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09/10/2018 | FRANCE | N°16LY03826

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 09 octobre 2018, 16LY03826


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le département du Puy-de-Dôme à lui payer la somme de 40 000 euros ainsi que les intérêts au taux légal en réparation de ses préjudices financier et moral résultant du retrait de son agrément d'assistante maternelle et de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1401799 du 22 septembre 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné

le département du Puy-de-Dôme à verser à Mme C... une indemnité de 3 000 euros i...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le département du Puy-de-Dôme à lui payer la somme de 40 000 euros ainsi que les intérêts au taux légal en réparation de ses préjudices financier et moral résultant du retrait de son agrément d'assistante maternelle et de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1401799 du 22 septembre 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le département du Puy-de-Dôme à verser à Mme C... une indemnité de 3 000 euros intérêts inclus et a mis à la charge du département le versement d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 novembre 2016 et le 24 août 2017, le département du Puy-de-Dôme, représenté par Me B... (F...B...et Associés), avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 22 septembre 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges n'ont pas mentionné quel était le lien de causalité direct et certain entre le préjudice moral qu'ils l'ont condamné à indemniser et une faute qu'il aurait commise ;

- ce préjudice résulte du licenciement de Mme C... et non du retrait de son agrément ;

- Mme C..., qui n'a d'ailleurs pas chiffré précisément le montant de ce préjudice, n'en rapporte pas la preuve ;

- les conclusions indemnitaires présentées par Mme C... doivent être rejetées en ce que le lien de causalité entre les préjudices matériels allégués et la faute n'est pas établi ; l'intéressée ne peut prétendre à une indemnisation pour la période antérieure au 7 octobre 2013 et postérieure au 30 novembre 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2017, Mme E... C..., représentée par Me Pitaud Quintin, avocate, conclut :

1°) à titre principal, à la réformation du jugement en ce qu'il n'a pas condamné le département du Puy-de-Dôme à lui verser une indemnité d'un montant total de 40 000 euros au titre des préjudices matériels qu'elle a subis ;

2°) à titre subsidiaire, à la réformation du jugement en ce qu'il n'a pas condamné le département du Puy-de-Dôme à lui verser une indemnité de 40 000 euros au titre de son préjudice moral ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, à la confirmation du jugement ;

4°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du département du Puy-de-Dôme en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la décision du département du Puy-de-Dôme lui interdisant d'accueillir un enfant, le 7 mars 2013, la suspension de son agrément, le 24 avril 2013, puis son retrait, par décision du 2 octobre 2013 confirmée le 17 décembre 2013, sont à l'origine directe et certaine des préjudices matériels et moral qu'elle a subis ;

- son préjudice moral est établi ;

- ses préjudices financiers comprennent notamment la perte des traitements, primes et indemnités et la perte des droits à retraite, déduction faite des revenus d'activité ou de remplacement qu'elle a perçus.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me D... représentant le département du Puy-de-Dôme ;

1. Considérant que Mme E... C... s'est vu délivrer en 2008 un agrément d'assistante maternelle pour l'accueil d'un enfant, renouvelé en 2009 pour l'accueil de deux enfants, puis du 1er octobre 2012 au 30 novembre 2013 pour l'accueil de trois enfants ; qu'à la suite d'un incident, son agrément a été suspendu du 29 avril au 29 août 2013, puis retiré par décision du président du conseil général du Puy-de-Dôme du 2 octobre 2013 ; que cette décision a été annulée par jugement n° 1302011 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 13 mai 2014 ; que, par un arrêt n° 14LY02024 du 6 décembre 2016, la cour administrative d'appel a rejeté la requête du département du Puy-de-Dôme dirigée contre ce jugement ; que, saisi par Mme C... d'une demande indemnitaire, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, par un jugement du 22 septembre 2016, condamné le département du Puy-de-Dôme à verser à Mme C... une indemnité de 3 000 euros intérêts inclus en réparation de son préjudice moral et mis à sa charge une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que le département du Puy-de-Dôme relève appel de ce jugement ; que Mme C... présente des conclusions incidentes tendant, à titre principal, à l'indemnisation de ses préjudices financiers, ou, à titre subsidiaire, à la revalorisation de l'indemnité qui lui a été attribuée au titre de son préjudice moral ;

Sur les conclusions incidentes de Mme C... tendant à l'indemnisation de ses préjudices matériels :

