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19/06/2018 | FRANCE | N°16LY02495

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 19 juin 2018, 16LY02495


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Chaponnay à lui verser une indemnité de 230 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices que lui ont causés deux refus illégaux de permis de construire.

Par un jugement n° 1302942 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune de Chaponnay à verser à M. C... une indemnité de 154 000 euros, outre intérêts au taux l

égal à compter du 24 avril 2013 et capitalisation de ces intérêts, a mis à la charge de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Chaponnay à lui verser une indemnité de 230 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices que lui ont causés deux refus illégaux de permis de construire.

Par un jugement n° 1302942 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune de Chaponnay à verser à M. C... une indemnité de 154 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2013 et capitalisation de ces intérêts, a mis à la charge de la commune de Chaponnay le versement à M. C... d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 juillet 2016 et des mémoires complémentaires enregistrés les 16 février 2017 et 25 janvier 2018, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Chaponnay, représentée par la SCP Maurice Riva et Vacheron, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 mai 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... C... devant le tribunal administratif et son appel incident ;

3°) de mettre à la charge de M. C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. C... n'est pas recevable à invoquer un prétendu défaut de représentation de la commune par son maire, alors au demeurant que celui-ci a été régulièrement autorisé pour défendre en première instance et pour faire appel au nom de la commune ;

- la créance est prescrite pour les préjudices se rattachant au premier refus de permis de construire en date du 2 août 2004, au regard de la règle de prescription quadriennale fixée par les dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, la réalité et l'étendue du préjudice étant connus avant la délivrance du permis de construire ;

- le premier refus de permis de construire pouvait être légalement fondé sur l'insuffisance du dossier de demande au regard des dispositions des articles R. 421-1 et R. 421-2 du code de l'urbanisme et sur les dispositions de l'article UE 1 du règlement du plan d'occupation des sols (POS), qui interdisaient les constructions à usage d'habitation de type collectif ;

- le second refus de permis de construire était fondé, le projet méconnaissant les dispositions de l'article UD 6 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) ;

- le manque à gagner qu'aurait subi M. C... est purement éventuel, alors en outre que doit être pris en compte le temps nécessaire à la réalisation des travaux et celui mis par l'intéressé pour confirmer sa demande de permis de construire à la suite du premier refus qui lui a été opposé ;

- il convient de déduire de l'éventuel manque à gagner les charges d'entretien, les frais de gestion et d'assurance ainsi que le surplus d'imposition ;

- M. C... n'a subi aucun préjudice moral ;

- M. C... n'est pas recevable, par voie d'appel incident, à remettre en cause l'appréciation du préjudice fixée par le tribunal en se fondant sur des éléments postérieurs ;

- il n'établit pas que le tribunal aurait, pour la période du 3 août 2004 au 30 décembre 2008, retenu un montant insuffisant au titre des loyers.

Par des mémoires en défense enregistrés les 14 janvier 2017 et 28 décembre 2017, M. D... C..., représenté par Me A..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que le montant de l'indemnité que la commune de Chaponnay a été condamnée à lui verser soit porté à la somme de 201 000 euros et à la réformation, dans cette mesure, du jugement du 12 mai 2016 ;

3°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Chaponnay au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable, le conseil municipal n'ayant pas régulièrement autorisé le maire à représenter la commune tant en première instance qu'en appel ;

- le préjudice n'ayant été connu dans toutes ses conséquences qu'à la date de délivrance du permis de construire, l'exception de prescription quadriennale doit être écartée ;

- les refus de permis de construire des 2 août 2004 et 30 décembre 2008 étant illégaux, la responsabilité de la commune de Chaponnay est engagée sans qu'elle puisse se prévaloir de ce qu'ils pouvaient être fondés sur d'autres motifs ;

- le préjudice résultant du manque à gagner présente un caractère certain ;

- le montant des loyers retenu par le tribunal est inférieur de 31 % au niveau réel des loyers payés en 2016.

