Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 28 janvier 2018 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination duquel il pourra être éloigné, a prononcé à son encontre une interdiction de retour pendant une durée de dix-huit mois et a ordonné son assignation à résidence.
Par un jugement n° 1800567 du 31 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 26 février 2018, M. A... B..., représenté par la SELARL Bescou et Sabatier avocats associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 31 janvier 2018 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 28 janvier 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur de fait quant à sa nationalité ;
- l'obligation de quitter le territoire français n'a pas été prise à l'issue d'un examen préalable et sérieux de sa situation personnelle ;
- cette obligation méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la directive 2008 /115/CE du 16 décembre 2008 ;
- elle méconnaît également l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît également les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'interdiction de retour est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai ;
- cette interdiction méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît également de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision d'assignation à résidence est dépourvue de nécessité.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er octobre 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant russe, relève appel du jugement du 31 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 28 janvier 2018 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination duquel il pourra être éloigné, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois et a ordonné son assignation à résidence.
Sur la légalité des décisions du préfet du Rhône du 28 janvier 2018 :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, il résulte des motifs de son arrêté que le préfet du Rhône a procédé à un examen particulier de la situation du requérant avant de prescrire à son encontre la mesure d'éloignement en litige.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. M. B..., entré en France en mars 2014 en vue de demander l'asile, se maintient irrégulièrement en France depuis le rejet de cette demande en dépit d'une précédente mesure d'éloignement du préfet de la Drôme du mois de mai 2015 qu'il n'a pas exécutée et dont la légalité a été confirmée par la juridiction administrative, en dernier lieu par un arrêt de la présente cour du 14 juin 2016. Si M. B..., célibataire et dépourvu de charge de famille, invoque la présence en France de ses parents et l'état de santé de son père, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces derniers, qui disposent seulement de récépissés de demandes de cartes de séjour à la date des décisions attaquées, aient vocation à demeurer durablement sur le territoire national ni, en tout état de cause, que la présence du requérant leur serait indispensable. La circonstance que M. B... a obtenu une promesse d'embauche n'est pas de nature, eu égard aux conditions de son séjour en France, à établir que la décision attaquée, au regard des objectifs qu'elle poursuit, porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations citées au point 3. Pour les mêmes motifs, la mesure d'éloignement en litige n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle est susceptible de comporter pour la situation personnelle du requérant.
En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
5. En premier lieu, la décision refusant à M. B... un délai de départ volontaire est suffisamment motivée dès lors qu'elle vise le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, même si elle ne précise pas l'alinéa de cette disposition dont le préfet entend faire application, et qu'il résulte par ailleurs clairement de la mention selon laquelle l'intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage que le préfet a entendu faire application du f) de cet article visant le cas de l'étranger ne présentant pas de garanties de représentation suffisantes. Le moyen tiré par le requérant de ce que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ne serait pas suffisamment motivée d'un point de vue formel doit, par suite, être écarté.
6. En deuxième lieu, il ressort des motifs de son arrêté que le préfet du Rhône a procédé à un examen particulier de la situation personnelle M. B... avant de le priver d'un délai de départ volontaire pour quitter le territoire français.
7. En troisième lieu, alors que les dispositions de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ont été transposées en droit national, au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011. M. B... ne démontre pas que ces dispositions législatives seraient incompatibles avec les objectifs de cette directive.
8. En quatrième lieu, si M. B... justifie d'une adresse stable, il est démuni de tout document d'identité et de voyage, de sorte qu'en l'absence de garantie suffisante de représentation, il entrait dans le cas visé au f) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, permettant, sauf circonstance particulière, de présumer établi le risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement. Le requérant n'invoque l'existence d'aucune circonstance particulière faisant obstacle à cette présomption. Ainsi, le préfet du Rhône n'a pas fait une inexacte application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
9. En dernier lieu, compte tenu de la situation privée et familiale de l'intéressé sur le territoire français rappelée au point 4, la décision lui refusant un délai de départ volontaire ne peut être regardée comme ayant été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
10. En premier lieu, M. B... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondé à s'en prévaloir au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.
11. En deuxième lieu, M. B... soutient qu'il est de nationalité russe et n'est pas ressortissante arménien, de sorte que le préfet du Rhône aurait commis une erreur de fait sur sa nationalité, qui a nécessairement une incidence sur les conditions d'exécution forcée de la mesure d'éloignement. Toutefois, la décision du 28 janvier 2018, sans mentionner la nationalité de M. B..., prescrit son éloignement "dans le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays dans lequel il démontre être légalement admissible", conformément aux dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet ne saurait, dès lors, être regardé comme s'étant prononcé à cet égard sur la base de faits matériellement inexacts.
12. En troisième lieu, M. B..., dont la demande d'asile a été rejetée, n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité et l'actualité des risques de persécution auxquels il prétend être exposé en cas de retour en Arménie ou en Russie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme aux termes desquelles " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
13. En premier lieu, M. B... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondé à s'en prévaloir au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français.
14. En deuxième lieu, le préfet du Rhône a, sur le fondement des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assorti l'obligation de quitter sans délai le territoire français prononcée à l'encontre de M. B..., d'une interdiction de retour sur ce territoire pour une durée de dix-huit mois. M. B... ne justifie d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle à ce qu'une telle interdiction de retour soit prononcée à son encontre. S'il fait valoir la présence de ses parents sur le territoire français, cette circonstance ne suffit pas, alors qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, qu'il est célibataire et sans charge de famille, pour considérer que la durée ce cette interdiction procèderait d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions qui la fondent.
15. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 4 ainsi que du caractère provisoire de l'interdiction de retour d'une durée limitée à dix-huit mois, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
16. En premier lieu, si le préfet du Rhône a indiqué dans son arrêté d'assignation à résidence, suivant en cela les indications données par l'intéressé lors de son audition par les services de police judiciaire, que M. B... est de nationalité arménienne et s'il a ainsi entaché sa décision d'une erreur de fait, cette erreur sur la nationalité de l'intéressé est restée en l'espèce sans incidence sur la légalité de la mesure d'assignation à résidence, dès lors que l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre demeure une perspective raisonnable, soit à destination de la Russie, pays dont il a la nationalité, soit à destination de l'Arménie en cas de succès des démarches entreprises auprès de l'ambassade de ce pays.
17. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en assignant M. B... à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours et en l'obligeant à cet effet à se présenter deux fois par semaine aux services de la police aux frontières, sans obliger l'intéressé à demeurer à son domicile et en l'autorisant à circuler dans le département du Rhône, le préfet aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 octobre 2018.
Le rapporteur,
Bénédicte LordonnéLe président,
Yves Boucher
La greffière,
Fabienne Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et au préfet du Rhône en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 18LY00722
md