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05/12/2017 | FRANCE | N°16LY01138

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 05 décembre 2017, 16LY01138


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Flocon d'Avril a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune d'Annecy-le-Vieux à lui verser la somme de 192 852,08 euros assortie des intérêts en réparation du préjudice que lui a causé le comportement fautif de cette commune à l'occasion de son projet de construction sur un terrain sis au lieu-dit Le Bulloz.

Par un jugement n° 1303212 du 1er février 2016, le tribunal administratif de Grenoble a partiellement fait droit à cette demande et a condamné la commune

d'Annecy-le-Vieux à verser à la société Flocon d'Avril une indemnité de 33 752,84...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Flocon d'Avril a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune d'Annecy-le-Vieux à lui verser la somme de 192 852,08 euros assortie des intérêts en réparation du préjudice que lui a causé le comportement fautif de cette commune à l'occasion de son projet de construction sur un terrain sis au lieu-dit Le Bulloz.

Par un jugement n° 1303212 du 1er février 2016, le tribunal administratif de Grenoble a partiellement fait droit à cette demande et a condamné la commune d'Annecy-le-Vieux à verser à la société Flocon d'Avril une indemnité de 33 752,84 euros assortie des intérêts légaux, ainsi qu'une somme de 1 200 euros au titre des frais d'instance.

Procédure devant la cour

I) Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 29 mars 2016 et 14 avril 2017, la société Flocon d'Avril, représentée par la SELARL CDMF-avocats affaires publiques, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 1er février 2016 en portant le montant de l'indemnité que la commune d'Annecy-le-Vieux a été condamnée à lui verser à la somme de 192 852,08 euros ;

2°) de lui allouer les intérêts légaux sur cette somme et leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Annecy-le-Vieux une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de la commune d'Annecy-le-Vieux est engagée à raison, d'une part, de la faute qu'a constitué le retrait de son permis de construire, qui pouvait être confirmé au bénéfice de la dérogation à l'article UP5 du plan local d'urbanisme qu'elle avait sollicitée, et, d'autre part, de l'illégalité de la décision du 15 octobre 2009 lui accordant de nouveau un permis de construire ;

- le préjudice qu'elle a subi en lien avec les fautes de la commune s'établit à la somme de 47 794,08 euros hors taxes en ce qui concerne les frais engagés en pure perte en vue de la réalisation de l'opération, comprenant les frais de constitution et de fonctionnement de la société, les frais d'architecte, les frais d'huissier et les frais de conseil qui ont été réglés et lui ont été facturés ;

- le préjudice subi en lien avec le comportement fautif de la commune est également constitué, à hauteur du montant de 145 058 euros attesté par son expert-comptable, de son manque à gagner au regard du résultat prévisionnel de l'opération qu'elle n'a pu mener à bien faute d'avoir pu, du fait des décisions critiquées et malgré ses diligences, régulariser l'acquisition de son terrain d'assiette ;

- la contestation de la régularité du jugement par la commune d'Annecy est dépourvue de fondement.

Par un mémoire enregistré le 4 avril 2017, la commune nouvelle d'Annecy, représentée par Me B..., conclut à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a prononcé sa condamnation et au rejet des conclusions de la société Flocon d'Avril, et demande qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement du 1er février 2016 est irrégulier, faute pour le rapporteur public d'avoir indiqué avec précision le sens de ses conclusions ;

- il a été renoncé volontairement au projet ;

- la requérante n'a pas sollicité le bénéfice d'une dérogation aux règles du plan local d'urbanisme avant le mois d'août 2009 ;

- les sommes mises à sa charge par le jugement au titre des frais engagés en pure perte ne sont pas justifiées et aucun lien de causalité entre les fautes retenues et ces préjudices n'est démontré ;

- c'est à juste titre que les préjudices constitués des frais de constitution et de fonctionnement de la société et le prétendu manque à gagner qu'elle invoque n'ont pas été retenus.

II) Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 1er avril 2016 et 5 avril 2017, la commune d'Annecy-le-Vieux, à laquelle s'est substituée la commune nouvelle d'Annecy, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 1er février 2016 et de rejeter la demande présentée par la société Flocon d'Avril devant ce tribunal ;

2°) de mettre à la charge de la société requérante une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement du 1er février 2016 est irrégulier, faute pour le rapporteur public d'avoir indiqué avec précision le sens de ses conclusions ;

- il a été renoncé volontairement au projet ;

- la requérante n'a pas sollicité le bénéfice d'une dérogation aux règles du plan local d'urbanisme avant le mois d'août 2009 ;

- les sommes mise à sa charge par le jugement au titre des frais engagé en pure perte ne sont pas justifiées et aucun lien de causalité entre les fautes retenues et les préjudices allégués n'est démontré ;

- c'est à juste titre que les chefs de préjudice constitués des frais de constitution et de fonctionnement de la société et du prétendu manque à gagner qu'elle invoque n'ont pas été retenus.

