Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... et Mme E... A... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2014 par lequel le maire de Montigny-la-Resle a ordonné la démolition totale de la grange leur appartenant située 3 ruelle de la Promenade, ainsi que le rejet implicite de leur recours gracieux formé contre cet arrêté et d'annuler le titre exécutoire émis par la commune de Montigny-la-Resle le 4 avril 2015, d'un montant de 2 898 euros, en vue du remboursement des travaux de démolition de cette grange.
Par jugement n° 1501517 et 1501518 du 25 février 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 mai 2016, M. B... A... et Mme E... A..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 février 2016 ;
2°) d'annuler la décision du maire de Montigny-la-Resle du 17 décembre 2014 et la décision implicite de rejet de leur recours gracieux contre cette décision ;
3°) d'annuler le titre exécutoire émis le 4 avril 2015 et la décision implicite de rejet de leur recours gracieux contre ce titre ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Montigny-la-Resle la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
S'agissant de l'arrêté du 17 décembre 2014 :
- le tribunal a estimé à tort que la situation de leur grange suite à son effondrement partiel créait un péril particulièrement grave et imminent ;
- le maire n'était pas fondé à faire usage de ses pouvoirs de police générale et a méconnu les dispositions L. 511-1 du code de la construction de l'habitation ;
S'agissant du titre exécutoire :
- le titre exécutoire méconnaît l'article L. 1717-5 du code général des collectivités territoriales, en ce qu'il ne mentionne ni le nom, ni le prénom, ni la qualité de la personne qui l'a émis ;
- il est illégal à raison de l'illégalité de l'arrêté du 17 décembre 2014.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2017, la commune de Montigny-la-Resle, représentée par Me D... conclut au rejet de la requête et demande la condamnation de M. et Mme A... à lui verser une indemnité de 5 000 euros pour recours abusif ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 22 décembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 janvier 2018.
Par lettre du 16 février 2018, les parties ont été informées de ce que la cour est susceptible de fonder sa décision sur un moyen relevé d'office.
La commune de Montigny-la-Resle a présenté un mémoire, enregistré le 21 février 2018, en réponse à la communication d'un moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités locales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,
- et les observations de Me D... pour la commune de Montigny-la-Resle ;
1. Considérant qu'à la suite de l'effondrement partiel, survenu le 17 décembre 2014, de la grange dont M. et Mme A... sont propriétaires dans la commune de Montigny-la-Resle, le maire de cette commune a ordonné la démolition de ce bâtiment par un arrêté du même jour, pris sur le fondement des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales et qui a été exécuté d'office le jour même ; que, le 4 avril 2015, un titre de recettes exécutoire, d'un montant de 2 898 euros, a été émis par la commune en vue du remboursement des travaux de démolition de la grange des épouxA... ; que, par un jugement du 26 février 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté le recours en annulation présenté par M. et Mme A...contre cet arrêté du 17 décembre 2014 et ce titre exécutoire du 4 avril 2015 ; que M. et Mme A... demandent à la cour d'annuler ce jugement ainsi que les actes contestés ;
Sur les conclusions de M. et Mme A... :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend (...) la démolition ou la réparation des édifices (...) menaçant ruine (...) / 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents (...), de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2212-4 du même code : " En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances (...) " ; que ces dispositions autorisent notamment le maire, en cas de danger grave ou imminent, à ordonner l'exécution de travaux sur une propriété privée en les faisant réaliser par la commune ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales : " Le maire prescrit la réparation ou la démolition des murs, bâtiments, édifices ou monuments funéraires menaçant ruine dans les conditions prévues aux articles L. 511-1 à L. 511-4-1 du code de la construction et de l'habitation. " ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation : " Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique, dans les conditions prévues à l'article L. 511-2. Toutefois, si leur état fait courir un péril imminent, le maire ordonne préalablement les mesures provisoires indispensables pour écarter ce péril, dans les conditions prévues à l'article L. 511-3. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-2 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Le maire, par un arrêté de péril pris à l'issue d'une procédure contradictoire dont les modalités sont définies par décret en Conseil d'Etat, met le propriétaire de l'immeuble menaçant ruine (...) en demeure de faire dans un délai déterminé, selon le cas, les réparations nécessaires pour mettre fin durablement au péril ou les travaux de démolition, ainsi que, s'il y a lieu, de prendre les mesures indispensables pour préserver les bâtiments contigus. / (...) Si l'état du bâtiment, ou d'une de ses parties, ne permet pas de garantir la sécurité des occupants, le maire peut assortir l'arrêté de péril d'une interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux qui peut être temporaire ou définitive. / (...) / III. - Sur le rapport d'un homme de l'art, le maire constate la réalisation des travaux prescrits ainsi que leur date d'achèvement et prononce la mainlevée de l'arrêté de péril et, le cas échéant, de l'interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux. / (...) / V. - A défaut de réalisation des travaux dans le délai imparti, le maire, par décision motivée, fait procéder d'office à leur exécution. Il peut également faire procéder à la démolition prescrite, sur ordonnance du juge statuant en la forme des référés, rendue à sa demande. / (...) / Lorsque la commune se substitue au propriétaire défaillant et fait usage des pouvoirs d'exécution d'office qui lui sont reconnus, elle agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-3 du même code : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. / Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. / Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. En ce cas, le maire agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais. / Si les mesures ont à la fois conjuré l'imminence du danger et mis fin durablement au péril, le maire, sur le rapport d'un homme de l'art, prend acte de leur réalisation et de leur date d'achèvement. / Si elles n'ont pas mis fin durablement au péril, le maire poursuit la procédure dans les conditions prévues à l'article L. 511-2. " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Les frais de toute nature, avancés par la commune lorsqu'elle s'est substituée aux propriétaires ou copropriétaires défaillants, en application des dispositions des articles L. 511-2 et L. 511-3, sont recouvrés comme en matière de contributions directes. (...) " ;
4. Considérant que les pouvoirs de police générale reconnus au maire par les dispositions précitées des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, qui s'exercent dans l'hypothèse où le danger menaçant un immeuble résulte d'une cause qui lui est extérieure, sont distincts des pouvoirs qui lui sont conférés dans le cadre des procédures de péril ou de péril imminent régies par les articles L. 511-1 à L. 511-4-1 du code de la construction et de l'habitation, auxquels renvoie l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales, qui doivent être mis en oeuvre lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres ; que toutefois, en présence d'une situation d'extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent, le maire peut, quelle que soit la cause du danger, faire légalement usage de ses pouvoirs de police générale, et notamment prescrire l'exécution des mesures de sécurité qui sont nécessaires et appropriées ;
5. Considérant toutefois, que pour l'application des dispositions de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, qui autorisent le maire, en cas de danger grave ou imminent, à ordonner l'exécution de travaux sur une propriété privée en les faisant réaliser par la commune, il incombe à la commune de réaliser ces travaux de protection à ses frais ; qu'il appartiendrait seulement à la commune, si elle estime que le manquement du propriétaire à des obligations lui incombant a contribué à créer la situation de risque, d'exercer à son encontre une action tendant à mettre en cause sa responsabilité civile ;
6. Considérant qu'il ressort du constat d'huissier établi le vendredi 17 décembre 2014, que la grange de M. et Mme A..., édifiée en pierres et en parpaings, a été très gravement endommagée suite à l'effondrement d'une partie de la toiture et du mur situé en limite de propriété voisine, survenu le même jour à 11h30 ; que si M. et Mme A... soutiennent que l'état de l'immeuble ne justifiait pas sa destruction, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'eu égard à sa vétusté, due au manque d'entretien, à la nature diverse de ses matériaux de construction et à son état après le sinistre, ce bâtiment menaçait de s'effondrer à tout moment et de causer ainsi d'importants dommages aux riverains et aux usagers d'une voie publique fréquentée ; que, dès lors, compte tenu de l'urgence de la situation et de la gravité particulière du danger que faisait peser l'état de péril de l'immeuble sur la sécurité publique, le maire a pu légalement faire application des pouvoirs qui lui sont reconnus par les articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales et prendre une mesure nécessaire et appropriée, en prescrivant la démolition de l'immeuble menaçant de s'effondrer ;
7. Considérant que l'arrêté du 17 décembre 2014 du maire de Montigny-la-Resle, pris sur le fondement de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, ordonne non seulement la démolition de l'immeuble de M. et Mme A... mais prescrit également, en son article 2, que les frais de démolition facturés seront mis à la charge des propriétaires au moyen d'un titre de recettes ; que la commune n'a pu, sans méconnaître le champ d'application des dispositions du code de la construction et de l'habitation citées au point 3, mettre à la charge des époux A...les frais afférents aux travaux de démolition de leur grange, entrepris sur le fondement de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté du maire de Montigny-la-Resle du 17 décembre 2014 qu'en tant que, par son article 2, il prescrit que les frais de démolition de leur immeuble seront mis à leur charge ; que le titre exécutoire émis le 4 avril 2015, qui trouve son fondement dans cet article 2 de l'arrêté du 17 décembre 2014, doit être annulé par voie de conséquence et les époux A...déchargés de l'obligation de payer la somme en litige ; que les requérants sont, dans cette mesure, fondés à demander la réformation du jugement attaqué ;
Sur les conclusions reconventionnelles de la commune de Montigny-la-Resle à fin de condamnation des requérants à des dommages et intérêts :
9. Considérant qu'eu égard à ce qui est dit ci-dessus aux points 7 et 8, le recours des époux A...ne peut être regardé comme abusif ; que, par suite, les conclusions de la commune de Montigny-la-Resle tendant à la condamnation des requérants à des dommages et intérêts pour recours abusif doivent être rejetées ;
Sur les frais liés au litige :
10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. et Mme A..., d'une part, et par la commune de Montigny-la-Resle, d'autre part, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : L'article 2 de l'arrêté du maire de Montigny-la-Resle du 17 décembre 2014 et le titre exécutoire émis le 4 avril 2015 sont annulés.
Article 2 : M. et Mme A... sont déchargés de l'obligation de payer la somme de 2 898 euros faisant l'objet du titre exécutoire du 4 avril 2015.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 février 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et à la commune de Montigny-la-Resle.
Délibéré après l'audience du 27 février 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre ;
M. Antoine Gille, président-assesseur ;
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 mars 2018.
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N° 16LY01651