La clôture de l'instruction a été fixée au 8 février 2008 par une ordonnance du même jour.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., substituant la SCP Maurice Riva et Vacheron, pour la commune de Chaponnay, ainsi que celles de Me A... pour M. C... ;

Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour M. C..., enregistrée le 29 mai 2018 ;

1. Considérant que M. C... est propriétaire d'un terrain situé sur la commune de Chaponnay pour lequel il a sollicité, en 2004, la délivrance d'un permis de construire en vue de la construction de deux maisons d'habitation comportant trois logements ; que, par arrêté du 2 août 2004, le maire de Chaponnay a rejeté cette demande ; que ce refus a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 octobre 2006 ; que M. C... a présenté, le 3 octobre 2008, une nouvelle demande de permis de construire en vue de la construction de deux maisons comportant cette fois quatre logements ; que, par décision du 30 décembre 2008, le maire de Chaponnay a opposé un nouveau refus à cette demande ; que ce refus a été retiré par décision du 21 novembre 2011 ; que, le 8 décembre 2011, le maire de Chaponnay a délivré le permis de construire sollicité ; que M. C... a demandé l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité fautive de ces deux refus ; que, par jugement du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune de Chaponnay à verser à M. C... une indemnité de 154 000 euros, outre intérêts, en réparation des pertes de loyers subies et a rejeté le surplus de la demande ; que la commune de Chaponnay relève appel de ce jugement en demandant son annulation ainsi que le rejet de la demande de première instance ; que, par voie d'appel incident, M. C... demande que le montant de son indemnité soit porté à la somme de 201 000 euros ;

Sur la recevabilité de la requête :

2. Considérant que, par délibération du 10 avril 2014, le conseil municipal de Chaponnay a autorisé son maire à intenter au nom de la commune les actions devant les juridictions administratives ou judiciaires, y compris en appel, en application des dispositions du 16° de l'article L. 2122-23 du code général des collectivités territoriales ; que la circonstance que le maire de Chaponnay n'aurait pas été régulièrement habilité à défendre au nom de la commune devant le tribunal administratif est, par elle-même, sans incidence sur la qualité de cette commune pour faire appel d'un jugement qui a prononcé à son encontre une condamnation indemnitaire ;

Sur le bien-fondé de la demande indemnitaire :

3. Considérant que l'ouverture du droit à indemnisation est subordonnée au caractère direct et certain des préjudices invoqués ; que la perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'un refus illégal de permis de construire revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation ; qu'il en va toutefois autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, tels que des engagements souscrits par de futurs locataires ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain ; qu'il est fondé, si tel est le cas, à obtenir réparation au titre du bénéfice qu'il pouvait raisonnablement attendre de cette opération ;

4. Considérant que, pour établir son préjudice, M. C... se borne à indiquer qu'il entendait réaliser cet investissement pour bénéficier d'une source de revenus complémentaire pendant sa retraite, que le secteur où est situé le projet est soumis à une forte demande et à faire valoir qu'il a loué les quatre appartements à partir d'octobre 2016 ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il n'a ainsi mis en location les biens, à la fin des travaux, que près de cinq années après la délivrance du permis de construire ; que l'intéressé ne produit par ailleurs aucun élément relatif aux conditions de financement de son investissement ou à des démarches qu'il aurait accomplies en vue de négocier et de conclure des engagements avec de futurs locataires ; que, dans ces conditions, le requérant ne justifie pas de circonstances particulières qui permettraient de faire regarder le préjudice constitué de la perte de loyers subie du fait du retard avec lequel il a obtenu son permis de construire comme présentant un caractère direct et certain ; que, par suite, M. C... ne peut être indemnisé du préjudice matériel qu'il prétend avoir subi du fait des deux refus de permis de construire en date des 2 août 2004 et 30 décembre 2008 ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la commune de Chaponnay est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon l'a condamnée à verser à M. C... la somme de 154 000 euros ; que, pour les mêmes motifs, l'appel incident de M. C... doit être rejeté ;

Sur les frais liés au litige :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Chaponnay, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, verse à M. C... la somme qu'il demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Chaponnay tendant au bénéfice des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 4 du jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 mai 2016 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. C... tendant à l'indemnisation de son préjudice matériel et les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Chaponnay et à M. D... C....

Délibéré après l'audience du 29 mai 2018 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre,

M. Antoine Gille, président-assesseur,

M. Thierry Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juin 2018.

2

N° 16LY02495

fg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02495
Date de la décision : 19/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-03-06 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : SCP MAURICE- RIVA-VACHERON

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-06-19;16ly02495 ?
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