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19/12/2017 | FRANCE | N°17LY02860

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 19 décembre 2017, 17LY02860


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 12 avril 2017 prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et portant désignation du pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre dans le délai de quinze jours, sous astreinte, ou, à défaut de réexaminer sa situation, d'enjoindre au préfet d'effacer

son signalement de non admission dans le système de signalement Schengen dans le dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 12 avril 2017 prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et portant désignation du pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre dans le délai de quinze jours, sous astreinte, ou, à défaut de réexaminer sa situation, d'enjoindre au préfet d'effacer son signalement de non admission dans le système de signalement Schengen dans le délai de quinze jours, sous astreinte, et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Par un jugement n° 1703593 du 15 juin 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions du préfet du Rhône du 12 avril 2017, a enjoint au préfet de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, a mis à la charge de l'Etat le versement à l'avocat de M. A... d'une somme de 400 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour

I) Par une requête enregistrée le 24 juillet 2017, le préfet du Rhône demande à la cour d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 15 juin 2017, avec toutes conséquences de droit.

Il soutient que c'est à tort que le premier juge a estimé qu'il avait privé M. A... de son droit d'être entendu avant l'intervention des décisions en litige en méconnaissance des droits de la défense reconnus par un principe général du droit de l'Union européenne.

Par un mémoire enregistré le 16 novembre 2017, M. B... A..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête ou, à titre subsidiaire, à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 12 avril 2017, à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui délivrer une carte de séjour dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation, à ce qu'il soit enjoint à l'administration d'effacer son signalement dans le système d'information Schengen dans le même délai et sous la même astreinte et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à Me C... d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés ;

- son droit à être entendu préalablement à une décision administrative a été méconnu ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;

- les décisions en litige violent les articles 8 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne l'admettant pas au séjour au titre de son pouvoir de régularisation.

II) Par une requête enregistrée le 25 juillet 2017, le préfet du Rhône demande à la cour, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, de surseoir à l'exécution de ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 15 juin 2017, avec toutes conséquences de droit.

Par un mémoire enregistré le 16 novembre 2017, M. B... A..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête à fin de sursis et demande que soit mis à la charge de l'Etat le versement à Me C... d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans les deux instances par décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 5 septembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Yves Boucher, président de chambre,

- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,

- et les observations de Me C... pour M. A... ;

1. Considérant que M. A..., ressortissant albanais, entré en France en août 2016 en compagnie de son épouse et de ses deux enfants mineurs, a déposé une demande d'asile le 22 août 2016 ; que cette demande a été rejeté par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 21 novembre 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) par décision du 15 février 2017 ; que, par arrêté du 12 avril 2017, le préfet du Rhône a alors prononcé à l'encontre de l'intéressé une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 6° de L. 511-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permet une telle mesure d'éloignement " Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; " ; que le préfet du Rhône relève appel du jugement du 15 juin 2017 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté du 12 avril 2017 portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignation du pays de renvoi en cas d'éloignement forcé de M. A... à l'expiration de ce délai ;

Sur la requête à fin d'annulation :

2. Considérant que, pour annuler l'arrêté en litige, le premier juge s'est fondé sur la méconnaissance par le préfet du droit de M. A... à être entendu préalablement à l'édiction d'une mesure administrative défavorable prise à son encontre, droit qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne ;

3. Considérant que, lorsqu'il présente une demande d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français sur ce fondement, ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande il pourra faire l'objet d'un refus de titre de séjour et, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé, d'une mesure d'éloignement du territoire français ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur à la préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ;

4. Considérant que M. A... fait valoir qu'à la date de l'arrêté attaqué, il avait obtenu, par l'intermédiaire d'une application informatique mise par la préfecture à la disposition des étrangers souhaitant déposer une première demande de titre de séjour, une convocation délivrée automatiquement par cette application pour un rendez-vous fixé au 7 juin 2016, en vue de déposer une demande d'admission au séjour à un autre titre que l'asile ; que l'accomplissement de cette démarche n'est toutefois pas de nature à faire regarder l'intéressé comme ayant été privé de la faculté de faire valoir, au cours de l'instruction de sa demande d'asile ou après le rejet de celle-ci, tout élément pouvant faire obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise à son encontre, sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 1 ; qu'il était en effet en mesure, en tant que de besoin, indépendamment de cette démarche, de porter à la connaissance de l'administration, par tout moyen approprié, les éléments relatifs à sa situation pouvant faire selon lui obstacle à son éloignement après le rejet définitif de sa demande d'asile ; que, par suite, le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur la méconnaissance du droit de l'intéressé à être entendu pour annuler l'obligation de quitter le territoire français et les mesures accessoires en litige ;

