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30/10/2018 | FRANCE | N°17LY02142

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 30 octobre 2018, 17LY02142


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 février 2015 par lequel le maire de Villeneuve-de-Berg a opposé un sursis à statuer à la demande de permis de construire déposée par sa soeur, Mme C... B..., en vue de l'édification d'une maison individuelle sur un terrain situé lieudit "Le Prieuré" ainsi que la décision du 20 avril 2015 rejetant son recours gracieux contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1505884 du 30 mars 2017, le tribunal

administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 février 2015 par lequel le maire de Villeneuve-de-Berg a opposé un sursis à statuer à la demande de permis de construire déposée par sa soeur, Mme C... B..., en vue de l'édification d'une maison individuelle sur un terrain situé lieudit "Le Prieuré" ainsi que la décision du 20 avril 2015 rejetant son recours gracieux contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1505884 du 30 mars 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 30 mai 2017 et un mémoire enregistré le 13 février 2018 qui n'a pas été communiqué, Mme E... B..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 mars 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté de sursis à statuer du 17 février 2015 et la décision du 20 avril 2015 rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre une somme de 2 200 euros à la charge de la commune de Villeneuve-de-Berg au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté sa demande comme irrecevable, dès lors qu'elle est propriétaire de la parcelle AL 646, terrain d'assiette du projet de construction de sa soeur, titulaire d'un compromis de vente, et qu'elle dispose ainsi, en sa qualité de vendeur propriétaire du terrain, d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

- la décision en litige, dont la motivation ne correspond pas au projet de construction, a été prise sans un examen particulier de sa demande et est entachée d'erreur de fait ;

- la reprise de la procédure d'élaboration du plan local d'urbanisme (PLU) au stade où est intervenue l'irrégularité impliquait un choix qui relevait du conseil municipal en vertu de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales et non du maire ; c'est donc à tort que les premiers juges ont estimé qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait une nouvelle délibération du conseil municipal ; en tout état de cause, le maire a méconnu l'étendue de sa propre compétence en s'estimant lié par le courrier du préfet de l'Ardèche ;

- compte tenu de changements dans les circonstances de droit et de fait résultant, d'une part, de l'entrée en vigueur de la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (LAAAF) et de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, d'autre part, de la délivrance d'autorisations individuelles d'urbanisme permettant la réalisation de nouvelles constructions en zones A et N du PLU annulé, l'annulation du PLU aurait dû conduire en l'espèce à reprendre intégralement la procédure d'élaboration de celui-ci ou, au minimum, à arrêter un nouveau projet ;

- le maire ne pouvait dès lors valablement opposer un sursis à statuer à la demande de permis de construire de sa soeur qu'il devait examiner au regard du plan d'occupation des sols (POS) remis en vigueur en vertu de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;

- en tout état de cause, le projet n'est pas de nature à compromettre le futur plan.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 juillet 2017, la commune de Villeneuve-de-Berg, représentée par la SELARL Urban Conseil, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) par voie d'appel incident, de réformer le jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de mettre à la charge de la requérante la somme de 500 euros au titre de la première instance et la somme de 1 500 euros au titre de l'instance d'appel, en application de ces mêmes dispositions.

Elle soutient que :

- le jugement devra être confirmé en ce qu'il retient l'irrecevabilité de la demande de première instance, la requérante ne justifiant pas d'un intérêt pour contester, du seul fait de sa qualité de propriétaire, un sursis à statuer opposé à un tiers ; elle ne produit pas la promesse unilatérale de vente à laquelle elle fait référence en appel ;

- la demande était en outre tardive, le recours gracieux de Mme C... B... à l'encontre de la décision la concernant ne pouvant avoir pour effet de proroger le délai de recours contentieux à l'égard de la requérante ;

- le moyen tiré de ce que la procédure d'élaboration du PLU aurait dû être reprise intégralement est inopérant ; il est en tout état de cause infondé, de même que les autres moyens de la requête ;

- les premiers juges auraient dû mettre à la charge de Mme B... une somme de 500 euros au titre des frais exposés, qui n'apparaît pas comme excessive eu égard à la nécessité pour la commune de produire deux mémoires en première instance.

La clôture de l'instruction a été fixée au 15 février 2018 par une ordonnance du 25 janvier 2018 prise en application du premier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;

- et les observations de Me A... pour Mme B... ainsi que celles de Me D... pour la commune de Villeneuve-de-Berg ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B... a déposé, le 30 janvier 2015, une demande de permis de construire en vue de l'édification d'une maison individuelle sur une parcelle cadastrée section AL n° 646, appartenant à sa soeur Mme E... B...et située au lieudit "Le Prieuré", à Villeneuve-de-Berg. Par un arrêté du 17 février 2015, le maire de cette commune a opposé un sursis à statuer à cette demande. Mme E... B... relève appel du jugement du 30 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ainsi que de la décision du 20 avril 2015 rejetant le recours gracieux formé par sa soeur à l'encontre de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Mme E... B..., qui est propriétaire de la parcelle cadastrée AL 646, établit en appel qu'à la date de la décision en litige, elle avait signé avec sa soeur un compromis de vente relatif à cette parcelle, sur la base duquel Mme C... B... a déposé une demande de permis de construire. Elle justifie, en cette qualité, d'un intérêt suffisant pour agir à l'encontre de la décision de sursis à statuer opposée à sa soeur. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que le jugement est irrégulier en ce qu'il a accueilli la fin de non-recevoir opposée par la commune tirée du défaut d'intérêt pour agir et à demander l'annulation de ce jugement.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de Mme B... devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur la légalité du sursis à statuer du 17 février 2015 :

4. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 123-6 alors en vigueur du code de l'urbanisme : " A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délais prévus à l'article L. 111-8, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan. ".

