeur sur la hauteur du projet ;

- le permis de construire procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des articles R. 111-22 et R. 111-27 de ce code, faute d'unité d'aspect du projet par rapport aux constructions avoisinantes ;

- la localisation du projet exposera ses occupants à un risque d'inondation, en méconnaissance de l'article R. 111-2 du même code ;

- en l'absence de desserte sécurisée du projet, le permis de construire méconnaît l'article R. 111-5 du même code.

Par un mémoire, enregistré le 5 juin 2018, le ministre de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte aux écritures présentées en première instance par le préfet de l'Ardèche.

Par un mémoire enregistré le 5 juin 2018 et un mémoire enregistré le 7 novembre 2018 qui n'a pas été communiqué, la Famille missionnaire de Notre-Dame, représentée par AdDen Méditerranée, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;

- les observations de Me A... pour M. D..., ainsi que celles de Me B... pour la congrégation Famille missionnaire de Notre-Dame ;

Et après avoir pris connaissance des notes en délibéré présentées respectivement pour M. D... et pour la Famille missionnaire de Notre-Dame, enregistrées le 13 novembre 2018 ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D... relève appel du jugement du 26 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du maire de la commune de Saint-Pierre-de-Colombier des 28 mai 2015 et 23 septembre 2015 délivrant, au nom de l'Etat, un permis de construire et un permis de construire modificatif à la congrégation religieuse de la Famille missionnaire de Notre-Dame, ainsi que la décision du préfet de l'Ardèche rejetant implicitement son recours hiérarchique contre le permis initial.

Sur la présentation et l'instruction de la demande de permis initial :

2. Aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / (...) b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; (...) ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : / (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. ".

3. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

4. Le dossier de permis de construire initial comporte des plans et documents graphiques et photographiques permettant suffisamment de situer le terrain et l'impact du projet dans son environnement paysager, et d'apprécier les caractéristiques du bâtiment projeté, alors même que la maison d'habitation de M. D..., voisine du projet, que la notice du projet architectural évoque spécifiquement, n'apparaît pas sur les photographies du dossier du permis de construire contesté. Il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient M. D..., que les documents photographiques auraient pu induire l'autorité compétente en erreur sur la hauteur du projet par rapport aux constructions avoisinantes et l'empêcher d'exercer son pouvoir d'appréciation en toute connaissance de cause. Le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de demande de permis de construire initial sur ce point doit dès lors être écarté.

Sur la légalité du permis initial au regard du règlement national d'urbanisme :

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

6. Le requérant ne démontre pas, par les pièces versées au dossier, que le terrain d'assiette du projet serait exposé, du fait de sa proximité avec un petit ruisseau, à un risque particulier d'inondation, alors que la direction départementale des territoires de l'Ardèche a rendu un avis favorable au projet au regard de ce risque spécifique. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de la commune de Saint-Pierre-de-Colombier aurait, en autorisant le projet de la Famille missionnaire de Notre-Dame, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions citées au point précédent.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie. / Il peut également être refusé ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. ".

8. Si l'accès au projet s'effectue par une portion en virage du chemin des Causses, d'une largeur limitée à 3,28 mètres, il ressort des pièces du dossier que ce chemin ne dessert que quelques constructions et qu'il est doublé d'une voie de desserte interne d'une largeur de 6 mètres facilitant la circulation, en particulier celle des autocars qui desservent occasionnellement l'établissement pour des manifestations ponctuelles. La circonstance que la Famille missionnaire de Notre-Dame ne bénéficierait d'aucun droit sur cette voie de desserte interne est, à cet égard, sans incidence sur la légalité du permis de construire. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'accès prévu par le projet, laissant une bonne visibilité aux automobilistes, serait susceptible d'affecter de manière significative les conditions de sécurité du trafic automobile sur le chemin des Causses dont l'augmentation demeurera limitée, et pourrait ainsi porter une atteinte telle à la sécurité publique qu'il en résulterait une erreur manifeste d'appréciation à avoir délivré le permis de construire.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-21 alors en vigueur du code de l'urbanisme, dont les dispositions sont reprises aujourd'hui à l'article R. 111-27 : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

10. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'exception de l'église, située à environ 100 mètres du projet, le secteur dans lequel s'insère le projet ne présente pas d'intérêt particulier, et ne fait l'objet d'aucune mesure de protection. Le projet prévoit la construction, sur un terrain actuellement à usage de parking pour la congrégation religieuse, d'un bâtiment développant, sur quatre niveaux, un front bâti d'environ 25 mètres de long pour une hauteur d'environ 15 mètres au dessus du terrain naturel. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le bâtiment projeté, dont l'implantation tient compte de la déclivité naturelle du terrain pour s'enterrer sur deux niveaux, donnant l'aspect en façade ouest d'une maison en R+3, ne permettrait pas, par sa hauteur, une intégration harmonieuse dans un environnement constitué de maisons d'habitations individuelles en R+1 ou R+2 et de plusieurs immeubles de la congrégation en R+2 et R+3 présentant eux-mêmes une hauteur de 10 à 15 mètres. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de la commune de Saint-Pierre-de-Colombier aurait, en autorisant le projet de la Famille missionnaire de Notre-Dame, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions citées au point précédent.

11. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 111-22 alors en vigueur du code de l'urbanisme, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises à l'article R. 111-28 : " Dans les secteurs déjà partiellement bâtis, présentant une unité d'aspect et non compris dans des programmes de rénovation, l'autorisation de construire à une hauteur supérieure à la hauteur moyenne des constructions avoisinantes peut être refusée ou subordonnée à des prescriptions particulières. ".

12. La construction projetée, qui s'implante, ainsi qu'il a été dit, dans un secteur ne présentant pas d'unité d'aspect, n'entre pas dans le champ de ces dispositions. En tout état de cause, compte tenu de la hauteur respective du bâtiment autorisé et de celle des immeubles avoisinants, le permis de construire délivré ne saurait être regardé comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. D...demande au titre des frais qu'il a exposés soit mise à la charge de l'Etat et de la Famille missionnaire de Notre-Dame, qui ne sont pas parties perdantes. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du requérant le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la Famille missionnaire de Notre-Dame.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : M. D... versera la somme de 2 000 euros à la Famille missionnaire de Notre-Dame au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D..., au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la Famille missionnaire de Notre-Dame.

Copie en sera adressée à la commune de Saint-Pierre-de-Colombier.

Délibéré après l'audience du 13 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre,

M. Antoine Gille, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 décembre 2018.

2

N° 17LY04353

dm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY04353
Date de la décision : 04/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03-01-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire. Légalité au regard de la réglementation nationale. Règlement national d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : SELARL HELIOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-04;17ly04353 ?
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