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29/05/2018 | FRANCE | N°17LY03418

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 29 mai 2018, 17LY03418


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 4 mai 2017 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1704158 du 31 août 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a fait droit à cette demande, a enjoint au préfet du Rh

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 4 mai 2017 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1704158 du 31 août 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a fait droit à cette demande, a enjoint au préfet du Rhône de procéder au réexamen de la situation de Mme A... dans un délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat le versement à l'avocat de Mme A... d'une somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 septembre 2017, le préfet du Rhône demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 août 2017 ;

2°) de rejeter la demande de Mme A... devant ce tribunal.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que sa décision avait été prise en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 13 décembre 2017, Mme C... A..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale" ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocate d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et n'a pas été prise à l'issue d'un examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;

- elle viole l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi a été prise de manière automatique après le rejet de sa demande d'asile, alors que la Cour nationale du droit d'asile n'a pas examiné sa demande, et le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;

- cette décision viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une décision du 21 novembre 2017, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration et notamment ses articles L. 211-2 et L. 211-5 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;

- et les observations de Me B... pour Mme A... ;

1. Considérant que Mme C... A..., ressortissante albanaise née le 2 juin 1992, est entrée en France irrégulièrement le 16 mars 2016 ; qu'elle a présenté une demande d'asile qui a fait l'objet d'un rejet par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 19 octobre 2016, confirmée, après rejet pour irrecevabilité d'une demande d'aide juridictionnelle, par une ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) constatant la tardiveté du recours ; que, par des décisions du 4 mai 2017, le préfet du Rhône, constatant que l'intéressée ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français, a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite à l'expiration de ce délai ; que, par un jugement du 31 août 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions ; que le préfet du Rhône relève appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ;

3. Considérant que, devant les premiers juges, Mme A... a fait valoir que, victime d'un réseau de prostitution à l'initiative de son ex-compagnon, elle aurait été conduite en Italie où, séquestrée pendant trois mois, elle aurait fait l'objet de violences physiques et sexuelles répétées, ainsi que de menaces de mort ; que les certificats médicaux faisant état de douleurs d'origine gynécologique traitées par antibiothérapie et l'attestation d'une psychologue, rédigée sur la base du récit de Mme A..., aux termes de laquelle elle présente des séquelles psychologiques faisant suite aux viols répétés et menaces de mort dont elle aurait fait l'objet, sont insuffisamment probants à eux seuls, alors que l'OFPRA a relevé le caractère peu personnalisé et peu convaincant de son récit relatif tant à sa rencontre avec son compagnon qu'aux sévices qu'elle aurait subis en Italie ; que l'attestation de Mme D... A..., soeur de la requérante, témoignant de la rupture de Mme A... avec sa famille, en particulier avec son père, ne suffit pas à établir qu'elle pourrait faire l'objet, ainsi qu'elle le soutient, de représailles en cas de retour en Albanie de la part à la fois de membres de sa famille qui l'ont rejetée et de son ex-compagnon ; que, par suite, le préfet du Rhône qui n'a pas méconnu les stipulations citées au point 2, est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a retenu ce moyen pour annuler tant l'obligation de quitter le territoire français qui, par elle-même, ne fixe pas le pays de destination, que la désignation du pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration du délai de départ volontaire de trente jours qui a été imparti à Mme A... pour quitter le territoire français ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... ;

5. Considérant, en premier lieu, que la décision portant obligation de quitter le territoire français comporte l'ensemble des considérations de droit, en particulier le rappel du 6°de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de fait sur lesquelles elle est fondée ; qu'elle répond ainsi aux exigences de motivation résultant des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône se serait abstenu d'examiner la situation particulière de Mme A... avant de décider de l'obliger à quitter le territoire français ;

7. Considérant, en troisième lieu, que Mme A... n'ayant pas présenté de demande de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de la violation de cette disposition est inopérant ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A... est arrivée en France en mars 2016, quatorze mois avant la décision contestée ; que si elle soutient qu'elle serait rejetée par sa famille, en particulier par son père, cette circonstance, de même que les efforts d'intégration et d'apprentissage de la langue française dont elle fait état, ne suffisent pas à établir que la mesure d'éloignement en litige porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux objectifs qu'elle poursuit ; qu'ainsi, cette mesure ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte de la motivation de la décision fixant le pays de renvoi que, contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet du Rhône a procédé à un examen particulier de sa situation au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen tiré de ce qu'il aurait méconnu à cet égard l'étendue de sa compétence doit, par suite, être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 4 mai 2017 ; que le préfet du Rhône est dès lors fondé à demander l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande de Mme A... devant ce tribunal ; que les conclusions à fin d'injonction présentées en appel par Mme A... et celles tendant à l'application, au bénéfice de son avocate, de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 31 août 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus de ses conclusions en appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à Mme C... A....

Copie en sera adressée :

- au préfet du Rhône ;

- au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2018 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre ;

Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;

Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 mai 2018.

2

N° 17LY03418


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03418
Date de la décision : 29/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : FRERY

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-05-29;17ly03418 ?
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