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20/11/2018 | FRANCE | N°18LY00659

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 20 novembre 2018, 18LY00659


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le permis de construire délivré le 17 juillet 2017 à la SCI Tatooine par le maire de la commune de Saint-Jean-de-Moirans pour un projet de bâtiment industriel.

Par une ordonnance n° 1706813 du 24 janvier 2018, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande comme entachée d'une irrecevabilité manifeste.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 févrie

r 2018 et un mémoire enregistré le 21 septembre 2018, complétant un envoi de pièces enregistré ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le permis de construire délivré le 17 juillet 2017 à la SCI Tatooine par le maire de la commune de Saint-Jean-de-Moirans pour un projet de bâtiment industriel.

Par une ordonnance n° 1706813 du 24 janvier 2018, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande comme entachée d'une irrecevabilité manifeste.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 février 2018 et un mémoire enregistré le 21 septembre 2018, complétant un envoi de pièces enregistré le 7 février 2018 sous le n° 18LY00508, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble du 24 janvier 2018 ;

2°) d'annuler le permis de construire du 17 juillet 2017.

Il soutient que :

- il a apporté des éléments précis et circonstanciés permettant d'apprécier en quoi le projet autorisé est de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation et de jouissance des biens lui appartenant, à savoir la parcelle AR 178 sur laquelle le projet doit être implanté et les parcelles voisines AR 179 et 180 ;

- sa demande, qui n'était ainsi pas manifestement irrecevable, ne pouvait être rejetée par ordonnance ;

- le permis de construire est illégal dès lors qu'il porte sur un projet implanté sur sa propriété alors qu'il n'a pas autorisé la SCI Tatooine à présenter la demande.

Par un mémoire enregistré le 7 juin 2018, la SCI Tatooine, représentée par la SELARL Europa avocats, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le requérant n'est pas propriétaire de la parcelle AR 178 en dépit de l'annulation en 2004 de l'ordonnance de transfert de propriété consécutive à l'annulation de la déclaration d'utilité publique et de l'arrêté de cessibilité dont elle avait fait l'objet, la commune de Saint-Jean-de-Moirans, bénéficiaire de la procédure d'expropriation, ayant entretemps vendu le bien exproprié à la communauté d'agglomération du pays voironnais et le requérant ayant été débouté de son action en rétrocession et en nullité de la vente par un arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 5 avril 2005 devenu définitif ;

- le requérant ne peut davantage se prévaloir d'un intérêt pour agir en qualité de propriétaire des parcelles AR 179 et AR 180.

Par un mémoire enregistré le 17 août 2018 et un mémoire enregistré le 5 octobre 2018, la commune de Saint-Jean-de-Moirans, représentée par la SCP B..., Jorquera et associés, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la seule annulation de l'ordonnance de transfert de propriété n'a pas eu pour effet de conférer automatiquement au requérant la qualité de propriétaire de la parcelle AR 178 qui avait été antérieurement cédée à la communauté d'agglomération du pays voironnais ;

- le premier juge était ainsi fondé à inviter le demandeur à justifier de son intérêt pour agir et à rejeter la demande par application de l'article R. 222-1 du code de justice administrative faute de production d'éléments probants ;

- l'intérêt du requérant pour agir en qualité de propriétaire des parcelles voisines AR 179 et 180 n'est pas établi ;

- les moyens du requérant sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Yves Boucher, président de chambre,

- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,

- et les observations de Me B... pour la commune de Saint-Jean-de-Moirans, ainsi que celles de Me A... pour la SCI Tatooine ;

Considérant ce qui suit :

1. Les pièces enregistrées sous le n° 18LY00508 se rapportent en réalité à la requête de M. E... enregistrée sous le n° 18LY00659. Il y a donc lieu de radier la requête n° 18LY00508 des registres du greffe de la cour et de verser les pièces enregistrées sous ce numéro dans le dossier de l'instance n° 18LY00659.

2. M. E... relève appel de l'ordonnance du 24 janvier 2018 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'un permis de construire délivré le 17 juillet 2017 par le maire de la commune de Saint-Jean-de-Moirans à la SCI Tatooine, au motif que cette demande était manifestement irrecevable au sens des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, faute pour le demandeur d'avoir apporté, malgré une invitation à régulariser sa demande, des éléments précis et circonstanciés permettant d'apprécier en quoi le permis de construire en litige serait de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de biens lui appartenant.

