Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 26 septembre 2017 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1706008 du 28 décembre 2017 le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 janvier et 18 mai 2018, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 décembre 2017 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de la Drôme du 26 septembre 2017 ;
3°) de mettre les dépens de l'instance à la charge de l'Etat.
Elle soutient que :
- ayant résidé depuis plus de cinq ans sur le territoire français, elle y a acquis un droit au séjour permanent en application de l'article L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions des articles L. 121-1 2° et R. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle ne peut être regardée comme une charge pour le système d'assistance sociale ;
- compte tenu de la scolarisation de sa fille âgée de quatre ans, elle bénéficie d'un droit au séjour en France en application de l'article 12 du règlement UE n°492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union, tel qu'interprété par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union Européenne, notamment dans son arrêt C-413/99 Baumbast du 17 septembre 2002 ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- cette obligation méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant protégé par l'article 9-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire, enregistré le 4 mai 2018, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 27 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 429/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante espagnole née en 1987, est entrée en France en mars 2010. Elle a sollicité le 5 décembre 2016 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de citoyenne de l'Union Européenne, qui lui a été refusée par une décision du préfet de la Drôme du 26 septembre 2017, assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai. Mme C... relève appel du jugement du 28 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité des décisions du préfet de la Drôme du 26 septembre 2017 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant visé à l'article L. 121-1 qui a résidé de manière légale et ininterrompue en France pendant les cinq années précédentes acquiert un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français. ".
3. Mme C... indique dans ses écritures être domiciliée en Francedepuis 2012, sans démontrer le caractère ininterrompu de son séjour sur le territoire national, alors que sa fille Mia est née en Espagne en novembre 2013 et que la formation à distance qu'elle a ensuite suivie ne permet pas d'établir sa présence en France au début de l'année 2014. La requérante n'est ainsi pas fondée à soutenir qu'elle aurait acquis un droit au séjour permanent en application des dispositions citées au point précédent.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne ( ...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale (...) ".
5. D'une part, Mme C..., qui a exercé une activité professionnelle salariée ponctuelle durant l'été 2017 et portait, à la date des décisions qu'elle conteste, un projet de création d'entreprise, ne démontre pas qu'à cette date, elle exerçait une activité professionnelle réelle et effective en France au sens des dispositions du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 4. La requérante ne peut utilement se prévaloir à cet égard du contrat de travail à durée déterminée qu'elle a conclu en février 2018, postérieurement aux décisions en litige.
6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'allocation de retour à l'emploi que Mme C... percevait a cessé de lui être versée au mois de mars 2017. A la date du refus en litige, le 26 septembre 2017, les ressources issues de son travail, qui ne présentaient aucun caractère de stabilité, étaient nettement inférieures au montant du revenu de solidarité active pour une personne seule avec un enfant. Les prestations sociales non contributives versées à Mme C..., en particulier l'allocation logement à caractère familial et le revenu de solidarité active perçu jusqu'au 1er septembre 2017 ne sauraient être prises en compte pour apprécier le caractère suffisant de ses ressources, dès lors qu'elles constituent une charge pour le système d'assistance sociale. La requérante allègue, sans en justifier, qu'elle disposerait de ressources personnelles provenant de rémunérations antérieures perçues en Espagne. Dans ces conditions et en dépit de la pension alimentaire dont elle bénéficiait pour couvrir les besoins de sa fille et du fait qu'elle serait couverte par une assurance maladie appropriée, elle ne peut être regardée comme justifiant de ressources suffisantes pour ne pas constituer une charge pour le système social français au sens des dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de ce qui précède qu'en refusant à Mme C... le titre de séjour qu'elle sollicitait, le préfet de la Drôme n'a pas fait une inexacte application des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 4.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la communauté, auquel s'est substitué l'article 10 du règlement n° 492/2011 du 5 avril 2011 entré en vigueur le 16 juin 2011 : " Les enfants d'un ressortissant d'un Etat membre qui est ou a été employé sur le territoire d'un autre Etat membre sont admis aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat, si ces enfants résident sur son territoire. (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que la fille de Mme C... est inscrite, pour l'année scolaire 2017-2018, en classe de moyenne section de maternelle. Si la scolarité de l'école maternelle fait partie de l'enseignement du premier degré en application de l'article L. 321-1 du code de l'éducation, la mission éducative de l'école maternelle, destinée à favoriser l'éveil de la personnalité des enfants selon l'article L. 321-2 du même code, comporte une première approche des outils de base de la connaissance, prépare les enfants aux apprentissages fondamentaux dispensés à l'école élémentaire et leur apprend les principes de la vie en société. Dès lors, l'enfant Mia ne peut être regardée comme suivant des cours d'enseignement général au sens des dispositions précitées du règlement communautaire. Ainsi la requérante ne peut prétendre à un droit au séjour sur le fondement des dispositions citées au point précédent.
En ce qui concerne les autres décisions :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance de l'article 12 du règlement communautaire cité au point 8.
11. En second lieu, Mme C... réitère, contre l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français, ses moyens selon lesquels cette mesure est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 9-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 octobre 2018.
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N° 18LY00333
dm