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21/11/2017 | FRANCE | N°16LY04260

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 21 novembre 2017, 16LY04260


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... et Mme D... E... épouse A... ont chacun demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 29 septembre 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé.

Par un jugement n° 1601193-1601596 du 13 septembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a joint ces demandes et les a rejetées.
>Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2016, M. et Mme A....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... et Mme D... E... épouse A... ont chacun demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 29 septembre 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé.

Par un jugement n° 1601193-1601596 du 13 septembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a joint ces demandes et les a rejetées.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2016, M. et Mme A..., représentés par la SCP Robin-C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 septembre 2016 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 29 septembre 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- le refus de titre de séjour opposé à M. A... méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les refus de titre de séjour méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- les obligations de quitter le territoire français sont privées de base légale par suite de l'illégalité des décisions portant refus de titres de séjour ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la mesure d'éloignement prise à l'encontre de M. A... méconnaît le 10°de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions fixant le pays de renvoi sont privées de base légale par suite de l'illégalité des décisions précédentes.

Le préfet du Rhône a présenté un mémoire enregistré le 23 octobre 2017, postérieurement à la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.

Par une décision commune du 16 novembre 2016, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. et Mme A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller,

- et les observations de Me C..., pour M. et Mme A....

1. Considérant que M. et Mme A..., de nationalité albanaise, sont entrés en France le 30 décembre 2012, accompagnés de leur fils ; que leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 septembre 2013, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 25 juillet 2014 ; que M. A... a sollicité, le 14 août 2014, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que son épouse a sollicité, le même jour, son admission au séjour sur le fondement du 7° du même article, en qualité d'accompagnante de son conjoint malade ; que, par décisions du 29 septembre 2015, le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé ; que M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 13 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la légalité des refus de titres de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre de troubles du comportement de type autistique d'origine génétique avec déficit intellectuel, le rendant dépendant de son épouse pour les actes de la vie courante ; que le syndrome micodélétionnel qu'il présente s'accompagne de risques de surpoids et d'épilepsie ainsi que de troubles bipolaires et d'anxiété ; que le médecin de l'agence régionale de santé a estimé, dans son avis du 5 septembre 2014, que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que les soins doivent en l'état actuel être poursuivis et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine ; que, pour s'écarter de cet avis, le préfet du Rhône s'est fondé sur l'ensemble des éléments relatifs aux capacités en matière de soins médicaux et aux médicaments disponibles en Albanie , résultant notamment des informations fournies par l'ambassade de France à Tirana le 20 juin 2013, par le rapport de l'organisation internationale pour les migrations en date du 6 avril 2009 et par le rapport du comité d'informations médicales du 21 août 2009, et a estimé que ces éléments démontrent le sérieux et les capacités des institutions albanaises qui sont à même de traiter la majorité des maladies courantes, les ressortissants albanais étant indéniablement à même de trouver en Albanie un traitement approprié à leur état de santé ; que le préfet a en première instance produit différentes pièces établissant que l'Albanie dispose de structures médicales, notamment à Tirana, de médecins spécialisés et de médicaments pour le traitement des maladies psychiatriques et psychologiques ; que, pour soutenir qu'il ne peut bénéficier de la prise en charge médicale dont il a besoin en Albanie, M. A... se prévaut en appel d'ordonnances médicales et d'un certificat émanant d'un psychiatre exerçant au centre hospitalier du Vinatier précisant que l'état de santé de M. A... nécessite un suivi psychiatrique au long cours associant la mise en place d'un suivi psychothérapeutique complexe et d'un traitement médicamenteux associant un anxiolytique, un neuroleptique, un antidépresseur et un hypnotique ; qu'il ne ressort pas de ce certificat, qui fait seulement état de ruptures d'approvisionnement pharmaceutique et de doutes sur l'accessibilité du traitement, qu'il n'existerait pas, en Albanie, un traitement approprié à la pathologie de M. A... ; que si l'intéressé fait encore valoir que les évènements traumatisants qu'il a vécu dans son pays d'origine ont été de nature à aggraver ses troubles, il n'est pas établi que son état ferait obstacle à un traitement approprié à son état de santé dans ce pays ; que son épouse fait également l'objet d'un refus d'admission au séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, si bien que l'accompagnement dont il bénéficie pour les actes de la vie courante pourra se poursuivre en Albanie où la cellule familiale pourra se reconstituer ; que, par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé, le préfet du Rhône a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le préfet du Rhône a refusé à Mme A...la délivrance de la carte de séjour qu'elle avait sollicité sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au titre de son droit au respect de sa vie privée et familiale, en qualité d'accompagnant de son époux malade ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, M. A... pourra bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement adapté à sa pathologie ; qu'en conséquence, la décision prise à l'encontre de Mme A... ne méconnaît pas les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les requérants sont entrés récemment en France, le 30 décembre 2012 et qu'ils n'ont été autorisés à y résider qu'en raison des démarches qu'ils ont accomplies en vue d'obtenir le statut de réfugié et au titre de l'état de santé de M. A... ; que, faisant tous deux l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, rien ne fait obstacle à ce que leur cellule familiale, dont tous les membres ont la nationalité albanaise, se reconstitue hors de France et notamment en Albanie, où ils ont passé la majeure partie de leur vie et où ils conservent des attaches familiales ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, les décisions contestées n'ont pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'ainsi, elles ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ;

8. Considérant que les décisions attaquées n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer M. et Mme A..., qui font tous deux l'objet de refus de titres de séjour assortis d'obligations de quitter le territoire français, de leur fils mineur qui a vocation à les suivre même s'il était scolarisé en France à la date des décisions en litige, dès lors que son état de santé ne requiert aucune prise en charge médicale spécialisée avant sa majorité ; que ces décisions ne peuvent, dans ces conditions, être regardées comme ayant été prises en méconnaissance de l'intérêt supérieur de cet enfant ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit, par suite, être écarté ;

9. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;

10. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 8, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'admission au séjour de M. et Mme A... répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels qu'ils auraient fait valoir ; que les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que les décisions attaquées seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions citées au point 9 ;

En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire français :

11. Considérant, en premier lieu, que compte tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 10, les requérants ne sont pas fondés à invoquer l'illégalité des refus de titres de séjour à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les obligations de quitter le territoire français ;

12. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...) " ;

13. Considérant que, pour les motifs précédemment exposés au point 3 dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour opposé à M. A... au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision obligeant l'intéressé à quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions citées au point précédent ;

14. Considérant, en troisième lieu, que, pour les motifs exposés au point 6, les mesures d'éloignement ne méconnaissent pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes ; que leurs conclusions accessoires aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application, au bénéfice de leur avocat, de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme D... E... épouse A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre,

M. Antoine Gille, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 novembre 2017.

2

N° 16LY04260

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY04260
Date de la décision : 21/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-11-21;16ly04260 ?
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