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17/10/2017 | FRANCE | N°16LY02262

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 17 octobre 2017, 16LY02262


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 6 février 2015 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile et les décisions du 14 septembre 2015 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination en cas d'éloignement forcé et a interdit son retou

r sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 15063...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 6 février 2015 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile et les décisions du 14 septembre 2015 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination en cas d'éloignement forcé et a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 1506393-1600558 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du préfet de l'Isère du 6 février 2015 ainsi que celle du 14 septembre 2015 en tant qu'elle porte refus de séjour au titre de l'asile, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour pour une durée d'un an, a enjoint au préfet de l'Isère de procéder au réexamen de la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat la somme de 600 euros à verser à Me Cans, avocat de Mme A..., au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme A....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 juillet 2016, le préfet de l'Isère demande à la cour d'annuler les articles 1er à 3 de ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 mai 2016 et de rejeter les demandes de Mme A....

Il soutient que :

- le tribunal devait constater un non-lieu à statuer sur la décision de refus d'autorisation provisoire de séjour ;

- le rejet de la demande d'asile étant définitif à la date du 14 septembre 2015, Mme A... ne pouvait contester le refus de séjour par voie de conséquence du refus d'admission provisoire au séjour.

Par un mémoire enregistré le 11 octobre 2016, Mme A...conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à l'annulation de la décision du 14 septembre 2015 du préfet de l'Isère en tant qu'elle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, consécutivement aux demandes de titre de séjour présentées les 18 février 2013 et 6 octobre 2014 ;

3°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait été à nouveau statué sur son cas et de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de trente jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par une lettre en date du 6 septembre 2017, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité des conclusions incidentes de Mme A....

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 13 septembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller ;

1. Considérant que Mme A..., de nationalité angolaise, est entrée en France le 12 février 2013 ; que, le 18 février 2013, elle a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, le 16 juillet 2014 ; que, le 6 octobre 2014, elle a demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, avant de solliciter, le 9 décembre 2014, le réexamen de sa demande d'asile ; que, par décision du 6 février 2015, le préfet de l'Isère a refusé son admission provisoire au séjour, sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par décisions du 14 septembre 2015, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour suite à ses différentes demandes, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'issue de ce délai et a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ; que, par jugement du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 6 février 2015, la décision du 14 septembre 2015 portant refus de séjour consécutivement à la demande du 9 décembre 2014, la décision obligeant Mme A... à quitter le territoire français, la décision fixant le pays de destination et la décision portant interdiction de retour ; qu'il a également enjoint au préfet de l'Isère de réexaminer la demande de Mme A... après lui avoir délivré, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ; que le préfet de l'Isère relève appel de ce jugement en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de Mme A... ; que, par la voie de l'appel incident, Mme A... relève appel de ce jugement, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 14 septembre 2015 ayant refusé de lui délivrer un titre de séjour suite à ses demandes des 18 février 2013 et 6 octobre 2014 ;

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

2. Considérant que la circonstance qu'en cours d'instance devant le tribunal administratif la seconde demande d'asile de Mme A... a fait l'objet d'un rejet définitif par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 22 avril 2015, faute pour l'intéressée d'avoir saisi la Cour nationale du droit d'asile d'un recours, n'était pas de nature à rendre sans objet la demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 6 février 2015 refusant son admission provisoire au séjour, laquelle n'a pas été retirée et a produit des effets ; que, par suite, le tribunal a pu, sans entacher son jugement d'irrégularité, écarter l'exception de non-lieu opposée par le préfet de l'Isère en première instance ;

En ce qui concerne la légalité des décisions du 14 septembre 2015 :

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de réexamen de sa demande d'asile présentée par Mme A... le 9 décembre 2014 a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 22 avril 2015, sans que Mme A... ne forme un recours devant la Cour nationale du droit d'asile ; qu'à la date du refus de séjour contesté, le 14 septembre 2015, la demande de Mme A... avait ainsi été définitivement rejetée ; que le préfet de l'Isère pouvait, par suite, refuser de lui délivrer un titre de séjour, sans que ce refus fût subordonné à la légalité du refus d'admission provisoire au séjour et du placement de la demande de l'intéressée en procédure prioritaire ; qu'ainsi c'est à tort que le tribunal a annulé la décision de refus de séjour du 14 septembre 2015 consécutive à la demande du 9 décembre 2014 et les décisions subséquentes par voie de conséquence de l'illégalité de la décision du 6 février 2015 ;