5. Considérant qu'il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... ;

6. Considérant, en premier lieu, que le moyen de M. A... selon lequel le préfet aurait dû examiner sa situation au regard du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif aux conditions de délivrance aux étrangers d'une carte de séjour temporaire au titre de leurs liens personnels et familiaux en France, à l'appui duquel il est seulement allégué que Mme A... devrait être admise au séjour pour raisons de santé, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que, dans les motifs de l'arrêté attaqué, le préfet du Rhône a d'abord rappelé les conditions dans lesquelles M. A... est entré en France en août 2016 avec sa famille, a ensuite relevé que sa demande d'asile avait été rejetée par l'OFPRA puis la CNDA et qu'il ne pouvait plus, de ce fait, se prévaloir d'un droit à se maintenir sur le territoire français et a enfin examiné, au vu des éléments dont il disposait, s'il existait un obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement fût prise à son encontre ou à ce qu'il fût éloigné à destination de son pays d'origine ; que, contrairement à ce que soutient M. A..., le préfet a ainsi procédé à un examen particulier des circonstances de l'affaire avant de prendre ses décisions ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ;

9. Considérant qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. A... se trouvait en France depuis environ huit mois ; que son épouse fait également l'objet d'une mesure d'éloignement ; que les enfants mineurs des intéressés ont vocation à accompagner leurs parents en cas de retour en Albanie et à poursuivre leur scolarité dans ce pays ; que M. A... ne peut, eu égard au caractère récent de son arrivée en France, être regardé comme y ayant établi le centre de ses intérêts personnels et familiaux, alors même qu'il y a noué des liens sociaux et que ses enfants sont scolarisés, ni comme étant dépourvu de tout lien avec son pays d'origine dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge d'environ trente-six ans ; que, dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les décisions qu'il conteste portent à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elles entendent poursuivre ni qu'elles méconnaissent l'intérêt supérieur de ses enfants ; que les moyens selon lesquels ces décisions ont été prises en méconnaissance des stipulations citées au point 8 doivent, dès lors, être écartés ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que, pour les motifs exposés au point 9, ces décisions n'apparaissent pas davantage entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation personnelle de M. A... ;

11. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ; qu'en se bornant à faire état, sans précisions circonstanciées, d'une agression dont son épouse aurait été victime en Albanie sur fond de conflit familial, M. A..., dont la demande d'asile a par ailleurs été rejetée par l'OFPRA et la CNDA, n'établit pas qu'il serait, en cas de retour dans ce pays, actuellement et personnellement exposé à y subir des traitements contraires à ces stipulations ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à demander, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet de la demande de M. A... tendant à l'annulation de son arrêté du 12 avril 2017 ;

13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 12 avril 2017, n'implique aucune mesure d'exécution au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ; que les conclusions de M. A... tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de prendre de telles mesures doivent dès lors être rejetées ;

Sur la requête à fin de sursis à exécution :

14. Considérant que le présent arrêt statuant sur la requête du préfet du Rhône tendant à l'annulation du jugement attaqué, la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement se trouve privée d'objet ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le versement à l'avocat de M. A... des sommes que celui-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans les présentes instances ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 15 juin 2017 est annulé.

Article 2 : La demande de M. A... devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête du préfet du Rhône n° 17LY02872.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Copie en sera adressée :

- au préfet du Rhône ;

- au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président,

M. Antoine Gille, président-assesseur,

Mme Christine Psilakis, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 décembre 2017.

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N°s 17LY02860, 17LY02872

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02860
Date de la décision : 19/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Yves BOUCHER
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-12-19;17ly02860 ?
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