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15/02/2018 | FRANCE | N°17LY01789

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 15 février 2018, 17LY01789


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2016 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.

Par un jugement n° 1700139 du 27 mars 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requê

te enregistrée le 26 avril 2017, M. C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2016 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.

Par un jugement n° 1700139 du 27 mars 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 avril 2017, M. C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 mars 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 31 octobre 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale", dans le délai d'un mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal a entaché son jugement d'une omission à statuer sur le moyen tiré du défaut de consultation de la commission du titre de séjour ;

- le refus de titre de séjour a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- ce refus viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale par suite de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire.

Par décision du 11 mai 2017 le bureau d'aide juridictionnelle a admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;

1. Considérant que M. C..., ressortissant de la République de Sierra Leone né en 1967, est entré en France, selon ses déclarations, le 26 octobre 2003 ; qu'après le rejet de sa demande d'asile et de sa demande de réexamen de cette demande et le rejet d'une demande de titre de séjour pour raisons de santé à l'expiration d'une autorisation provisoire de séjour qu'il avait obtenue pour ce motif, il a présenté, le 9 mars 2016, une demande de régularisation exceptionnelle de sa situation sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il relève appel du jugement du 27 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 31 octobre 2016 portant rejet de cette demande de régularisation du 9 mars 2016, obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et désignation du pays de renvoi en cas d'éloignement forcé ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que M. C... a soulevé devant le tribunal un moyen tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour qui n'était pas inopérant ; que le tribunal, qui a visé ce moyen sans y répondre, a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler ce jugement et de statuer par voie d'évocation sur la demande de M. C... devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Sur la légalité des décisions du préfet de l'Isère du 31 octobre 2016 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission du titre de séjour la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ;

4. Considérant que M. C..., qui allègue avoir perdu une pochette complète de documents concernant la période au cours de laquelle il soutient avoir résidé en France, ne justifie pas de sa présence habituelle depuis dix ans à la date de la décision contestée en l'absence d'éléments suffisamment probants produits pour les années 2007 et 2008, hormis un relevé de la caisse primaire d'assurance maladie faisant état d'une consultation médicale en juillet 2007 et un contrat personnalisé d'aide à l'intégration conclu en juillet 2008 avec l'association A.M.A..., lesquels ne permettent pas de justifier de la continuité de sa présence pour ces années ; que le préfet de l'Isère n'était donc pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de lui refuser l'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de consultation de cette commission doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

6. Considérant que M. C... ne démontre pas résider en France habituellement depuis plus de dix ans, ainsi qu'il a été dit au point 4 ; que le requérant ne saurait en tout état de cause sérieusement se prévaloir, au soutien du moyen tiré de la violation des stipulations citées au point 5, de la durée pendant laquelle il s'est maintenu irrégulièrement en France en dépit de refus de titres de séjour et d'une mesure d'éloignement dont la légalité a été confirmée par la juridiction administrative ; que M. C..., célibataire et sans charge de famille, ne dispose d'aucune attache familiale en France, où il ne démontre aucune intégration particulière ; qu'il a vécu la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine où il a nécessairement conservé des liens ; qu'il ne démontre pas la réalité des violences subies dans ce pays ni, par suite, qu'il ne pourrait y poursuivre sa vie privée ; que, dans ces conditions, alors même qu'il aurait tissé des liens amicaux en France, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour en litige porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts que cette décision entend poursuivre, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant, en troisième lieu, que la demande de titre de séjour de M. C... n'ayant pas été présentée sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de la violation de cette disposition est inopérant ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;

9. Considérant qu'en se prévalant de la durée de son séjour sur le territoire national, du réseau amical et social qu'il aurait tissé en France et de l'existence de risques auxquels il serait exposé en Sierra Leone sans assortir cette allégation de la production d'éléments circonstanciés et probants, le requérant n'établit pas au regard de sa situation telle qu'elle a été exposée au point 6 que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que sa situation ne répond pas aux critères de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point 8 ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant, en premier lieu, que compte tenu de ce qui est dit aux points 3 à 9 ci-dessus, le requérant n'est pas fondé à invoquer l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français ;

11. Considérant, en second lieu, que les moyens selon lesquels l'obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les motifs déjà exposés aux points 6 et 9 ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

12. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. " ;

13. Considérant que si le requérant, dont la demande d'asile et de réexamen ont été rejetées par les instances compétentes, soutient qu'il encourt des risques en cas de retour en Sierra Leone, il se borne à renvoyer à son récit et à des mandats d'arrêts non produits dans la présente instance, qui ne sont pas de nature à établir de manière probante la réalité et l'actualité des risques allégués ; que le moyen tiré de la violation des stipulations citées au point 12 doit, par suite, être écarté ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions accessoires à fin d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application, au bénéfice de son avocat, de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 mars 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Grenoble et le surplus de ses conclusions en appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2018 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre ;

M. Antoine Gille, président-assesseur ;

Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 février 2018.

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N° 17LY01789

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY01789
Date de la décision : 15/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : KUMMER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-02-15;17ly01789 ?
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