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19/12/2017 | FRANCE | N°17LY00598

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 19 décembre 2017, 17LY00598


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 16 octobre 2015 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai et d'enjoindre au préfet, sous astreinte, de lui délivrer un titre ou de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1601017 du 2 novembre 2016 le trib

unal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 16 octobre 2015 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai et d'enjoindre au préfet, sous astreinte, de lui délivrer un titre ou de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1601017 du 2 novembre 2016 le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 10 février 2017, Mme D... C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 novembre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 16 octobre 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale".

Elle soutient que :

- la décision lui refusant un titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- cette obligation méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire et elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Mme C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 10 janvier 2017.

Par un mémoire enregistré le 22 novembre 2017, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller,

- et les observations de Me B... pour MmeC... ;

1. Considérant que Mme C..., ressortissante gabonaise née en 1980, est entrée en France le 29 septembre 2000, munie d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour portant la mention "étudiant" ; qu'elle a bénéficié d'une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" régulièrement renouvelée jusqu'au 30 juin 2011 ; qu'elle a sollicité, le 29 décembre 2011, un changement de statut afin de se voir délivrer une carte de résident ou une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ; que, par arrêté du 1er mars 2013, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné comme pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office à l'expiration de ce délai celui dont elle a la nationalité ou tout autre pays dans lequel elle établirait être légalement admissible ; que, par jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 septembre 2013 confirmé en appel par arrêt du 3 juillet 2014, son recours en annulation contre cet arrêté a été rejeté ; que suite à une nouvelle demande de titre de séjour de l'intéressée, le préfet du Rhône a, par arrêté du 16 octobre 2015, refusé à nouveau de lui accorder un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé ; que Mme C... relève appel du jugement du 2 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté du 16 octobre 2015 ;

Sur la légalité des décisions du préfet du Rhône du 16 octobre 2015 :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

3. Considérant que Mme C... réside régulièrement en France depuis près de quinze ans à la date des décisions contestées et que ses deux enfants nés en 2009 et 2012 en France, bien que de nationalité gabonaise, résident sur le territoire français depuis leur naissance et y sont scolarisés ; que, malgré l'existence d'attaches familiales dans son pays où réside notamment le père de l'un de ses enfants, sa mère et son père dont il ressort des pièces du dossier qu'il est actuellement incarcéré pour avoir participé à des manifestations suite aux dernières élections présidentielles, Mme C... doit être regardée comme ayant fixé ses attaches privées et familiales en France où résident, sous couvert d'un titre de séjour étudiant, son frère et l'une de ses soeurs ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, le préfet du Rhône ne pouvait refuser de lui délivrer un titre de séjour sans porter à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs pour lesquels cette décision a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales citées au point 2 ; que le refus de titre de séjour en litige et, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français dont il est assorti et la décision fixant le pays de renvoi doivent dès lors être annulés ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation des décisions du préfet du Rhône du 16 octobre 2015 ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

6. Considérant qu'eu égard au motif qui fonde l'annulation prononcée par le présent arrêt et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans la situation de droit ou de fait de la requérante y fasse obstacle, cette annulation implique nécessairement que le préfet du Rhône délivre à Mme C... la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" prévue au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en conséquence, il y a lieu d'enjoindre à l'autorité compétente de délivrer ce titre à Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 février 2017 et les décisions du préfet du Rhône du 16 octobre 2015 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mme C... une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée :

- au préfet du Rhône ;

- au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre,

M. Antoine Gille, président-assesseur,

Mme Christine Psilakis, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 décembre 2017.

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N° 17LY00598

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00598
Date de la décision : 19/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : FRERY

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-12-19;17ly00598 ?
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