Par un mémoire enregistré le 14 avril 2017, la SARL Flocon d'Avril, représentée par la SELARL CDMF-avocats affaires publiques, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la commune nouvelle d'Annecy ;

2°) de faire droit à ses conclusions d'appel formées sous le n° 16LY01138 en portant le montant de l'indemnité que la commune d'Annecy-le-Vieux a été condamnée à lui verser à la somme de 192 852,08 euros assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la commune une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la contestation de la régularité du jugement par la commune nouvelle d'Annecy est dépourvue de fondement alors que celle-ci a en outre pu présenter des observations à l'audience et produire une note en délibéré ;

- la responsabilité de la commune d'Annecy-le-Vieux est engagée à raison, d'une part, de la faute qu'a constitué le retrait de son permis de construire, qui pouvait être confirmé au bénéfice de la dérogation à l'article UP5 du plan local d'urbanisme qu'elle avait sollicitée, et, d'autre part, de l'illégalité de la décision du 15 octobre 2009 lui délivrant de nouveau un permis ;

- le préjudice qu'elle a subi en lien avec les fautes de la commune s'établit à la somme de 47 794,08 euros hors taxes en ce qui concerne les frais engagés en pure perte en vue de la réalisation de l'opération, comprenant les frais de constitution et de fonctionnement de la société, des frais d'architecte, des frais d'huissier et des frais de conseil qui lui ont été facturés ou refacturés ;

- le préjudice subi en lien avec le comportement fautif de la commune est également constitué, à hauteur du montant de 145 058 euros attesté par son expert-comptable, du manque à gagner au regard du résultat prévisionnel de l'opération qu'elle n'a pu mener à bien faute d'avoir pu, du fait des décisions critiquées et malgré ses diligences, régulariser l'acquisition de son terrain d'assiette.

Par une ordonnance du 19 avril 2017 la clôture de l'instruction, initialement fixée au 18 avril 2017, a été reportée au 15 mai 2017 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative dans chacune des instances.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code civil, notamment son article 1842 ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Antoine Gille, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,

- et les observations de Me B... pour la société Flocon d'Avril, ainsi que celles de Me A... pour la commune nouvelle d'Annecy ;

Et après avoir pris connaissance des notes en délibéré présentées pour la commune nouvelle d'Annecy enregistrées le 15 novembre 2017 ;

1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus de la société Flocon d'Avril et de la commune d'Annecy-le-Vieux, à laquelle s'est substituée la commune nouvelle d'Annecy, sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par un seul arrêt ;

2. Considérant que la société Flocon d'Avril a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune d'Annecy-le-Vieux à lui verser la somme de 192 852,08 euros en réparation des divers préjudices que le comportement fautif de cette commune lui a causé en retirant son permis de construire du 30 mars 2009 puis en le lui restituant dans des conditions irrégulières ; que, par jugement du 1er février 2016, le tribunal administratif de Grenoble a mis à la charge de la commune d'Annecy-le-Vieux le versement à la société Flocon d'Avril de la somme de 33 752,84 euros assortie des intérêts légaux en réparation du préjudice constitué des frais engagés en pure perte pour la réalisation du projet de construction et a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires de cette société portant sur le manque à gagner résultant de l'abandon de ce projet ;

3. Considérant que la société Flocon d'Avril relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 1er février 2016 en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande ; que la commune nouvelle d'Annecy demande pour sa part l'annulation de ce même jugement et le rejet de la demande de la société Flocon d'Avril devant le tribunal administratif ;

Sur la régularité du jugement :

4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne " ; qu'il ressort des pièces du dossier, plus particulièrement du relevé de l'application dite "Sagace", qu'avant la tenue de l'audience du tribunal administratif, le sens des conclusions que le rapporteur public envisageait de prononcer a été porté à la connaissance des parties dans les termes suivants : " Indemnisation partielle (fautes de la commune) " ; qu'une telle mention, qui ne permet pas de connaître la position du rapporteur public sur le montant de l'indemnisation qu'il propose de mettre à la charge de la commune défenderesse, ne satisfait pas aux prescriptions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ; que, dans ces conditions et alors même que son avocat a pu présenter des observations orales à l'audience et produire une note en délibéré, la commune nouvelle d'Annecy est fondée à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 1er février 2016 a été rendu irrégulièrement et qu'il doit, par suite, être annulé ;

