Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... D... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 27 juillet 2017 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1706894 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 4 mai 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 février 2018 ;
2°) d'annuler ces décisions du préfet de l'Isère du 27 juillet 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai, après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour, qui ne fait aucune mention de la demande qu'il avait présentée pour raisons de santé, est insuffisamment motivé et a été opposé sans réel examen de sa situation personnelle ;
- ce refus méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article L. 311-12 du même code ;
- il méconnaît le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'illégalité du refus de titre de séjour prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français ;
- cette obligation est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français prive de base légale la décision fixant le pays de renvoi ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 3 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant de la République Guinée, né en 1981, est entré en France le 16 août 2015. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 février 2016, décision confirmée le 20 octobre 2016 par la Cour nationale du droit d'asile. Par décisions du 27 juillet 2017, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office. M. A... relève appel du jugement du 8 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur le refus de séjour :
2. En premier lieu, le refus d'admission au séjour ayant été pris en réponse à la demande de M. A... du 21 août 2015 tendant à l'obtention du statut de réfugié, le préfet de l'Isère n'a ni insuffisamment motivé sa décision ni entaché celle-ci d'un défaut d'examen réel de la situation de l'intéressé en ne tenant pas compte de la demande de carte de séjour pour raisons de santé qu'il a présentée le 11 juillet 2017, quelques jours avant la décision en litige.
3. En deuxième lieu, M. A... ne s'étant pas prévalu des dispositions des 4° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ni de l'article L. 311-12 du même code à l'appui de sa demande du 21 août 2015, les moyens selon lesquels la décision en litige aurait été prise en méconnaissance de ces dispositions sont inopérants.
4. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". M. A... fait valoir qu'il a épousé en octobre 2017, soit postérieurement au refus en litige, une Française avec laquelle il déclare vivre depuis novembre 2016. Toutefois, compte tenu du caractère très récent à la date de la décision du préfet, tant du séjour en France de l'intéressé que de ce concubinage, du fait que le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Guinée où vivent sa première épouse et ses deux enfants, nés en 2005 et 2012, et alors même qu'il serait bien intégré en France, la décision de refus de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit et ne méconnaît pas les stipulations précitées. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
5. Il résulte en premier lieu de ce qui est dit aux points 2 à 4 ci-dessus que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; / (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. ". La décision refusant à M. A... un titre de séjour énonce les considérations de droit et de fait qui la fondent. L'obligation de quitter le territoire français est ainsi suffisamment motivée, le préfet n'ayant pas à faire état à cet égard des éléments mentionnés par M. A... dans sa demande de carte de séjour du 11 juillet 2017.
7. En troisième lieu, pour les motifs exposés au point 4, les moyens selon lesquels la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle doivent être écartés.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".
9. M. A... produit un certificat médical dont il ressort qu'il souffre d'un état anxio-dépressif nécessitant une prise en charge psychiatrique. Il ne ressort toutefois des pièces du dossier ni, compte tenu du caractère peu circonstancié de ce certificat, que le défaut de prise en charge de son état de santé entraînerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni, alors qu'il ne fournit aucune précision sur le traitement que son état de santé requiert, qu'il ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine.
10. En cinquième et dernier lieu, M. A... n'étant pas marié à une Française à la date de la décision contestée, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale au motif qu'il devrait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ne peut qu'être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
11. Il résulte de ce qui est dit aux points 5 à 10 ci-dessus que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé.
12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ". Si M. A... soutient qu'un retour dans son pays l'exposerait à des risques et qu'il ne pourrait y recevoir les soins que sa pathologie requiert, il n'apporte aucune précision à l'appui de ces allégations. Par suite, le moyen doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Les conclusions du requérant tendant à ce que des injonctions soient adressées à l'administration et à l'application, au bénéfice de son conseil, des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 23 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.
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N° 18LY01614