5. Par une délibération du 17 décembre 2007, le conseil municipal de Villeneuve-de-Berg a prescrit la révision du plan d'occupation des sols de cette commune et sa transformation en PLU. Le projet de PLU a été arrêté par une délibération du 30 juin 2011, soumis à enquête publique, avant d'être approuvé par une délibération du 23 juillet 2012. Par un jugement du 13 novembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette dernière délibération aux motifs, d'une part, que la motivation de l'avis du commissaire-enquêteur était insuffisante et, d'autre part, que la modification du zonage concernant les parcelles AB n° 79, 82 et 83 ne procédait pas de l'enquête publique.

6. L'annulation par le tribunal administratif de la délibération approuvant le PLU, alors même qu'elle a remis en vigueur le POS antérieur de la commune en application de l'article L. 121-8 alors en vigueur du code de l'urbanisme, n'a pas eu pour effet d'anéantir les actes de la procédure d'élaboration du PLU prescrite par la délibération du 17 décembre 2007, qui subsistent dans l'ordonnancement juridique tant que cette procédure n'a pas été abandonnée. Cette annulation impliquait seulement, en fonction des motifs sur lesquels elle est fondée, que la procédure soit reprise au moins au stade immédiatement antérieur à celui de l'acte affecté par l'irrégularité commise. En l'espèce, la procédure pouvait ainsi être valablement reprise au stade de l'enquête publique sur la base du projet arrêté par la délibération du 30 juin 2011. Le maire de Villeneuve-de-Berg, dont il n'est pas établi qu'il aurait renoncé à exercer son pouvoir d'appréciation, pouvait ainsi, à cette fin, sans avoir à saisir le conseil municipal, demander la désignation d'un commissaire enquêteur afin que le projet arrêté soit soumis à une nouvelle enquête publique. S'il est également soutenu que le projet soumis à enquête dans ces conditions ne serait plus adapté en ce qu'il ne tient pas compte de l'évolution de la situation de droit et de fait depuis son adoption initiale, une telle circonstance, qui pourrait seulement affecter la légalité interne du PLU adopté à l'issue de la procédure, ne peut être utilement invoquée pour contester la reprise de la procédure au stade de l'enquête publique.

7. Eu égard aux effets produits par l'annulation de la délibération du 23 juillet 2012 tels qu'ils sont exposés au point 6, le maire de Villeneuve-de-Berg disposait, au titre de la procédure d'élaboration du PLU prescrite par la délibération du 17 décembre 2007, de la possibilité de surseoir à statuer sur les demandes d'autorisation de construire, sous réserve que les conditions fixées par l'article L. 123-6 alors en vigueur du code de l'urbanisme soient par ailleurs remplies.

8. Si Mme B... relève que l'arrêté attaqué indique que la construction projetée serait située "au coeur" de la parcelle AL 646 alors qu'elle doit être implantée dans sa partie sud et dans l'alignement de constructions existantes implantées le long d'une voie, cela n'est pas de nature à caractériser un défaut d'examen par le maire des éléments particuliers de l'affaire ni un défaut formel de motivation.

9. Le 17 février 2015, date de la décision de sursis à statuer en litige, le projet de PLU arrêté, qui prévoyait le classement en zone As de la parcelle de Mme B..., était suffisamment avancé pour permettre de justifier un tel sursis.

10 En estimant que le projet de Mme B... portant sur la réalisation d'une maison individuelle d'habitation sur la parcelle AL 646 ayant vocation à être classée en zone agricole stricte où sont interdites toutes les constructions afin de mettre fin au mitage de la plaine agricole du Prieuré, était de nature à compromettre l'exécution du futur PLU, le maire de Villeneuve-de-Berg n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme citées au point 4.

11. Si Mme B... fait également valoir que la parcelle d'assiette du projet constitue une dent creuse dans un secteur déjà urbanisé, le long d'une voie de circulation et à moins de 200 mètres du hameau de Tournon, la légalité du classement envisagé ne peut être utilement discutée pour contester la légalité d'un sursis à statuer.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance, que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 17 février 2015 par lequel le maire de Villeneuve-de-Berg a opposé un sursis à statuer à la demande de permis de construire déposée par sa soeur. Ses conclusions dirigées contre la décision du 20 avril 2015 prise sur recours gracieux doivent également être rejetées.

Sur l'appel incident de la commune de Villeneuve-de-Berg :

13. Si la commune de Villeneuve-de-Berg entend faire appel incident du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les circonstances dont elle fait état ne suffisent pas pour considérer que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il n'y avait pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à ces conclusions.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que Mme B... demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de la commune de Villeneuve-de-Berg, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune défenderesse.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 mars 2017 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme B... devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions incidentes de la commune de Villeneuve-de-Berg sont rejetées.

Article 4 : Mme B... versera la somme de 1 000 euros à la commune de Villeneuve-de-Berg au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B...et à la commune de Villeneuve-de-Berg.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre,

M. Antoine Gille, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 octobre 2018.

Le rapporteur,

Bénédicte LordonnéLe président,

Yves Boucher

La greffière,

Fabienne Prouteau

La République mande et ordonne au préfet de l'Ardèche en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 17LY02142

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02142
Date de la décision : 30/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01-02-01-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU). Application des règles fixées par les POS ou les PLU. Application dans le temps. Mesures de sauvegarde - Sursis à statuer.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : VRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-30;17ly02142 ?
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