3. Pour soutenir qu'il justifie de son intérêt pour agir, M. E... fait valoir qu'il est propriétaire de la parcelle AR 178 sur laquelle le projet doit être implanté et des parcelles voisines AR 179 et 180.

4. Il ressort des pièces du dossier que ces parcelles AR 178, 179 et 180 sont issues des parcelles C 700 et C 701 qui ont fait l'objet d'une expropriation au profit de la commune de Saint-Jean-de-Moirans à la suite d'une déclaration d'utilité publique prononcée par un arrêté du préfet de l'Isère du 13 décembre 1988. Par un arrêt du 26 juillet 2002 la cour administrative d'appel de Lyon a annulé l'arrêté de cessibilité du 27 août 1991 pris sur le fondement de cette déclaration d'utilité publique au motif que celle-ci était illégale, l'opération étant dépourvue d'utilité publique. Par un arrêt du 17 février 2004, la Cour de cassation a ensuite annulé l'ordonnance du juge de l'expropriation portant transfert de propriété.

5. Cependant, antérieurement à ces annulations, la commune de Saint-Jean-de-Moirans avait vendu le bien à la communauté d'agglomération du pays voironnais par acte authentique des 26 et 28 novembre 1997. Dans ce contexte, un jugement du tribunal de grande instance de Grenoble du 31 mai 2001, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 5 avril 2005, a débouté M. E... de ses demandes présentées au titre d'une action en rétrocession fondée sur l'article L. 12-6 du code de l'expropriation et en nullité de la vente intervenue en 1997. Le pourvoi formé contre cet arrêt du 5 avril 2005 a été rejeté par un arrêt de la Cour de cassation du 26 mars 2008.

6. Par un autre jugement du tribunal de grande instance de Grenoble du 24 novembre 2011, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 12 mai 2014, M. E... a été débouté de ses demandes dans le cadre d'une action en revendication de propriété et en expulsion. L'arrêt du 12 mai 2014 relève notamment que la vente de 1997, qui a été régulièrement publiée, est opposable à M. E... et que celui-ci n'est pas fondé à revendiquer la propriété des parcelles anciennement cadastrées C 700 et 701. Cet arrêt relève également que l'intéressé n'est pas fondé à se prévaloir du droit de priorité reconnu, en vertu de l'article L. 12-6 du code de l'expropriation, aux exploitants agricoles expropriés lorsque des terrains agricoles n'ont pas reçu, dans le délai de cinq ans, la destination prévue par une déclaration d'utilité publique, au motif que les parcelles concernées ont, dans le délai de cinq ans, "fait l'objet d'une nouvelle déclaration d'utilité publique dont les causes ont été exécutées". Le pourvoi formé contre cet arrêt du 12 mai 2014 a été rejeté par un arrêt de la Cour de cassation du 4 février 2016.

7. Il résulte de l'ensemble des décisions juridictionnelles mentionnées aux points 4 et 5 que M. E... ne peut se prévaloir de la qualité de propriétaire des parcelles AR 178, 179 et 180 issues des parcelles C 700 et 701 dont il a été exproprié, ni par suite, d'un intérêt pour agir contre le permis de construire en litige en cette qualité. Il suit de là que sa demande devant le tribunal administratif de Grenoble était manifestement irrecevable. Le requérant n'est dès lors pas fondé à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

8. En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... le versement à la commune de Saint-Jean-de-Moirans, d'une part, et à la SCI Tatooine, d'autre part, d'une somme de 1 500 euros chacune au titre des frais qu'elles ont exposés.

DECIDE :

Article 1er : Les productions enregistrées sous le n° 18LY00508 sont rayées du registre du greffe de la cour pour être jointes à la requête n° 18LY00659.

Article 2 : La requête de M. E... est rejetée.

Article 3 : M. E... versera à la commune de Saint-Jean-de-Moirans et à la SCI Tatooine, chacune, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., à la commune de Saint-Jean-de-Moirans et à la SCI Tatooine.

Délibéré après l'audience du 23 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre ;

M. Antoine Gille, président-assesseur ;

M. Thierry Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.

2

N° 18LY00508, 18LY00659

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00659
Date de la décision : 20/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-04-01 Procédure. Introduction de l'instance. Intérêt pour agir. Absence d'intérêt.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Yves BOUCHER
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : MAUBLEU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-20;18ly00659 ?
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