5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Flocon d'Avril devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Sur la responsabilité de la commune :

6. Considérant que, le 30 mars 2009, le maire de la commune d'Annecy-le-Vieux a délivré à la société Flocon d'Avril un permis de construire en vue de la réalisation de deux maisons d'habitation comportant trois logements sur un terrain sis au lieu-dit Le Bulloz ; que, sur le recours gracieux de voisins faisant valoir la méconnaissance des dispositions de l'article UP5 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, le maire d'Annecy-le-Vieux a, par arrêté du 26 juin 2009, retiré le permis de construire du 30 mars 2009 ; que, par un nouvel arrêté du 15 octobre 2009, le maire d'Annecy-le-Vieux a retiré sa décision du 26 juin précédent pour délivrer de nouveau à la société Flocon d'Avril le permis de construire sollicité en dérogeant aux exigences de l'article UP5 du règlement du PLU ; que, par un jugement du 15 décembre 2011 confirmé en appel le 31 juillet suivant, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté du 15 octobre 2009 au motif que les dispositions de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 avaient été méconnues, les voisins qui avaient formé le recours contre le permis de construire du 30 mars 2009 n'ayant pas été mis à même de présenter leurs observations sur le retrait de la décision du 26 juin 2009 ;

7. Considérant que, pour soutenir que la responsabilité pour faute de la commune d'Annecy-le-Vieux est engagée à son égard et demander la condamnation de celle-ci à l'indemniser des conséquences dommageables de l'abandon de son projet de construction, la société Flocon d'Avril fait valoir que, lorsqu'il a été statué le 26 juin 2009 sur le recours gracieux présenté par des voisins du projet, son permis de construire du 30 mars précédent aurait dû être confirmé au bénéfice de la dérogation aux règles du PLU qui lui a finalement été accordée et que l'annulation pour vice de procédure de la décision par laquelle le retrait de son permis a lui-même été retiré le 15 octobre 2009 l'a empêchée de mener à bien son projet ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'acte de constitution de la SARL Flocon d'Avril n'a été dressé en vue de son inscription au registre du commerce et des sociétés qu'au mois de juillet 2010 ; que, comme le relève la commune nouvelle d'Annecy dont les écritures ne sont d'ailleurs pas contredites sur ce point, la décision du maire d'Annecy-le-Vieux du 30 mars 2009 prise sur la demande signée par M. C... et délivrant un permis de construire à la société Flocon d'Avril est ainsi intervenue au profit d'une personne morale dépourvue d'existence légale ; qu'eu égard à la chronologie des faits de l'espèce et en l'absence au dossier de tout élément de nature à établir l'inverse, cette société ne pouvait davantage être regardée comme étant à cette date en cours de formation ; que, dans ces conditions et alors que le permis de construire du 30 mars 2009 ne pouvait légalement être délivré à la société Flocon d'Avril et créer des droits à son profit, ni son retrait par décision du 26 juin 2009 ni l'illégalité du retrait de cette dernière décision intervenu le 15 octobre suivant ne sont de nature à engager la responsabilité de la commune à l'égard de cette société ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Flocon d'Avril n'est pas fondée à demander réparation à la commune nouvelle d'Annecy du préjudice qu'elle allègue avoir subi du fait des décisions du maire d'Annecy-le-Vieux des 26 juin et 15 octobre 2009 ;

Sur les frais d'instance :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de la commune nouvelle d'Annecy, qui n'est pas partie perdante ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Flocon d'Avril le versement à la commune nouvelle d'Annecy de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 1er février 2016 est annulé.

Article 2 : La demande de la société Flocon d'Avril devant le tribunal administratif de Grenoble, les conclusions de sa requête n° 16LY01138 et ses conclusions dans l'instance n° 16LY01177 tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La société Flocon d'Avril versera la somme de 2 000 euros à la commune nouvelle d'Annecy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Flocon d'Avril et à la commune nouvelle d'Annecy.

Délibéré après l'audience du 13 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre,

M. Antoine Gille, président-assesseur,

M. Thierry Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 décembre 2017.

2

N°s 16LY01138, 16LY01177

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01138
Date de la décision : 05/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services de l'urbanisme.

Responsabilité de la puissance publique - Problèmes d'imputabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Antoine GILLE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : CDMF-AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-12-05;16ly01138 ?
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