4. Considérant qu'il y a lieu, au titre de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme A..., dirigés contre le refus de séjour en tant qu'il a rejeté la demande du 9 décembre 2014 et les décisions subséquentes ;

5. Considérant que ces décisions ont été signées par M. Patrick Lapouze, secrétaire général de la préfecture de l'Isère, en vertu d'une délégation de signature consentie par le préfet de l'Isère par arrêté du 27 août 2015, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;

6. Considérant qu'il ne ressort pas de la décision en litige que le préfet de l'Isère n'aurait pas procédé à un réel examen de la situation de Mme A... ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; que, si MmeA..., qui est entrée en France à l'âge de dix-neuf ans, après avoir toujours vécu en Angola, soutient ne plus avoir d'attaches dans son pays d'origine, les membres de sa famille étant soit morts soit disparus, l'intéressée, qui est célibataire et sans enfant, ne séjournait en France que depuis deux ans et demi à la date des décisions en litige ; que, dans ces conditions, les décisions par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français n'ont pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises et n'ont pas méconnu les stipulations précitées ; qu'elles ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. " ; que selon le dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; que, si Mme A... soutient qu'elle est exposée à des menaces en Angola du fait de son engagement politique au sein du Front de libération de l'enclave de Cabinda, et que des membres de sa famille ont été arrêtés et torturés pour les mêmes motifs, elle n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations ; que, dans ces conditions, l'intéressée, dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée, n'établit pas la réalité de risques personnellement encourus en cas de retour en Angola ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision du 14 septembre 2015 par laquelle il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A..., suite à sa demande d'asile du 9 décembre 2014, ainsi que les décisions du même jour par lesquelles il a obligé Mme A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction :

10. Considérant qu'en vertu des dispositions alors en vigueur de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à la situation de Mme A..., qui avait présenté une demande d'asile antérieurement au 1er novembre 2015, le demandeur d'asile ne pouvait bénéficier d'une autorisation provisoire de séjour que jusqu'au rejet définitif de sa demande d'asile ; que la demande de réexamen présentée par Mme A... ayant été définitivement rejetée à la date du jugement attaqué, l'annulation de la décision du 6 février 2015 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé son admission provisoire au séjour, confirmée par le présent arrêt, n'impliquait aucune mesure d'exécution ; que, par suite, le préfet de l'Isère est également fondé à demander l'annulation de l'article 2 du jugement du 12 mai 2016 ;

Sur l'appel incident :

11. Considérant que le litige concernant les refus opposés aux demandes de titre de séjour présentées les 18 février 2013 et 6 octobre 2014 constitue un litige distinct de celui portant sur le refus opposé à la demande du 9 décembre 2014 et des décisions subséquentes ; que les conclusions incidentes de Mme A... relatives aux refus de séjour consécutifs à ces demandes, enregistrées au greffe de la cour après l'expiration du délai d'appel, ne sont pas recevables ;

Sur les frais d'instance :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante, verse à l'avocat de Mme A... une somme quelconque en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 mai 2016 est annulé en tant que, en son article 1er, il a annulé les décisions du 14 septembre 2015 par lesquelles le préfet de l'Isère a opposé à Mme A... un refus de titre de séjour au titre de l'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et en tant que, en son article 2, il a enjoint au préfet de l'Isère de procéder au réexamen de la situation de l'intéressée, après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour.

Article 2 : Les conclusions de la demande de Mme A... devant le tribunal administratif de Grenoble auxquelles il a été fait droit par la partie du jugement annulée à l'article 1er ci-dessus sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet de l'Isère et les conclusions d'appel de Mme A... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... A....

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre,

M. Antoine Gille, président-assesseur,

M. Thierry Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 octobre 2017.

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N° 16LY02262

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02262
Date de la décision : 17/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : SELARL ALBAN COSTA

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-10-17;16ly02262 ?
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