2. Considérant, en premier lieu, que Mme C... demande une indemnité de 9 623,40 euros au titre de la perte de salaires qu'elle soutient avoir subie du fait de la suppression de la garde des deux enfants Simon et Valentine entre le mois de mars 2013 et le 30 juin 2014 ; que, toutefois, à la date du retrait de son agrément d'assistante maternelle, le 2 octobre 2013, Mme C... n'assurait plus la garde de ces enfants depuis plusieurs mois, ayant été licenciée par leurs parents le 9 mars 2013 ; qu'en l'absence de lien de causalité entre le retrait illégal de son agrément et le préjudice invoqué, la demande de Mme C... doit être rejetée ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que Mme C... soutient qu'elle a subi une perte de salaire de 16 200 euros pour avoir perdu une chance d'accueillir pendant trois ans, de mars 2013 à mars 2016, un troisième enfant ; qu'il résulte du compte rendu d'entretien du 7 mars 2013 entre Mme C... et le Dr A..., médecin de protection maternelle et infantile, que ce dernier lui a indiqué qu'elle allait faire l'objet d'une suspension d'agrément et l'a invitée à ne pas s'engager pour l'accueil d'une petite fille qui devait intervenir à compter du mois d'avril 2013 ; que, si la perte de chance de garder un troisième enfant peut être regardée comme établie par ce compte rendu, ce préjudice ne résulte toutefois pas de la décision du 2 octobre 2013 de lui retirer son agrément mais de celle du 24 avril 2013 de procéder à la suspension de son agrément, décision que Mme C... n'a pas contestée et dont elle ne soutient pas qu'elle serait illégale ; que, par suite, elle n'est pas fondée à demander une indemnité au titre de ce chef de préjudice ;

4. Considérant, en troisième lieu, que, si Mme C... soutient qu'elle subit une perte de 6 687,60 euros correspondant à dix années de droits à la retraite, ce préjudice présente un caractère incertain ; qu'il résulte, en outre, de l'instruction, que Mme C... n'a pas sollicité de nouvel agrément après l'annulation par le tribunal, confirmée par la cour, de la décision du président du conseil général du Puy-de-Dôme du 2 octobre 2013 ; qu'il suit de là que les conclusions indemnitaires présentées par Mme C... au titre de ce chef de préjudice doivent être rejetées ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par Mme C... à titre incident et tendant à l'indemnisation des préjudices matériels qu'elle soutient avoir subis du fait de la décision illégale de retrait de son agrément doivent être rejetées ;

Sur l'indemnisation du préjudice moral de MmeC... :

6. Considérant qu'il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que, pour allouer à Mme C... une indemnité en réparation de son préjudice moral, les premiers juges ne se sont pas fondés sur la détérioration de son état de santé attestée par l'ordonnance médicale qu'elle a produite, laquelle, datée du 12 mars 2013, a été établie antérieurement à la décision du 2 octobre 2013 lui retirant son agrément d'assistante maternelle ; qu'en l'espèce, et au regard, notamment, de l'atteinte portée à la réputation de Mme C..., le tribunal n'a pas commis d'erreur en retenant que ce retrait illégal était à l'origine d'un préjudice moral justifiant que lui soit attribuée une indemnité de 3 000 euros ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le département du Puy-de-Dôme n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamné à verser une indemnité de 3 000 euros à Mme C... ; que les conclusions incidentes de cette dernière tendant à ce que le montant de cette indemnité soit réévalué à 40 000 euros doivent être rejetées ;

Sur les frais liés au litige :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Puy-de-Dôme une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas partie perdante, la somme que demande le département du Puy-de-Dôme au titre des frais non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du département du Puy-de-Dôme est rejetée.

Article 2 : Les conclusions incidentes de Mme C... sont rejetées.

Article 3 : Le département du Puy-de-Dôme versera à Mme C... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au département du Puy-de-Dôme.

Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 18 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

Mme Virginie Chevalier-Aubert, président-assesseur,

Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.

Lu en audience publique, le 9 octobre 2018.

2

N° 16LY03826

mg


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-01-04 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité et illégalité.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : PITAUD QUINTIN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 09/10/2018
Date de l'import : 23/10/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16LY03826
Numéro NOR : CETATEXT000037505097 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-09;16ly03826 ?
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