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19/12/2017 | FRANCE | N°16LY04283

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 19 décembre 2017, 16LY04283


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 31 décembre 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1603235 du 21 septembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

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r une requête enregistrée le 22 décembre 2016 et un mémoire enregistré le 24 novembre 2017, qui n'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 31 décembre 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1603235 du 21 septembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 22 décembre 2016 et un mémoire enregistré le 24 novembre 2017, qui n'a pas été communiqué, Mme C..., représentée par Me°Petit, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 septembre 2016 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 31 décembre 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans le mois suivant l'arrêt à intervenir ou de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée alors que le secret médical avait été levé ;

- ce refus ne procède pas d'un examen particulier de sa situation personnelle ;

- il est entaché d'erreur de fait dès lors que sa pathologie ne constitue pas une maladie courante ; que le tribunal n'a pas répondu à ce moyen, ce qui entache le jugement d'irrégularité ;

- il méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions supposent une appréciation concrète de la disponibilité du traitement dans le pays d'origine ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale par suite de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- cette obligation viole le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale par suite de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 17 novembre 2017, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Par une décision du 23 novembre 2016, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme C....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller,

- et les observations de Me B... pour MmeC... ;

1. Considérant que Mme C..., ressortissante de République démocratique du Congo née le 29 novembre 1954, est entrée irrégulièrement en France le 23 avril 2011 ; qu'après le rejet de sa demande d'asile, l'intéressée a bénéficié, compte tenu de son état de santé, d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile valable du 18 septembre 2012 au 17 septembre 2013 ; que le préfet du Rhône lui a refusé le renouvellement de cette carte de séjour par une décision du 23 juin 2014 assortie d'une obligation de quitter le territoire français ; que son recours contre ces décisions a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 novembre 2014 confirmé en appel par un arrêt du 4 juin 2015 ; que Mme C... a, le 20 janvier 2015, présenté une nouvelle demande de carte de séjour en invoquant l'aggravation de son état de santé ; que, par décisions du 18 décembre 2015, le préfet du Rhône a rejeté cette nouvelle demande, a fait obligation à l'intéressée de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé ; que Mme C... relève appel du jugement du 21 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le tribunal administratif, qui a répondu à tous les moyens soulevés par Mme C... devant lui et en particulier à celui tiré de la violation du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble de ses arguments, n'a pas entaché son jugement d'omission à statuer en ne répondant pas explicitement à son argument selon lequel les affections dont elle est atteinte ne sont pas courantes ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. Considérant, en premier lieu, que la décision en litige vise les textes dont elle fait application et énonce les considérations de fait et de droit propres à la situation de Mme C..., concernant notamment son état de santé, sur lesquelles elle est fondée ; que cette décision répond ainsi aux exigences formelles de motivation résultant, s'agissant d'une mesure de police, des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 alors en vigueur ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que s'il ressort des pièces du dossier que Mme C... souffre d'un syndrome post-traumatique, la seule circonstance que le préfet a motivé son refus de titre de séjour par référence aux capacités de la République Démocratique du Congo à prendre en charge les maladies courantes n'est pas, par elle-même, de nature à révéler un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressée ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ;

6. Considérant que, par un avis rendu le 9 novembre 2015, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut aurait pour l'intéressée des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'un traitement approprié n'existe pas dans son pays d'origine ; que, toutefois, le préfet du Rhône, qui n'était pas lié par cet avis, a refusé à la requérante la délivrance de la carte de séjour qu'elle demandait sur le fondement des dispositions citées au point 5 en estimant qu'elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié en République démocratique du Congo ; que pour remettre en cause la présomption d'indisponibilité des soins résultant de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet du Rhône a produit divers documents, notamment un courriel du médecin référent de l'ambassade de France à Kinshasa du 5 septembre 2013 mentionnant notamment que l'on trouve, dans les pharmacies de cette capitale, toutes les spécialités usuelles et notamment les médicaments inscrits à la pharmacopée belge et française ou leurs équivalents importés depuis l'Inde et selon lesquels les institutions de santé congolaises sont à même d'assurer le traitement des maladies courantes, y compris psychiatriques ; qu'en outre, le préfet a produit la liste des médicaments enregistrés en République Démocratique du Congo et des éléments d'information portés à la connaissance du ministère de l'intérieur néerlandais à partir d'une banque mondiale de données médicales dénommée MEDCOI (medical country of origin information), qui révèlent que des médicaments contenant une substance active identique ou similaire à ceux prescrits à la requérante existent dans son pays d'origine ; que la Quétiapine, substance active du Xeroquel y est notamment disponible ; que ces éléments ne sont pas contredits par ceux versés au dossier par la requérante, en particulier le rapport médical du docteur Bechetoille du 31 décembre 2014 indiquant que le Xeroquel ne serait pas sur le marché en République démocratique du Congo ; que ce seul certificat médical ne permet pas davantage d'établir que la pathologie de Mme C... ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans ce pays en raison d'un lien entre sa pathologie et des évènements qu'elle y aurait vécus ; que, par ailleurs, ainsi que l'a relevé le tribunal, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'hypertension dont souffre la requérante ou la leucopathie vasculaire dont elle pourrait être atteinte nécessitaient des soins à la date de la décision attaquée ; que, par suite, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur de fait ni méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que la pathologie de la requérante relève des maladies couramment traitées en République Démocratique du Congo ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant, en premier lieu, que compte tenu de ce qui est dit aux points 2 à 7 ci-dessus, la requérante n'est pas fondée à invoquer l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...) " ;

9. Considérant que, pour les motifs précédemment exposés au point 7 dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour opposé à Mme C... au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision obligeant l'intéressée à quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions citées au point précédent ;

Sur la décision désignant le pays de renvoi :

10. Considérant, en premier lieu, que compte tenu de ce qui est dit aux points 2 à 10 ci-dessus, la requérante n'est pas fondée à invoquer l'illégalité du refus de titre de séjour et celle de l'obligation de quitter le territoire français dont ce refus est assorti à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé ;

11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. " ;

12. Considérant que Mme C... soutient qu'elle encourt des risques de traitement contraires à ces stipulations en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son appartenance au mouvement d'opposition Bundu Dia Kongo (BDK) ; que, toutefois, ni l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ni la Cour nationale du droit d'asile n'ont tenu pour établies de telles craintes, dont la réalité ne saurait par ailleurs résulter du seul certificat médical établi le 22 mai 2012 par le docteur Biot à partir des propres déclarations de la requérante et qui se borne à constater l'existence de cicatrices compatibles avec son récit ; que les documents généraux produits au dossier, portant en particulier sur le sort des déboutés du droit d'asile renvoyés en République Démocratique du Congo, ne suffisent pas à établir que la requérante serait actuellement et personnellement exposée, ainsi qu'elle l'allègue, à subir, en cas de retour de ce pays, des traitements proscrits par les stipulations citées au point 11 ; que, par suite, en désignant ce pays comme pays de renvoi en cas d'éloignement forcé, le préfet du Rhône n'a pas méconnu ces stipulations ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions accessoires à fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application, au bénéfice de son avocat, de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre,

M. Antoine Gille, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 décembre 2017.

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N° 16LY04283

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY04283
Date de la décision : 19/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : PETIT

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-12-19;16ly04283 ?
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