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07/11/2017 | FRANCE | N°16LY03440

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 07 novembre 2017, 16LY03440


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... B..., épouseC..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 24 mai 2016 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 1603566 du 8 septembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 17 octobre 2016, le pr

éfet de la Haute-Savoie, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... B..., épouseC..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 24 mai 2016 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 1603566 du 8 septembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 17 octobre 2016, le préfet de la Haute-Savoie, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 septembre 2016 ;

2°) de rejeter la demande de Mme C... devant ce tribunal.

Il soutient que Mme C... ne justifiant pas de l'impossibilité de mener une vie familiale normale dans le pays dont elle est originaire, la décision prononcée à son encontre ne viole pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal.

Par un mémoire enregistré le 27 avril 2017, Mme E...B..., épouseC..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté préfectoral viole les articles L. 313-11 11° et L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il viole l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour en violation de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a été pris en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Mme B..., épouseC..., a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 16 mai 2017 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;

1. Considérant que Mme B..., épouseC..., ressortissante du Kosovo, née le 8 février 1989, est entrée en France irrégulièrement le 4 février 2013, accompagnée de son mari ; qu'après le rejet de sa demande d'asile par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 6 mars 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 mars 2015, elle a bénéficié, compte tenu de son état de santé, de deux autorisations provisoires de séjour d'une durée de six mois chacune, couvrant la période du 13 avril 2015 au 11 avril 2016, dont elle a demandé le renouvellement le 11 février 2016 ; que, par des décisions du 24 mai 2016, le préfet de la Haute-Savoie lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ; que, par un jugement du 8 septembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions ; que, par la présente requête, le préfet de la Haute-Savoie relève appel de ce jugement et conclut à son annulation ainsi qu'au rejet de la demande de Mme B..., épouseC..., devant le tribunal ;

Sur le bien-fondé du motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

3. Considérant que Mme B..., épouseC..., entrée en France en février 2013 avec son époux, n'a été autorisée à y résider qu'en raison des démarches qu'elle accomplies en vue d'obtenir le statut de réfugiée et une carte de séjour au titre de son état de santé ; qu'elle a vécu la majeure partie de sa vie au Kosovo où résident ses parents et ses frères et soeurs ; que si la requérante soutient qu'elle est dans l'impossibilité d'y poursuivre sa vie familiale, en raison de violences qu'elle aurait subies de la part de sa famille et de sa belle-famille qui désapprouvent son mariage, ses explications sur les violences familiales ainsi alléguées ont été jugées peu convaincantes par la Cour nationale du droit d'asile ; que les documents médicaux produits par l'intéressée et les autres pièces versées au dossier sont insuffisants pour démontrer la réalité de ces violences et l'existence d'un risque de représailles en cas de retour dans le pays d'origine ; qu'en l'absence d'obstacle avéré mettant Mme B... épouse C...dans l'impossibilité de poursuivre sa vie privée et familiale hors de France avec ses enfants et son époux, lequel a également fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire national, le préfet n'a pas, par l'arrêté contesté, porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... épouse C...de mener une vie privée et familiale normale au regard des buts poursuivis ; que cet arrêté n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur ce motif pour annuler son arrêté du 24 mai 2016 ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... épouseC... ;

Sur le refus de titre de séjour :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B... épouseC..., souffrant d'une réaction psychotique avec des hallucinations auditives très actives, est suivie au centre médico-psychologique d'Annecy-le-Vieux depuis le mois d'avril 2014 ; que, dans son avis du 28 avril 2016, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme B... épouseC..., nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine ; que Mme B... épouse C...se borne à se prévaloir des faiblesses du système de santé kosovar relevée dans des rapports de l'OSAR et de l'UNHCR, sans démontrer que le syndrome post-traumatique d'expression nocturne dont elle souffre ne pourrait être traité dans son pays d'origine ; qu'il ressort au contraire des éléments versés au dossier par le préfet de la Haute-Savoie que le Kosovo est en mesure de traiter toute forme de troubles psychiatriques et que les médicaments prescrits à l'intéressée sont enregistrés par l'agence des médicaments du Kosovo ; que Mme B... épouseC..., qui ne démontre par aucun élément probant, ainsi qu'il a été dit au point 4, la réalité des violences familiales subies dans son pays d'origine, ne justifie d'aucune circonstance humanitaire exceptionnelle, au sens des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le refus de titre de séjour en litige ne méconnaît pas ces dispositions ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que Mme B... épouse C...ne peut utilement soutenir que le préfet a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne constituaient pas le fondement de sa demande d'admission au séjour et sur lesquelles le préfet de la Haute-Savoie ne s'est pas prononcé ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu des dispositions des articles L. 312-2 et R. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour ne doit être consultée par l'autorité administrative que lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 du même code qui remplit effectivement les conditions de délivrance d'un tel titre ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 6, Mme B... épouse C...ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer une carte de séjour en application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet de la Haute-Savoie n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant qu'il résulte de qui a été dit au point 6, que le moyen selon lequel l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui fait obstacle à l'éloignement d'un étranger dont l'état de santé répond aux conditions fixées au 11° de l'article L. 313-11 du même code doit être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 24 mai 2016 ; que le préfet de la Haute-Savoie est dès lors fondé à demander l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande de Mme B... épouse C...devant le tribunal administratif de Grenoble ; que les conclusions que Mme B...épouse C...présente en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 septembre 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... épouse C...devant le tribunal administratif de Grenoble ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de l'instance d'appel, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... épouseC....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie ainsi qu'au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Annecy.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre ;

M. Antoine Gille, président-assesseur ;

Mme Lordonné, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 novembre 2017.

2

N° 16LY03440

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY03440
Date de la décision : 07/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-11-07;16ly03440 ?
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